Introduction : au pays des méchants et des gentils
Dans ce petit billet, on va se fonder sur la dernière vidéo du vulgarisateur sceptique, Defakator, et tenter de développer (et critiquer) un peu les implications de son discours sur les « étiquettes ». L’objectif est de faire plus synthétique (et donc plus simplifié) que des articles bien plus précis et développés que vous pourrez trouver sur le site Zet-ethique Métacritique.
[EDIT] Pour que ce soit clair : Ce qui est interrogé ici, c’est le cadre politique dans lequel s’inscrit la démarche de defakator (et à quel point ça valide des usages critiquables déjà répandus dans la communauté zet) par cette vidéo. Il ne faudra pas en tirer comme conclusion à cet article que la vidéo critiquée est un manifeste absolu pour la neutralité politique. L’idée est plutôt de se servir du prétexte qu’il y a des positions malheureuses dans cette dernière pour aborder des thèmes qui nous tiennent à coeur.
Voici donc la vidéo dont on parlera ici (intitulée « Voyage au pays des méchants et des gentils » ce qui annonce bien la couleur).
L’idée première défendue dans les 20 premières secondes de cette vidéo est que « sur les réseaux sociaux » et « IRL » (dans la vraie vie) « débattre c’est de plus en plus tendu », à cause de « partisans radicalisés » qui « attisent des divisions » en réduisant et catégorisant les gens dans des « cases à stigmatiser ».
Oui ça fait beaucoup mais ce n’est pas fini. Puisque cet état de fait mènerait à polariser le débat autour de concepts manichéens du « bien » et du « mal », des « méchants » et des « gentils », du « noir » et du « blanc », de la figue ou du raisin en somme. Ce qui empêcherait les personnes d’exister finalement dans la nuance.
On a d’ailleurs très vite des exemples de « cases » dans lesquelles sont rangé·e·s (injustement) les interlocuteur·ice·s : « complotiste », « capitaliste », « pro-système » « anti-ceci ou pro-cela » ce qui serait donc un moyen de fuir le débat puisqu’on réduirait toute la complexité du discours d’une personne à une simple position « pro » ou « anti » quelque chose, amenant de facto à les considérer comme méchant ou gentil selon notre propre positionnement (celui des gentils) sans même prêter attention à leurs arguments.
Je précise ici que cette démonstration qui cible ses interlocuteur·ice·s se concevant elleux même comme étant « le camp du bien« , on la retrouve dans bon nombre de discours des vulgarisateurs reconnus : aussi bien que dans les interactions fréquentes que l’on peut avoir avec les zeteticien·ne·s (IRL ou non). Mais c’est un propos qu’on retrouve aussi souvent dans les édito de la droite libérale que dans les propos réguliers de l’extrême droite.
Bon j’entends déjà d’ici certain·e·s s’exclamer : « Quoi ? l’auteur·ice de cet article serait-ael justement en train de faire ce que la vidéo dénonce ? Defaktor serait donc d’extrême droite ? N’avez-vous pas honte de réduire ainsi la parole nuancée de cet homme sincère à une case, une étiquette ? Un stigmate ? »
Et bah ça tombe bien c’est ce genre de réflexe argumentatif qu’on va essayer de déconstruire ici.
Une prémisse pas si évidente
On pourra commencer par rappeler que la vidéo ne source aucunement l’affirmation comme quoi les « échanges » « débats » et « discussions » sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la vie courante seraient de plus en plus tendus. La plupart des personnes qui l’ont vu considéreront sans doute cette affirmation comme témoignant d’une réalité tellement évidente qu’il n’y a pas besoin de la démontrer.
Pourtant il est assez facile de développer quelques pistes pour nuancer cette affirmation (et peut-être, du coup, en expliquer mieux les causes).
° Il n’est pas dit depuis quand « discuter c’est tendu » mais on peut facilement argumenter que, des échanges tendus, il en existe depuis longtemps, des débats qui polarisent toute une société, ce n’est pas un fait nouveau du tout. De la même manière, on remarque en lisant l’article proposé en source par Defakator, que le concept de dissonance cognitive (ayant été formulé dans le contexte de l’étude de la formation des opinions au sein d’un groupe et sur lequel se fonde en partie l’argumentaire de Defakator pour expliquer les mécanismes qui mènent à la polarisation des débats) date des années 50.
° La question des bulles de filtre encouragée les réseaux sociaux peut-être également nuancée dans la mesure ou les biais de confirmation qu’on développe au sein de ces dernières ne sont parfois que la construction d’une cohérence interne entre pair·es.
° On peut aussi se demander si c’est vraiment l’esprit communautaire de personnes aveuglées par leurs bulles de filtre qui les pousse à réagir de manière tranchée à tel ou tel discours qu’on trouve sur les réseaux. D’autres pistes de réflexions ont été proposées notamment celle de l’échelle des nouvelles formes de « vivre-ensemble » (de la communauté à la société) et de diffusion de l’information qui troublerait les distances sociales et la perception qu’on en a.
On ne développera pas plus ici, car l’objet de ce billet est plutôt de répondre à un positionnement politique qu’à des considérations scientifiques (qui, par ailleurs, ne sont pas du tout inintéressantes). C’est donc bien le cadre politique dans lequel ces considérations sont rentrées (parfois un peu de force) qu’on va s’intéresser.
Posture et déterminisme
Defakator se sert des études sur les effets de groupe, l’identité sociale et la mobilité sociale pour développer un argumentaire selon lequel « penser moins comme un individu et plus comme un groupe » est un comportement problématique. Un comportement qui, à travers l’objectif de valoriser son groupe et dévaloriser les autres groupes, mène à « la diffamation, l’insulte, la violence » etc.
Pourtant, si on réfléchit un peu d’un point de vue politique, des groupes sociaux constitués dans notre société par des intérêts communs et qui font preuve de violence pour être valorisés (symboliquement, mais aussi matériellement), c’est ce qui parsème l’histoire des luttes sociales.
La raison qu’il invoque pour expliquer en quoi ces comportements sont problématiques, c’est que ces derniers sont parfois le fait de « postures » (la preuve : dans l’étude citée, les groupes ont été constitués de manière totalement arbitraire) dans « l’identité qu’on s’est choisie ». En effet, la notion de choix intervient beaucoup dans le discours de Defakator d’ailleurs qui, finalement, s’attarde peu sur les déterminismes lorsqu’il s’agit de cadrer politiquement son discours (ce qui détone avec les éléments factuels apportés par ce dernier, c’est bien dommage). Pourtant, dans le monde social, c’est beaucoup plus informel (insidieux ?) que ça. Les groupes sociaux auxquels on appartient ne sont pas forcément toujours définis de manière aussi claire et la mobilité sociale est bien loin de n’être qu’une affaire de libre-arbitre (ce qui explique d’ailleurs pourquoi il ne s’agit pas forcément de convaincre par le dialogue une personne de ne plus lutter pour ses intérêts).
Il y a un souci avec cette rhétorique puisqu’elle tend à considérer a priori que toute catégorisation politique du discours ou des représentations, comme pouvant être réduite à une posture « morale » (nous vs eux, méchants vs gentils) et donc, par définition, illégitimes (puisque n’étant pas dans l’optique de la sacro-sainte « recherche de la VERITE » mais plutôt dans celle du curé qui dit ce qui est bon ou mauvais).
Sauf que d’une part, on l’a déjà dit mais il y a ici un échec à bien comprendre la diversité des déterminismes qui nous font critiquer un discours sur la base de nos représentations. Pour l’exemple de la critique de la médecine par les personnes prônant des « médecines alternatives » ou plus particulière des antivaxx, on pourrait noter le lien entre les violences obstétricales (et plus généralement le traitement des femmes par les institutions sanitaires) et leur adhésion à ces discours et représentations. Pourtant, le constat que la pratique de la médecine est structurée par un paradigme patriarcal n’est pas illégitime.
Catégories politiques ou morales ?
Tout ceci mène Defakator à établir tout plein d’outils supers pour plonger tout droit dans le procès d’intention. Il nous demande d’être attentif·ve à pourquoi les personnes tiennent les discours qu’elles tiennent : parce qu’elles sont dans une démarche de recherche de vérité avec des sources et arguments étayés ? ou pour suivre une posture afin de coller à leur identité sociale ? (on a d’ailleurs peu d’outils zetetiques proposés pour sonder les âmes à ce point)
C’est donc la fameuse division idéologie/rationalité qu’on retrouve ici, qu’on a déjà, bien attaqué dans les précédents textes et qui a tendance à favoriser le statu quo plus que la « vérité ».
Du coup, contrairement à Defakator, ma position n’est pas tant de savoir quelles sont les intentions de la personne qui professe un discours, mais plutôt comment ce discours se positionne au sein d’un contexte politique). C’est donc moins ce que vous vouliez dire que les conséquences de ce que vous dites (et bien les conséquences politiques) qui importent lorsqu’il s’agit de situer politiquement un propos.
Pour prendre l’exemple bien souvent réutilisé, ce qui nous permet de dire qu’une personne est fasciste, c’est que cette personne « fait du fascisme« , c’est-à-dire qu’elle valide politiquement les discours, actions et représentations fascistes de la société. Et c’est à partir d’une définition socio-historique plutôt consensuelle qu’on définit ce que sont des actes, représentations et discours fascistes.
Ainsi donc, les propositions politiques de Defakator tendent surtout à dépolitiser des analyses formulées à partir de connaissances réelles et les réduisant des postures morales supposées ou déduites à la suite d’un dialogue apaisé. Par conséquent ce que Defakator nous pousse finalement à faire, c’est donner la parole à chacun pour arriver à faire la part des chose grâce à l’entretien épistémique et surtout : ne JAMAIS catégoriser politiquement le discours (et donc la personne à qui l’on parle) qu’on nous sert. On ne doit donc pas dire à un complotiste qu’il l’est (véritable proposition de la vidéo) ni qualifier des propos de fascistes quand ils le sont. Parce que « c’est la porte ouverte aux amalgames » et que ça ne retranscrirait pas bien la diversité des sous-groupes au sein de ces appellations.
D’autre part, depuis quand « capitaliste » est devenu une étiquette morale et non un constat politique défini par des années de recherches en sciences sociales ? On n’est pas sur un concept très vague ou mal définit comme « SJW » mais sur une idéologie que des livres entiers de sociologie ont analysés. C’est un autre problème récurrent de ce genre de rhétorique : On présuppose que la classification n’est pas étayée, qu’elle est faite à l’emporte-pièce, on analyse les catégories politiques proposées par l’interlocuteur à partir de notre incompréhension de ces dernières, en n’ayant pas accès au raisonnement qui a conduit à cette classification. Et donc, évidemment, on les trouve réductrices, peu à propos, voir injustes.
Rappelons tout de même que nous ne disons pas que toute catégorisation est bonne et qu’elle n’ont pour conséquence que d’affiner une analyse. En effet, les catégorisations peuvent aussi causer beaucoup de tort à une compréhension pertinente du monde, il suffit de voir ce que la catégorie « islamogauchiste », co-construite dans le même élan fétichiste par la droite islamophobe et la gauche anti-impérialiste anglo-saxonnes et popularisée en France par l’extrême droite intellectuelle, s’est formalisé dans le discours de nos ministres conservateurs pour en faire l’idéologie qui « gangrène » les universités françaises, et plus globalement, toute la société.
Définir c’est essentialiser
Defakator développe donc que ces catégorisations servent à user d’un stratagème rhétorique : le déshonneur par association. Mais il utilise là un Fauxphisme. En effet, si l’on associe des gens qui sont déjà associés entre eux par un élément discriminant qui les définit, bah cette association est tout à fait légitime.
On va prendre un exemple basique : Si on vous dit « chaise » vous allez visualiser une chaise. Ça ne sera peut-être pas la même chaise qu’on visualise nous, mais elle partagera avec la nôtre un certains nombre de critères qui permettent de définir ce qu’est une chaise (4 pieds, un dossier, pas d’accoudoirs, etc.). On a besoin d’essentialiser pour penser et concevoir le monde. Et personne ne dira que si nos deux sous-groupes de chaises sont appelés « chaise », alors l’association est illégitime.
De la même manière, si ce qui définit les fascistes, c’est le fait de faire du fascisme, alors, peu importe qu’il existe des différences de tactique et stratégie entre ces fascistes pour les définir comme tel. Rien ne nous empêche d’ailleurs de préciser au moyen d’adjectifs ou de néologismes encore plus pertinents : néo-nazis, occidentalistes, alt-right, négationnistes, suprématistes etc. Pour Defakator, le problème serait donc, peut-être, que définir un meuble sous l’appellation « chaise » ne serait pas infamant (contrairement à « capitaliste » par exemple) et donc ne risque pas de servir de stratégie argumentative pour repousser l’analyse que cette dernière pourrait produire à propos de la société. Et donc finalement, on ne risque pas grand chose à amalgamer des sous-groupes de chaises sous cette appellation consensuelle contrairement aux exemples que lui utilise.
Connaitre le contexte pour évaluer la stratégie
C’est là qu’on touche au point central porté par Defakator. Le vidéaste parle en fait de « risque » de « porte ouverte à » et va donc privilégier une approche qui lui semble plus prudente et raisonnable que catégoriser rapidement un discours et par extension la personne qui le porte.
Mais ce « risque » doit être pensé par rapport à un contexte politique et social. Par exemple, dans notre société, les fascistes sont-ils en danger ou sont-ils un danger ? L’extrême droite souffre-elle tellement de l’image qu’elle a ou est-elle en voie de « dédiabolisation » ? Les gens sont-ils trop souvent accusés d’être fascistes ou pas assez, ou plutôt, sommes-nous assez vigilant·e·s en ce qui concerne la veille antifasciste ou sommes-nous trop complaisant·e·s avec eux ? Notre opinion est plutôt que l’extrême droite se sert de la naïveté politique et sociale des discours comme ceux que propose Defakator pour se faire une place dans le débat publique.
Souvent d’ailleurs parce que les sceptiques semblent utiliser le rasoir de Hanlon et préfèrent penser que les gens sont cons plutôt que malveillants. Et que finalement, si on fait bien nos discussions, si on laisse les pensées se dérouler, pour ensuite proposer un éventuel debunk, argument contre argument, alors le marché de l’information fera le tri entre le bon grain et l’ivraie.
Sauf que ce marché, comme le monde des idées sur lequel on souhaiterait affronter les fascistes, les capitalistes ou les conspirationnistes n’existe pas plus que Narnia. Cette manière de concevoir la façon dont un individu se comporte vis-à-vis d’une multitude d’offres sur un marché fait écho au mythe de l’Homo œconomicus qui agirait systématiquement en fonction de critères rationnels.
Notamment, on voit des figures zététicienne se jeter des fleurs en mettant en avant des exemples de personnes les ayant découvertes lorsqu’elles allaient courageusement (non) débattre avec l’indigence argumentative de confusionnistes issus de la droite bien réactionnaire.
Oubliant par là, qu’il n’y a pas vraiment de raison de penser que l’inverse ne se passe pas dans l’autre sens et qu’eux aussi sont utilisés comme plateforme ou tremplin vers une idéologie qu’ils ne défendent pas. (C’est pourtant pas faute d’avoir été prévenus).
Les fascistes l’ont bien compris puisque dans leurs organes de formation, on leur apprend des techniques qui tirent avantage de ces mécaniques (libérales) de tri de l’information : par exemple le connard de Schrödinger qui va dire quelque chose de fasciste et ne démentira que si on relève (et donc qu’on catégorise) son propos.
En fait Defakator juge nos stratégies de communication à l’aune de ses objectifs et représentations politiques (qui semblent, pour le coup, peu rigoureuses). Oubliant par là que chaque débat n’a pas pour objet de trancher entre le vrai et le faux, que chaque discussion n’a pas pour objectif de convaincre l’interlocuteur·ice, mais peut parfois :
° Cibler son auditoire en passant par-dessus elle/lui en contrôlant la conversation.
° Tenter de faire entrer nos concepts dans la fenêtre d’Overton
° S’opposer à une propagande manifeste sans jouer la défense
° Subvertir un discours en le rendant inaudible (n’est-ce pas la définition du mal aimé « hooliganisme politique » ?)
Toutes ces tactiques peuvent tout à fait être légitime selon la stratégie dans laquelle elles s’insèrent et les objectifs qu’elles défendent. Et c’est à l’aune de ces objectifs qu’il faut les juger si l’on veut être « rationnel ».
Conclusion : quitte à nous mépriser, laissez-nous gueuler
En résumé. Le problème de cette vidéo ne réside pas tant dans ce qui est dit par Defakator que dans ce qu’il ne dit pas, dans ses angles morts si vous voulez. Appartenir à un groupe social défini, c’est quelque chose que tout le monde vit. En avoir conscience, (du sien et de celui des autres), c’est déjà plus compliqué à mettre en pratique mais il le faut. Ça permet de mieux lutter pour ses intérêts et ceux des autres membres de son groupe. La stratégie politique qui revient à ne pas nommer ces groupes, ne pas nommer les rapports de force, ne pas nommer les positions sociales des un·e et des autres, ne pas nommer les idéologies qui sous-tendent les discours et les actions, c’est le logiciel idéologique hégémonique de notre société (universalisme, républicanisme, libéralisme, colorblindness, genderblindness etc.).
Tout ça au titre que, si on nomme les choses, on les rendrait réelles, et donc, c’est en adressant le problème des rapports de genre qu’on ferait du sexisme, c’est en adressant le problème des rapport de classe qu’on ferait de l’inégalité sociale etc. Et même, c’est en disant à un·e conspi qu’iel l’est qu’iel le deviendra véritablement (souvent, ça va avec une mauvaise compréhension de ce qu’est le « réel » et ses liens avec les « constructions sociales »).
Sauf que ce qui se passe en réalité c’est qu’on met juste tous les rapports de force, les intérêts de classe etc. sous le tapis en espérant que les choses se règlent avec une bonne discussion (le marché des idées fera le tri tmtc). L’objectif assumé de cette stratégie étant souvent d’avoir un dialogue « constructif » ou le débat « bienveillant » semble au contraire que ce genre de posture est tout sauf constructive.
Ça donne l’illusion du consensus parce que ça exclut justement toutes les personnes un peu en colère (parce que finalement si au lieu de dire « machin est sexiste » ou « bidule est transphobe » on disait « ce que tu dis n’est peut-être pas très valide d’un point de vue de la réalité véritable », ça passerait bien mieux), ça exclut les personnes n’ayant pas les moyens matériels de policer leur discours et d’entendre les pires horreurs sans même avoir le droit de les catégoriser comme telles.
C’est spécifiquement cette posture qu’on essaye avec d’autres camarades de détruire au sein de groupes/collectifs/organisations/espaces/communautés zététiques (et pas toujours par le fameux dialogue constructif) parce que cette illusion de consensus exclut en silence depuis longtemps. Donc, certes, ça fait un peu chier d’entendre des gens gueuler pour briser un silence qui nous paraissait être la preuve ultime que tout allait bien. Mais comme le disait Ce N’est Qu’une Théorie, quand il y a un silence c’est que justement ça va pas bien.
Pour aller plus loin n’hésitez pas à aller voir la série d’articles sur les biais idéologiques de notre site :
° Partie 1 : Testez vos biais https://zet-ethique.fr/2021/02/06/des-biais-de-lideologie-et-des-biais-ideologiques-partie-1-testez-vos-biais/
° Partie 2 : Une méthode pour limiter ses biais idéologiques ? https://zet-ethique.fr/2021/02/08/des-biais-de-lideologie-et-des-biais-ideologiques-partie-2-une-methode-pour-limiter-ses-biais-ideologiques/
° Partie 3 : Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles https://zet-ethique.fr/2021/02/13/des-biais-de-lideologie-et-des-biais-ideologiques-partie-3-tous-les-modeles-sont-faux-mais-certains-sont-utiles/
Merci pour cet article super intéressant. J´avais vu la vidéo de Defakator et j´avais tiqué sur quelques points sans pour autant pouvoir expliciter ce qui me dérangeait. Là c´est clair, vraiment du bon boulot.
Moi aussi j’avais tiqué sur la vidéo.
Après m’être tapé votre écriture inclusive atroce et les fautes de français diverses, j’adhère à 95% des propos sauf la conclusion.
Je suis un militant, votre discours est un discours de militant.
Mais quand je dois convaincre des amis qui ont des propos réactionnaires, je suis obligé de nuancer entre ce qu’ils sont (qui est complexes) et les propos tenus (a l’instant T car ça fluctue dans le temps).
Donc dans le cadre d’une tentative de conviction, en effet, catégoriser quelqu’un de manière simpliste ne permet pas le dialogue et l’évolution des mentalités (a moins de se servir de l’étiquetage dans un but de dénonciation, ce qui semblait être exclu par defakator).
Écrire un tract de dénonciation et de positionnement est une chose.
Quand on passe discuter avec les gens pour faire évoluer les mentalités, on doit se positionner autrement si on veut convaincre.
Bonjour,
Merci de votre réponse, j’espère néanmoins que vous n’avez pas chopé une Quataracte à cause de tous ces vilains points médiants. (oui je sais que ça s’écrit Cataracte mais c’est un blague sur le fait que je suis un·e islamogauchiste dysorthographique).
Blague à part donc, On parle bien là de “débat” principalement sur internet et IRL avec des inconnus (souvent en publique qui plus est). Effectivement la manière dont on va s’adresser à des amis pourra être différente par exemple. Et, de la même manière, si notre objectif est celui de convaincre l’interlocuteur·ice en face, on pourra questionner les propositions qui sont faites dans cet article. Mais je le répète ici : tous les débat (la majorité en fait) n’ont pas (ou ne devrait pas avoir) pour finalité de convaincre l’interlocuteur·ice.
« Et c’est à partir d’une définition socio-historique plutôt consensuelle qu’on définit ce que sont des actes, représentations et discours fascistes. »
Consensuel chez qui ? En tout cas certainement pas consensuel chez les historiens du fascisme.
Entre Griffin, Paxton, Sternhell, Bernstein, Mosse, entre ceux qui définissent le fascisme de façon analytique ou de façon historique, c’est quoi votre position ?
Vous ne savez même qui sont ces gens, sinon vous ne parleriez pas de « définitions socio-historiques consensuelles » du fascisme.
Vous parlez « tranquille » de porter des accusations infamantes et graves, sur un sujet dont vous ignorez visiblement tout, en vous revendiquant de la zététique.
« Du coup, contrairement à Defakator, ma position n’est pas tant de savoir quelles sont les intentions de la personne qui professe un discours, mais plutôt comment ce discours se positionne au sein d’un contexte politique). »
Et donc non pas si ce discours est vrai ou non. Ce qui vous intéressent, c’est le jugement de valeurs et non le jugement de faits (Weber, version de Freund ou Kalinowski, au choix).
Bref, vous concernant du moins, l’analyse de défakator, quoique simpliste, est amplement suffisante.
Bonjour et merci beaucoup pour cette petite séance de name-dropping.
Cependant, la prochaine fois qu’il vous prend d’écrire un message sur ce site, je vous suggère de vous essayer à dire quelque chose, plutôt qu’à suggérer que l’auteurice de l’article sous lequel vous intervenez ne sait pas de quoi il parle. Quelle que soit l’admiration que je porte personnellement à son travail, « avez-vous lu Sternhel » n’est pas une critique en soi. Par ailleurs, je n’aurais certes pas parlé, moi-même, de « consensus » pour qualifier l’idée que le fascisme doive être compris comme une dynamique plutôt que comme un corpus idéologique défini, se distinguant ainsi des autres idéologies politiques, mais c’est une idée qui se résume assez bien dans l’expression « faire du fascisme » et qui a été défendue avec brio par un des auteurs qu’ironiquement vous name-droppez vous-même, à savoir, Paxton.
D’autre part, ça vous aura sans doute échappé, mais (et en dépit de l’amour que je porte à la science historique) les définitions sur ce qu’est le fascisme en acte n’émergent pas uniquement des départements d’histoire contemporaine; la lutte politique antifasciste, elle aussi, a une expérience (pratique) du fascisme, et a travaillé, souvent en se référant au débat historique mais à partir d’une connaissance née de l’expérience de la lutte, ses propres définitions. Voilà d’où il est facile d’inférer que le « consensus » sur ce que sont (non pas « le fascisme », comme vous traduisez maladroitement le passage que vous citez, mais) des actes, des pratiques, des représentations et des discours fascistes, et dont il est question dans un article qui ne se cache pas d’être militant, tire son origine (en revanche, je trouve aussi l’usage du mot « consensus » maladroit dans l’article).
Eussiez-vous, du reste, cliqué sur le lien qui accompagne l’expression « faire du fascisme » dans l’extrait que vous citez, vous auriez pu juger de cette définition, et notamment de la manière dont elle s’appuie sur le débat historiographique (vous y auriez trouvé Robert Paxton en bonne place, à côté d’autres comme Umberto Eco, qui n’est certes pas un historien de profession mais dont le « Ur-fascism » reste une honorable tentative de dégager les traits saillants de ce qui fait qu’un mouvement est fasciste).
Par ailleurs, je constate à votre subtile allusion dans la parenthèse finale, que vous avez au moins lu l’encart, dans un autre article du présent site, concernant Weber, la « traduction » de Freund et ce qu’en dit Kalinowski. Et soit vous en savez plus, savez par conséquent qu’il est plus que court de laisser le « choix » pour interpréter votre bouillie concernant le mépris dont vous tenez à nous faire part sur le jugement de valeurs (et qu’il vous faut, pour ça, adopter la version de cette crevure fascistoïde de Julien Freund, qui est la seule compatible avec ce mépris), mais vous êtes prêt à sacrifier les faits pour l’occasion de pouvoir étaler votre mépris; soit vous vous êtes dit qu’après la liste précédente, une référence à cet encart était une occasion de plus de namedropper à peu de frais sans trop savoir ce que ça impliquait. J’ignore laquelle de ces deux possibilités est la plus rebutante, mais aucune ne l’est pas. Reste certes, la possibilité que vous n’avez pas jugé bon de penser plus loin qu’une référence gratuite de plus.
Sur ce, rien ne vous empêche d’être précis dans votre critique, si vous voulez continuer plus avant. Personne ne vous en tiendra rigueur, si toutefois vous vous décidez à changer de mode de critique. Je ne prétends pas que vous n’ayez rien de légitime à redire à ce texte (à partir de votre commentaire c’est simplement impossible à déterminer). Si vous ne voulez pas être précis, en revanche, gardez à l’esprit que tenter de compenser un manque de précision dans ce que vise votre critique en saupoudrant vos commentaires de noms connus pour montrer votre culture à tous les passants à (très) peu de frais va très mal passer ici.
Bonne journée.
J’ai lu le lien, qui effectivement m’avait échappé.
Dans ce cas là, vous pouvez écrire : « nous reprenons la définition de Paxton, qui bien qu’elle ne fasse pas consensus, est amplement suffisante etc. ».
Un peu d’honnêteté intellectuel ne coute rien, surtout sur une question aussi grave.
Pour l’allusion à Freund et à Kalinowski, ce que je voulais dire, c’est que même sous l’angle de Kalinowski, qui fait de Weber un auteur beaucoup moins rigide que Freund sur la question du jugement de valeur dans le cadre d’un raisonnement scientifique, votre raisonnement n’est pas scientifique.
Mais je ne pensais pas qu’il était utile d’expliquer les désaccords entre Freund et Kalinowski a un bloggeur nommé « zet-ethique ». (et non je n’ai pas lu l’autre article de votre blog parlant de Weber, vous n’êtes pas la seule personne à vous intéressez à ce débat).
Pour le dire simplement, dans ce passage, vous revendiquez le droit d’insulter les gens pour des raisons approximatives. Des gens qui ont tord, n’ont pas parce que leurs idées seraient fausses, mais parce que leurs implications morales sont dangereuses. C’est ce que font plein de gens tous les jours sur Internet, ce n’est généralement pas très grave (parfois si), c’est ce que dénonce Défakator dans sa vidéo.
Il n’y a d’ailleurs rien de mal à revendiquer un positionnement moral. Il y a d’ailleurs ethique dans le nom de votre blog. Il serait juste plus cohérent de cesser de vous revendiquer de la zététique, et d’admettre que vous êtes un « gentil », quelqu’un qui ne cherche pas à démêler le vrai du faux mais à améliorer les choses.
Sur la question précise du fascisme par exemple, où vous inventez un consensus là ou il n’y a pas. Vous n’êtes pas intéressé à saisir à la compréhension du phénomène fascisme. Ce qui vous intéresse c’est combattre le fascisme ou des choses assimilables au fascisme. Rien de mal à cela, Soyez juste franc avec vous même, et avec votre public, et cessez de vous revendiquez de la zététique.
Voila j’espère être plus clair. Ne me demandez pas de sources, j’ai déjà fait plein de name dropping dans mon premier post.
Bonjour.
Avant toute chose, petite précision: je ne suis pas l’auteur de cet article. Si cet échange continue, c’est important que vous en teniez compte parce que ça me met mal à l’aise que vous répondiez comme si je l’étais, ça me donne l’impression désagréable de m’approprier un travail qui n’est pas le mien.
Ceci étant dit, je vous remercie d’avoir un peu corrigé le tir dans ce nouveau message, je sais que ça n’est pas forcément évident de changer de mode en cours de discussion. Ici au moins les reproches sont plus clairs. Il y a toujours des piques agaçantes, comme la référence aux « gentils », mais il est facile de mettre ça sur le compte de votre propre agacement.
Et pour ce qui est des reproches, ça va peut-être vous surprendre, mais j’en partage une partie. J’insiste sur ce que j’ai déjà dit dans mon précédent message: je trouve le « relativement consensuel » de l’article très maladroit, et si j’avais écrit l’article ce n’est certainement pas le mot que j’aurais utilisé, je pense que « fonctionnelle » aurait été autrement plus adapté, par exemple (en revanche, pique pour pique, je trouve cet appel au « consensus » raccord avec une très mauvaise habitude trop courante dans le milieu de la zététique sur internet).
Par contre, contrairement à la manière dont vous dites percevoir notre travail (sur le blog en général), nous nous intéressons à « démêler le vrai du faux » – nous défendons aussi l’idée, cependant, que « démêler le vrai du faux » réclame de se positionner clairement sur les plans éthique et politique; et notamment, parce que nous n’avons pas et n’aurons jamais accès au fait brut, et que tout énoncé factuel porte son propre cadrage. La critique du fascisme ne fait pas exception; le travail de Zeev Sternhell par exemple, a été reçu en France comme un camouflet, et celui de Milza et Berstein, à bien des égards, y répond, en adoptant une définition très (trop) restrictive du fascisme qui lui permettait de ne reconnaitre, en France, comme authentiquement fasciste le seul PPF de Doriot, et assimilant le fascisme des Croix de Feu par exemple, à un simple apparat (ce qui déjà, suppose que l’apparat ne tienne pas un rôle central dans les fascismes historiques – alors qu’une de leurs caractéristiques est du reste, à mon sens, d’être des esthétiques avant d’être des politiques, les deux n’étant du reste pas en opposition). Il est significatif que le travail de Milza et Berstein peut sans peine être qualifié de sérieux, leurs assertions factuelles ne sont pas fausses; mais le cadrage de Sternhell est plus juste, ce qu’une approche purement factuelle ne permet pas de comprendre (je pourrais faire la même remarque sur ce qui oppose les mêmes Milza et Bernstein, qui supposent un coeur idéologique du fascisme qui se réaliserait, en Italie, avec les « lois fascistissimes », qui s’opposent à la vision, à nouveau plus juste, d’un fascisme comme dynamique chez Paxton).
Pour ce qui est de la gravité d’assimiler au fascisme ce qui ne l’est pas, c’est certes un risque. Ceci dit, d’une part ce qui en général est assimilé au fascisme sans en être, tend plutôt à relever de l’extrême-droite plus traditionnelle (et cette assimilation ne peut être qualifié de « risque » que très relativement, l’extrême-droite réactionnaire classique posant des dangers assez similaires); et il existe un risque réel, dont on peut constater les effets très régulièrement: refuser d’assimiler au fascisme des mouvements authentiquement fascistes. Les fascistes ont un mode de défense qui n’a guère changé depuis (au moins) les années 30, et qui consiste à dire quelque chose comme « évidemment, dès qu’on n’est pas d’accord avec vous, on est fascistes! » Et ce discours est très souvent repris par la droite et les centristes. C’est un mythe (fors les erreurs possibles, l’antifascisme fait attention à qualifier de « fascismes » les fascismes, et la plupart des erreurs sont surtout des assimilations au fascisme d’autres mouvements d’extrême-droite) mais un mythe bien installé – et c’est, entre autres, contre ce mythe que cet article a été écrit.
Ensuite, parce que je suis paxtonien, je partage l’idée que la définition du fascisme est une chausse-trappe – mais l’enjeu du fascisme ne se limite pas à un problème de définition, il faut aussi le combattre, et c’est pourquoi nous avons besoin d’une définition fonctionnelle. Sternhell n’est pas assez lu en France (ce que je regrette, à titre personnel, mais c’est pour des raisons liées au débat historique même en France, comme je l’évoquais plus haut), mais opposer le travail de la définition par les historiens (je répète à nouveau que je suis en désaccord avec l’usage du mot « consensus » que fait l’article) aux définitions fonctionnelles que les militants politiques (dont nous) se donnent est artificiel. Paxton a eu historiquement une grande influence (méritée), l’espèce de check-list du « ur-fascism » de Umberto Eco a aussi eu une influence certaine, et la définition de Griffin (le fascisme comme « ultranationalisme palingénésique ») connait un regain d’intérêt certain depuis quelque temps chez les antifascistes anglosaxons, regain d’intérêt qui commence à faire des émules en France. Les trois cités permettent à mon sens de se créer cette fameuse définition fonctionnelle, Griffin fournissant une définition assez large, le set de Eco permettant de se livrer à une critique qui n’est pas sans lien, analogiquement, avec la manière dont on pose un diagnostic psychologique (attention: mon analogie porte sur la manière dont on procède, en cherchant à identifier des caractéristiques typiques sans avoir besoin que tous les items soient représentés dans un cas pour poser le diagnostic. Je suis en revanche un fervent adversaire de la psychiatrisation du fascisme, qui n’a strictement aucun sens), et Paxton rappelant que les fascismes sont toujours spécifiques, fortement locaux, et reconnaissables plus facilement avec leur dynamique que par référence à une idéologie idéaltype (c’est un bon antidote à prendre la checklist de Eco trop littéralement, entre autres vertus). J’ai pas mal vu tourner des vidéos de conférences de Chapoutot (dont je regrette cependant que les meilleures critiques aient été faites outre-Rhin, l’allemand étant une langue que je ne lis pas moi-même…) ou d’autres jeunes historiens comme Nicolas Patin dans les milieux antifascistes – bref, à nouveau, c’est une erreur d’opposer démarches historique et politique, particulièrement sur la question du fascisme. Le travail de Chapoutot par exemple, outre son intérêt historique intrinsèque, est fort utile pour démêler les rapports mutuels d’influence qu’a entretenu le nazisme avec les démocraties libérales, y compris après-guerre (et en l’écoutant, il est visible que tout historien qu’il soit, il appréhende son travail académique sans cacher son engagement. Là encore, de Freund et de Kalinowski, seule l’une d’entre eux a raison – et la manière dont je l’ai genrée est un indice sur laquelle des deux).
Cet article est probablement un des plus « politiques » du site, quoiqu’ils le soient tous d’une manière ou d’une autre. Il est logique qu’il soit celui qui donne le moins l’impression de notre attachement au scepticisme scientifique (désignatif que je préfère de loin au pompeux « zététique »); mais c’est un effet d’optique.
Voilà, sur ce, merci encore d’avoir réécrit un message qui est un bien meilleur support à un débat, ou une discussion. Une fois de plus, je sais combien il est difficile de changer de ton après le début d’une conversation, et c’est d’autant plus à votre crédit. Je crois sincèrement que votre agacement tient, en partie en tout cas, d’un malentendu (ce qui n’enlève rien à la réalité du sentiment) – et j’espère l’avoir dissipé avec cette réponse.
[EDIT: je ne présuppose pas, bien sûr, qu’on soit d’accord sur le plan historiographique; ce que je voulais dire, c’est que je pense que votre agacement n’était pas le produit d’un désaccord.]
Bonjour,
Merci beaucoup pour cette réponse. J’ai en effet pensé que vous étiez l’auteur de ce texte.
Je pense que Sternhell en rajoute un peu trop, que ces « deux piliers » nécessaires au fascisme (nationalisme organique + révision antimarxiste du marxisme) ne sont pas une définition, et qu’il déforme les points qui viennent casser son modèle – Sous le Soleil de Satan de Bernanos qui devient un manifeste fasciste dans Ni gauche ni droite alors qu’il s’agit d’un bouquin catholique (certes réac), Barrès qui devient un théoricien « national-socialiste » (le mot lui est attribué avec une certaine mauvaise foi) dans la version anglaise de La naissance du fascisme etc.
Et de leur coté, Bernstein et Milza cherchent à sauver les meubles, arguant que « c’est plus compliqué que ça, les [insérer un partie louche des années 30] ne sont pas antisémites/fasciste [rayer la mention inutile] ».
Mais comme vous le dites très bien, la question n’est pas de savoir si nous sommes d’accord sur l’historiographie (je n’ai pas pu m’empêcher de développer un peu « pour le plaisir »), juste d’admettre que sur la question de la définition du fascisme, il n’y a pas de consensus, mais un débat. Débat très virulent, et très politique, ou la politique vient troubler les raisonnements des auteurs et justifier leur mauvaise foi.
Sur Freund et Kalinowski, je ne voulais pas défendre Freund contre Kalinowski. Mais la version de Kalinowski est souvent utilisée comme licence pour mélanger jugement de valeurs et jugement de faits (la ou son texte appelle clairement à les séparer), ce qui est un peu agaçant (oui je suis facilement agacé 🙂 ). C’est pourquoi j’ai voulu « précontrer » l’argument, et ne me suis pas contenté de mentionner Weber.
Pour moi relever ces deux points suffisent à faire tomber cet article, puisqu’il revendique le droit, au nom d’une définition « socio-historique » scientifique et consensuel du fascisme, à qualifier telle ou telle personne de fasciste.
Or les définitions historiques du fascisme stipulent que le fascisme est un mouvement/régime historique des années 1930 – et sur les définitions sociales (ou plutôt analytiques, selon le terme employé), il n’y a pas de consensus, comme vous le dites très bien. Les chercheurs relèvent un troisième emploi du mot, non scientifique, qui est l’insulte.
On peut très bien revendiquer le droit de traiter les gros connards de racistes de fascistes – et les tribunaux l’ont souvent accordé. Mais s’il vous plait, faite le au nom de la morale (je ne voulais pas vexer en utilisant le mot « gentil » – c’est bien d’être un gentil), et pas au nom de la science. Dans l’état actuel des choses, elle ne le permets pas.
Voila c’est tout.
Cet article est inéressant parce qu’il a la forme d’une analyse zéthétique, mais pas le fond.
On le voit notamment avec le passage sur la lustification de la qualification de « fascisme » avec un argument d’autorité et la disqualification de la qualification d’ « islamogauchisme » avec un déshonneurpar association.
Eh bien merci d’être passé et bon retour.
Merci pour votre remerciement qui illustre bien le niveau d’argumentation woke (on comprend que John McWhorter déplore le mouvement woke comme un « takeover by dumb »), et je suis heureux que vous trouviez bon mon retour.
Je suis sans doute un peu sévère car j’ignore le public auquel le texte est destiné.
S’il s’agit seulement de prêcher parmi les convertis à la cause woke, je pense que le texte est sans doute largement suffisant. En revanche, s’il s’agissait de faire croire qu’on peut être woke et rationnel, c’est évidemment un échec, mais la mission était impossible, donc la faiblesse du texte n’est pas la faute de l’auteur.
Bien que je partage pas mal de critiques que vous soulevez, en premier lieu le fait qu’il ne me semble en effet pas aller de soi que « débattre c’est de plus en plus tendue ». On peut par exemple se demander dans quelle mesure il n’y aurait pas plutôt une plus grande intolérance aux tensions (simple hypothèse parmi d’autres). J’ajoute toutefois que l’hypothèse de divisions croissantes ne me semblent pas pour autant absurde et que c’est une question qui me semble très importante.
Je précise au passage que je ne connais pas trop ce que fait Defakator (c’est la première de ses vidéos que je visionne), ce qui joue aussi sur la lecture que j’en ai. Peut-être aurais-je une autre lecture de cet article si j’avais une vision plus large de sa rhétorique.
Et si je partage également l’idée que « c’est donc moins ce que vous vouliez dire que les conséquences de ce que vous dites (et bien les conséquences politiques) qui importent lorsqu’il s’agit de situer politiquement un propos », mais je ne suis en revanche pas convaincu par votre argumentation relative aux moyens d’identifier ces conséquences politiques. Je comprends par exemple votre propos sur ce qui vous permet de dire qu’une personne est fasciste, mais je suis plus dubitatif sur les critères qui permettent de dire qu’une personne « valide politiquement les discours, actions et représentations fascistes de la société » (et du coup, sans critère pour identifier ces conséquences politiques, la prétention à catégoriser les individus suivant ces conséquences me semble ambitieuse).
Sur le cas de l’extrême-droite, certes, elle est en voie de dédiabolisation, mais j’avoue que je n’ai pas trouvé d’argument qui m’ont convaincu qu’ « éviter de catégoriser politiquement les discours » serait une stratégie piégeuse qui pourrait encourager cette dédiabolisation. En complément de cette première observation, si je partage la critique de l’universalisme républicain et des blindness que vous citez, je trouve que vous vous débarrassez bien rapidement de la critique selon laquelle « si on nomme les choses, on les rendrait réelles ». En fait, autant les limites de l’universalisme républicain me semblent bien étayées, autant je trouve que votre propos n’étaye pas vraiment de quelle manière il faut nommer ces catégories, comment et dans quelles limites il faut les utiliser.
On peut trouver énormément d’exemples qui montrent que c’est complexe de trancher sur la question. Comme je l’ai dit précédemment, je ne connais Defakator que par cette vidéo, mais à partir de celle-ci seule, j’ai l’impression d’une sur-interprétation de ses propos : ce qui me semble en tout cas clair, c’est qu’on ne peut pas faire de telles interprétations de ces propos à partir de la seule vidéo. Alors, est-ce que ce qui vous permet de faire cette interprétation est d’autres propos de Defakator ? Sont-ce des propos d’autres zététiciens ? Je vous avoue que j’aurais du mal à croire que vos interprétations ne tiennent pas pour parties de vos représentations (dont je ne conteste pas la validité) du mouvement zététique actuel. Ce qui serait une belle illustration de la question des enjeux de la catégorisation ! Notez, que l’edit me semble apporter un début de réponses.
J’ajoute qu’il y a une question qui me semble très importante sur le sujet et que j’ai l’impression que vous n’abordez pas réellement, c’est la question des différences de sens attribués à ces catégories par les différents interlocuteurs. Vous demandez par exemple depuis quand « “capitaliste” est devenu une étiquette morale et non un constat politique défini par des années de recherches en sciences sociales ? » … certes, mais n’est-ce pas un peu idéaliste de penser que quand vous employez ce terme dans un sens donné, c’est ce sens qui va être compris par votre interlocuteur. Il y a certes une définition de ce terme par les sciences sociales (et encore, est-ce sûr qu’il n’y ait qu’une définition ? Je ne crois pas), mais c’est aussi un terme connoté auquel les individus peuvent donner des sens très différents. Bref, ça ne revient donc pas nécessairement à « présupposer que la classification n’est pas étayée, qu’elle est faite à l’emporte-pièce », mais simplement à dire qu’il y a des compréhensions différentes de ce concept.
Je crois qu’on a une bonne illustration des problèmes que cela peut poser à travers le terme de « complotiste » : c’est un terme qui est tellement employé à toutes les sauces qu’il ne veut plus vraiment signifier grand-chose. Et on connaît tous des personnes qui commencent leurs phrases par « c’est pas pour être complotiste mais [énoncé d’une thèse complotiste] » puis qui, en vous écoutant concluent que … vous êtes complotiste !
Bonjour et merci de votre lecture, je pointerai à l’auteurice de cet article votre commentaire si iel veut y répondre – cependant, comme iel ne fait plus partie du collectif, et que nous sommes en ce moment très pris loin d’Internet, ça risque de prendre un peu de temps. En attendant, comme vous ne connaissez Défékator que par cette vidéo, je tiens à insister sur le fait que cet article critique justement précisément cette vidéo (et plus précisément, un aspect de cette vidéo qui est loin de faire le tour de son contenu) et pas le travail de Défékator en général, travail que la personne qui a rédigé cet article comme moi-même apprécions beaucoup.
Si je trouve le temps, et si ma propre réponse (qui n’aura évidemment pas la même perspective que l’auteurice) a quelque intérêt pour vous, je pourrai peut-être rebondir sur votre commentaire plus tard. Il y a quelques points sur lesquels je vous rejoins, d’ailleurs (je pense aussi que le terme « complotisme » se vide de son sens à partir du moment où il est employé comme explication alors qu’il recoupe des réalités différentes; je ne pense pas en revanche que votre parallèle avec le terme « capitalisme » soit fondé, même si ça demanderait de prendre, et donc d’avoir, le temps d’établir clairement pourquoi).
Merci encore de votre lecture en attendant, et peut-être à bientôt.
Merci pour votre retour ! Je suis aussi preneur de votre avis sur la notion de « capitalisme » ou sur d’autres aspects de mon commentaire !
Au passage, je me permets d’apporter un complément à ma réponse afin de la clarifier car je ne suis pas sûr de m’être correctement expliqué. Mes réserves tiennent finalement moins à l’existence d’une définition par les sciences sociales du capitalisme, mais plutôt par ce qui sera entendu par l’interlocuteur si on le qualifie de « capitaliste », car le terme est souvent associé à bien d’autres qualificatifs qui, s’ils ne sont pas sous-entendus à strictement parler dans la notion, vont souvent être perçus comme sous-entendus par l’interlocuteur. Mais ça n’est peut-être pas le meilleur exemple pour illustrer mon idée, en effet. En fait, le terme de « raciste » illustre peut-être mieux l’idée dans la mesure où 1) c’est effectivement un terme qui recouvre des sens différents en sciences sociales ; 2) il véhicule encore davantage de sens différents et souvent flous dans le sens commun. C’est typiquement le type de notions qui ont tout à fait leur utilité mais dont l’imprécision dans les usages leur font perdre en substance et risquent plus de braquer l’interlocuteur qu’autre chose. Par exemple, si je considère comme problématique la banalisation de notions foireuses comme « racisme anti-blancs », je regrette que leurs détracteurs se satisfont trop souvent de la dézinguer sans proposer de notions alternatives : se contenter d’un « le racisme anti-blanc n’existe pas », pour exact qu’il soit risque de ne faire que renforcer l’interlocuteur dans sa certitude que l’on n’est que des « islamo-gauchistes » dans le déni de réalité.
tiens donc le petit patron d’eunomia se lance dans la zet
C’est quoi Eunomia?
Sinon, je trouve que pondre un article pour cracher sur Defekator c’est limite limite. Jusqu’ici je n’avais pas grand chose à redire quand à ce site, mais pour le coup c’est un premier redflag.
Bonjour.
J’imagine qu’il doit y avoir de la maladresse dans cet article, je ne le vois pas personnellement mais vous êtes la seconde personne à le prendre comme une attaque de Defakator – je ne pense pas donc que ce soit dû à un simple hasard. Je peux en tout cas vous rassurer sur ce point: l’auteurice de cet article (comme moi-même d’ailleurs) avons globalement beaucoup de respect pour le travail de Defakator. Cet article n’a pas été conçu comme une attaque (ayant participé à la discussion qui l’entoure, je peux vous l’assurer) et se limite à une critique portant sur une petite partie d’une seule vidéo – dont les postulats posaient effectivement problème à nos yeux et méritaient d’être discutés.
En espérant que ces éclaircissements vous soient utiles.