Cet article nous a été proposé il y a de ça quelques mois par William de La Chapelle, en vue d’une publication sur notre site. Après de nombreuses relectures et suggestions, nous vous proposons sa lecture. Merci à William pour sa contribution.
Si nous sommes très heureux.ses de partager ce travail d’analyse ici sur notre blog, nous tenons à préciser qu’il ne s’agit pas là d’une manière de dire que la représentation serait un domaine où nous n’aurions pas d’efforts à faire. Nous avons beau avoir réuni des participant-es assez divers lors de nos Soirées Méta-Critiques organisées en mai dernier, il manquait clairement de personnes n’ayant pas fait d’études et de personnes faisant l’expérience du racisme. La représentation de personnes issues de groupes minorisés au sein de nos collectifs, événements et productions est une problématique à laquelle personne n’échappe.
Préambule
L’organisation des Rencontres de l’esprit critique (REC) ayant proposé que lui soient présentées des critiques constructives pour les prochaines éditions, je lui soumets cette contribution qui entend pointer la surreprésentation des hommes sur la scène de cet évènement. L’objectif n’est pas de mettre un peu plus à mal la réputation d’un important rassemblement communautaire, ouvert au public, alors qu’elle a été entachée lors de sa seconde édition, mais bien plutôt d’œuvrer pour que les REC permettent d’offrir chaque année aux minorités de genre un plus grand espace d’expression, au bénéfice d’un public toujours plus divers.
Si je me suis concentré sur le genre, c’est parce que les données étaient immédiatement accessibles mais, bien évidemment, la logique de cette analyse doit être étendue aux autres facteurs de minorisation qui ne sont pas exclusifs les uns des autres : le racisme, le handicap, etc. Ce d’autant plus que l’on ne saurait se satisfaire d’un quota de femmes (avec des profils sociologiques souvent blancs, non pauvres et valides) pour considérer que les femmes sont représentées.
Je remercie l’ensemble du collectif Zet-Éthique Méta-critique pour l’accueil fait à ma proposition, sa relecture attentive et les pistes fructueuses suggérées pour l’enrichir. Toute erreur pouvant néanmoins subsister est de moi.
Point de départ
Mis devant leurs responsabilités, des membres de la communauté zététique ont adopté un axe de défense estimant que les accusations, les visant, notamment d’antisémitisme et de psychophobie, lors des REC de 2022, cachaient l’essentiel de ce que constitue cet évènement : un rassemblement de personnes passionnées de scepticisme, de zététique, d’esprit critique.
Particulièrement, la diversité des intervenant-es a été mise en avant. Il me semble que c’est Astronogeek qui a dit dans une vidéo (supprimée) qu’il n’avait « jamais croisé autant de gays, de trans… Les femmes avaient leur table ronde… »1 (on le constate effectivement dans le programme [le 22, Hémicycle, 9h45]. Un homme devait y être présent ; finalement, ce n’a pas été le cas ; il y a eu 3 femmes sur 3 participantes).
Ce dernier point a attiré mon attention : Une table ronde pour les femmes, pour certains sceptiques la diversité était donc bien respectée. De surcroit, les intervenantes à cette table semblaient d’accord pour dire qu’un effort d’invitation des femmes aux REC avait été consenti [23’10]. L’une d’elles, Irène Courtin, s’est d’ailleurs exprimé longuement sur les REC de 2022 et en particulier sur la présence des femmes, dans un thread que je trouve des plus intéressants et dont je recommande la lecture (cité notamment par Ce n’est qu’une Théorie).
Si j’apprécie certains contenus estampillés sceptiques, je ne suis ni scientifique, ni zététicien ; je ne saurais légitimement me prononcer sur la qualité des interventions aux REC (que je n’ai de toute façon pas toutes vues), l’utilité pour le monde associatif d’être associé aux pouvoirs publics ou privés, le maintien de l’invitation d’une personne notoirement problématique (j’euphémise) après que des sceptiques eurent clairement expliqué en quoi elle l’était2, la pertinence de certains thèmes ou de rencontres en anglais sans interprète, etc. J’ai néanmoins décidé d’examiner la place des femmes invitées aux REC en 2021 et 2022 : Est-ce que la diversité vantée allait jusqu’à recouvrir la parité, un des signes qu’on agit pour l’égalité concrète entre les genres ? Les REC, qui, à l’instar d’autres organisations (le Comité Para est mentionné dans la vidéo précitée), semblent vouloir être « inclusives », auraient-elles franchi une étape vers l’égalité là où la zététique dans son ensemble, à l’image de tant d’autres milieux, y échoue ?
Bien sûr, je ne suis pas le premier à m’être intéressé à la question. Ainsi, Thomas Durand, alias Acermendax, en introduction au 110e numéro de « La Tronche en live » (4 hommes sur 4 participants) enregistré lors des REC 2022, s’essayant à une « sociologie », notait [3’15] de façon ambivalente : « Beaucoup de ceux qui nous suivent nous ressemblent : Les zététiciens sont d’abord des hommes ― [scrutant le public] alors ça va aujourd’hui, bravo, vous avez fait un effort pour être moins des hommes, bon ― plutôt diplômés et plutôt issus des sciences de la nature ou des milieux de la technologie et de l’informatique. » Il regrette qu’il s’agisse « d’une sociologie qu’on ne va pas pouvoir révolutionner d’un claquement de doigts », mais il ajoute que « ce n’est pas grave » puisque « on vous aime comme vous êtes », avant de conclure que « ce n’est pas une raison pour ne pas aspirer à évoluer, n’est-ce pas ? », enchainant sur tout à fait autre chose.
Je vais m’en tenir à mon sujet et ne traiterai pas les points aveugles de cette « sociologie » que constituent la race, la classe, l’âge, les origines sociales, géographiques, les orientations politiques, sexuelles, le genre assigné à la naissance, pour ne mentionner que ceux-ci. Notons toutefois le « bravo » qui semble faire peser sur les femmes du public l’effort d’inclusivité. Pour le dire clairement, mon avis est que même des invitations ciblées, pour le public, ne suffiraient pas ; en toute logique, elles ne devraient même pas exister car les publics minorisés sont légitimes ― partout, tout le temps ― mais les organisations, quelles qu’elles soient, devraient tout mettre en œuvre pour que leur accueil (et pour les intervenant-es, leurs conditions d’expressions) se passe(nt) au mieux, en premier lieu en faisant en sorte qu’ils n’aient pas à craindre pour eux.
Présence
Pour réaliser la tâche que je me suis donnée, j’ai commencé par le plus évident : compter. Ma méthode a été d’aller sur le site de l’organisation3, de dénombrer les intervenant-es et, parmi eulles, les personnes genrées au féminin ou neutre (pour les non-binaires, NB). Je n’ai pas comparé avec les présences réelles car l’intérêt est de savoir comment l’évènement a été prévu.
Résultats
REC 2021 – 10 femmes/NB sur 37 participant-es au total, soit 27%
REC 2022 – 13 femmes/NB sur 57 participant-es au total, soit 23%
Ces chiffres montrent que :
– moins de femmes/NB ont été prévues,
– la part des femmes/NB a baissé entre les deux éditions, alors qu’il y a eu +54 % d’invitations. En clair, il y a eu 20 invitations supplémentaires, dont 17 à des hommes ; cette augmentation a donc davantage bénéficié aux hommes (+62 %) qu’aux femmes et personnes NB (+30 %).
Je me dis que cette évolution impressionnante du nombre d’invitations était pourtant l’occasion d’en faire profiter la minorité. Pourquoi est-ce que ça n’a pas été le cas ? J’essaierai de trouver des réponses plus loin (cf « Problèmes »).
Place
Si s’en tenir au constat du différentiel des présences programmées est déjà instructif, c’est insuffisant : il faut maintenant regarder précisément comment étaient constituées les tables rondes (TR) pour affiner ce résultat. Les femmes et personnes non-binaires pourraient-elles débattre avec les hommes sur un pied d’égalité numérique ? Le public pourrait-il assister à des échanges où les voix minoritaires s’exprimeraient sur tous les sujets, comme les majoritaires ?
Pourquoi retenir les seules TR et même uniquement celles adressées à un public adulte alors qu’il y avait aussi des animations, des ateliers…? Ce moment de représentation devant un grand public, retransmis en vidéo, a un plus fort impact en termes d’audience et de symbolique, donc de bénéfices. À vrai dire, il serait nécessaire de faire un travail additionnel sur la répartition des effectifs d’invitées selon le type d’intervention (TR, atelier…), selon le public (enfant, adulte), selon le domaine de compétence de l’intervention ; par exemple, je signale plus bas une des quelques tables auxquelles les femmes sont majoritaires dont le thème est la parentalité, c’est à dire un thème, si ce n’est le thème, que les stéréotypes sexistes contribuent à considérer plus concernant pour les femmes. Il faudrait y ajouter des travaux observant la qualité des invité-es, le label sous lequel iels sont présenté-es, etc. Je ne veux préjuger de rien sur ces aspects pour les REC, mais je vois mal pourquoi elles échapperaient à des phénomènes lié au fonctionnement du système sexiste impactant toute la société.
En bref, la prétention à l’égalité ne saurait se faire sur l’unique base d’une égalité numérique. Peut-être un jour entreprendrai-je ce travail supplémentaire, mais pour l’instant je m’en tiens à l’objectif annoncé que je considère comme un préalable et qui soulève en soi déjà beaucoup de questions demandant réponses.
Pour ce qui concerne la méthode dans cette partie, elle reste sensiblement la même : compter le nombre de TR et, dans chacune d’elles, le nombre de femmes/NB. Je me suis fié, ici encore, aux programmes et pas aux présences réelles, la conception du projet important davantage que les absences inopinées (et présupposant que les différences qu’on pourrait constater seraient marginales). On pourra remarquer des incohérences qui s’expliquent ainsi : toutes les personnes invitées n’ont pas participé à des tables rondes (certaines présences se limitant aux animations, ateliers…) ; il y a eu des participations multiples ; pour 2022, deux tables rondes affichaient une liste incomplète ( « X, Y et d’autres ») et j’ai choisi de m’en tenir aux seuls noms affichés.
Résultats
REC 2021 – Ce sera le plus rapide, l’évènement n’ayant compté que 7 tables rondes (dont une consacrée à la promotion d’un jeu vidéo, que j’ai conservée). Je peux donc même en donner le détail : 1 femme ou NB sur 4 intervenant-es, 1/4, 1/5, 0/4, 2/4, 1/3 (jeu vidéo), 1/4.
Ainsi l’on constate que les femmes/NB sont présent-es à 6 des 7 tables rondes organisées (86%), ce qui pourra être apprécié. Cependant, il n’y a eu qu’une table paritaire et aucune où les hommes auraient été en minorité. Enfin, bien sûr, le chiffre le plus marquant reste le nombre de participations de femmes/NB aux tables rondes sur le nombre total de participant-es : 7/28, soit 25 %, c’est à dire un peu moins que leur présence globale aux REC cette année-là.
REC 2022 – Outre la multiplication des tables rondes, il y a eu cette année l’organisation de conférences ou « seul-e en scène » (SeS), comme je vais les nommer. Il sera intéressant de les distinguer car on peut estimer que pouvoir parler sans avoir à écouter, échanger comme lors de TR, place læ conférencièr-e dans la posture du Maitre. Si, du point de vue du rapport au savoir, il y aurait certainement des enjeux à explorer4, on pourra néanmoins considérer que donner une place aux femmes et personnes non-binaires dans ce dispositif est une bonne chose.
Par ailleurs, je dois préciser ceci : Que ce soit pour leur deux participations à des tables ou à leur « seules en scène » (qui sera rappelé par *), deux vidéastes femmes qui tiennent une chaine commune n’ont pas été séparées dans le programme, ce qui a pour effet de biaiser les chiffres en ce qu’il s’agit de participations valables ― et donc décomptées ― pour deux personnes5. De même, une table (autour du thème de la parentalité) verra participer 2 femmes/NB sur 3 intervenant-es au total ; il s’agira là de trois tables rondes parmi les seules six où les hommes seront minoritaires.
Nombre total de TR+SeS : 77 (dont 22 SeS).
Participations des femmes/NB par rapport au nombre total de participations :
54/194 (presque 28%) dont 5/23 (*) pour les SeS (presque 22%).
Nombre de TR+SeS avec participation de femmes/NB : 37/77 (48%).
Si la multiplication des TR et la création des SeS, en 2022, a permis de dépasser le taux de participations de femmes et personnes NB de 2021 (28% v. 25%), on admettra qu’on reste dans le même ordre de grandeur. Voire, pour les « seul-e en scène », leur part est inférieure, avec moins de 22 %. Quant à leur présence, même minoritaire, à chaque TR, elle s’effondre (48% v. 86%, sans perdre de vue qu’il n’y a eu que 7 tables rondes en 2021) ; elle est égale dans 5 cas sur 77 et supérieure dans 6. Le tout, sans neutraliser ce qui n’est pas représentatif (donc favorable à l’hypothèse « parité », en quelque sorte), comme mentionné plus haut.
Parole
Observer la présence est certes riche d’enseignements, donnant à voir ce sur quoi on ne s’interroge pas si on n’est pas sensibilisé aux questions des discriminations sexistes, ce qui peut n’être qu’une impression au départ, mais observer n’est cependant pas complètement satisfaisant. En effet, il convient maintenant de se plonger dans le détail d’une table ronde pour tenter d’évaluer la qualité de cette présence ; non évidemment la qualité du propos, ce n’est ni mon but, ni de ma compétence légitime ; mais bien plutôt pour voir si elle est équivalente en temps à celle d’un homme dans la même situation. Pourquoi s’en inquiéter ? L’analyse critique des médias6 a montré qu’en plus d’être en minorité sur un plateau, les femmes ont moins souvent la parole, elles interviennent moins longtemps et moins souvent et/car elles sont plus souvent interrompues. Pour ce faire, j’ai choisi la conférence n°2 des REC 2021 intitulée « Qu’est ce que l’esprit critique aujourd’hui ? » Il y a un animateur, trois intervenants et une intervenante.
J’avoue que je m’en suis tenu au plus visible et ai simplement distingué femme/hommes puis me suis contenté d’une moyenne pour ces derniers, incluant l’animateur, alors même que les prises de paroles étaient très inégales entre eux et qu’eux-mêmes se sont vu couper la parole. J’ai tenu compte de la partie d’échanges avec le public, sauf le moment où l’intervenante traduit une question et son interruption due à l’intervenant qui, à la hussarde, a pris la suite de la traduction.
On notera qu’on lui a donné la parole en premier, mais elle est prise au dépourvu et d’expliquer qu’elle n’était pas avec les trois hommes qui avaient auparavant réfléchi ensemble à la première question. Elle est finalement remerciée avant qu’elle ait pu « ramasser sa pensée ».
Résultats
Durée totale de l’émission : 53 m 48 s.
Total des interventions de la participante : 8 m 04 s.
Dont : 14 interventions de plus d’une seconde (7 m 26 s, moins de 32 s
par intervention en moyenne) et 38 interventions d’une seconde.
Total des interruptions de sa parole par un des hommes : 18.
Moyenne du reste du temps pour chaque homme, animateur inclus : 11 m 26 s.
Il faudrait affiner ce « reste du temps » qui inclut la participation du public (à priori que des hommes, hélas assez classiquement) et les temps morts (de même, il faudrait décompter le nombre de fois où un homme se fait interrompre par un autre). On se rapprocherait des chiffres de l’intervenante. Elle-même, à l’aise avec les hommes, qu’elle connait, ne se prive pas d’interrompre, parait se sentir aussi légitime qu’eux à le faire. Les interruptions, d’où qu’elles viennent, sont le plus souvent des remarques ou touches d’humour, sans volonté, me semble-t-il, de rabaisser, de mettre en difficulté. Il y a une ambiance bon enfant qui fait penser à une discussion entre ami-es. Les inside jokes font réagir le public qui ne s’y trompe pas. Bref, il m’a semblé que, même seule femme parmi les quatre intervenant-es, sa parole était aussi libre que celle des autres. La complicité entre les hommes présents était-elle décelable ? Sans doute, surtout si l’on repense au commencement rapporté plus haut. L’animateur aurait-il pu faire mieux pour permettre à la parole de se développer ? C’est évident. Pour autant, elle a paru pouvoir dire ce qu’elle avait à dire, n’a globalement pas paru devoir lutter pour s’exprimer. Entendre la façon dont elle-même a vécu cette table permettrait une confrontation à celle dont je l’ai perçue (et que reflètent les chiffres) qui pourrait être fructueuse pour moduler ce constat.
Il conviendrait également de généraliser ce pénible exercice de décomptage à l’ensemble des vidéos disponibles pour ces évènements afin d’être en mesure d’en tirer des enseignements solides et généralisables ; cette analyse ne vaut donc que pour elle-même. Je tiens à ajouter qu’un évènement du type des REC n’est en rien comparable à un plateau de télévision où l’on cherche à tout prix à avoir raison, à emporter l’adhésion du public, voire à créer du buzz pour augmenter l’audience ; il s’agit davantage de creuser des sujets sur les bases desquels il y a consensus, chacun-e apportant sa pierre à l’édifice. Les dynamiques n’y sont pas les mêmes et c’est heureux.
On pourra appliquer soi-même cette méthode de comptage à tout évènement, tout espace de débat public7 et on se rendra vite compte que les REC sont loin d’être le seul évènement à ne pas atteindre à l’égalité, même formelle, en terme de genre et que, même dans les lieux les plus progressistes, on constate parfois des renoncements à cet objectif. La prise de parole en groupe privé comme public est un enjeu politique pour toutes les voix minorisées, l’enjeu d’un pouvoir que les majorités en place s’efforceront de ne pas perdre, en faignant d’ignorer la question, en faisant barrage plus ou moins consciemment, par exemple faisant valoir que cette parole ne devrait revenir qu’aux voix pertinentes ou compétentes, comme nous le verrons.
Pistes
On accuse la zététique d’être un boys’ club. Il faut dire, on l’a vu, qu’elle prête le flanc à cette accusation. De plus, certains moments des REC (les soirées, bien sûr, mais aussi certaines interventions) ressemblent plus à du fan service qu’à de l’appel à l’esprit critique, ce qui ne prédispose pas à un retour sur soi propice à la remise en question, à plus forte raison sur un sujet auquel les hommes sont bien peu attentifs : la place qu’ils occupent et, par voie de conséquence, qu’ils ne laissent pas aux femmes et non-binaires. Acermendax reconnait lui-même, dans « La Tronche en live » mentionnée plus haut [3’04], que « la zététique d’aujourd’hui […] a son entre-soi, ses réseaux. »
Rien d’étonnant dès lors à ce qu’elle ait fait corps lorsque des militant-es ont prévenu les sponsors et partenaires de l’évènement, usant ainsi d’un moyen de lutte classique pour faire pression et tenter de faire changer les choses8 ― en l’occurrence déplateformer les auteurs de sorties jugées antisémites ou psychophobes et pointer du doigt la trivialisation des discriminations9. Considérer que c’était disproportionné, c’est ne pas prendre la mesure de la gravité de ce qui s’est passé et a été dit : l’entre-soi a sans doute contribué à l’empêcher, les réseaux, à allumer des contre-feux. Je ne sais pas, aujourd’hui, quelles ont été les conséquences du lancement de cette alerte ; mais si, en plus de ne pas réagir, réinvitant ces auteurs sans qu’il y ait eu de leur part ni reconnaissance de leurs actes, ni excuses (ni, pourrait-on imaginer par exemple, de formation de sensibilisation aux discriminations), l’organisation se contente de laisser la portion congrue aux femmes et NB, alors on peut craindre des difficultés de justifications auprès des institutions qui financent les REC.
En toute logique, si on maintient un faible taux d’invité-es femmes et non-binaires, à moins de multiplier les interventions de ces personnes (c’est à dire leur travail, pour compenser un travail qui n’aura pas été fait par l’organisation) pour assurer une présence égale à celle des hommes aux TR, il y aura encore un déséquilibre devant le public. Quant à celui-ci, il demeurera, peut-on parier, masculin, pour la majorité. Est-ce que son renouvèlement dans un sens moins favorable aux hommes pourrait conduire l’organisation des REC à présenter enfin un ensemble d’invité-es plus représentatif de son public ? Je ne saurais dire ; ce qui est certain, c’est qu’en attendant la survenue sui generis d’un hypothétique renouvèlement du public, c’est bien l’organisation qui a seule en main aujourd’hui la possibilité d’agir. S’il y a volonté de multiplier les invitations, elle dispose d’un atout incitatif puisqu’il apparait, suivant l’analyse que j’ai proposée, que la parole, lorsqu’elle est présente, semble plutôt respectée dans les tables rondes. Dans le thread d’elle cité plus haut, Irène Courtin avance également d’autres voies envisageables.
De là, pour les organisateurices des REC, deux directions apparaissent : soit persister à considérer que des rencontres de l’esprit critique se doivent d’être à l’image de la « sociologie » de leur public supposé et se satisfaire d’y maintenir aux femmes et personnes non binaires une place proportionnelle, soit agir pour ouvrir leur audience à un public moins masculin en montrant que le scepticisme, la zététique, l’esprit critique concernent tout le monde, peuvent être pratiqués par tout le monde, donc en se donnant comme objectif de proposer la scène à au moins autant de femmes et personnes non binaires que d’hommes. Il faudra donc choisir entre le statu quo (et, assumant, cesser de s’affliger qu’il n’y ait pas davantage de femmes/NB) et l’abolition du privilège de la scène ― car plus de femmes et NB signifie moins d’hommes. Un choix politique, en somme.
Problèmes
Or, sont-illes bien disposé-es à déclencher une telle révolution du genre, ou même, plus modestement, y prendre leur part, suivant un mouvement que pourraient initier d’autres évènements ?10 On peut en douter si l’on se réfère aux déclarations dans un thread resté fameux (« 1/74 ») posté sur son compte Twitter par Fantine, une des co-organisateurices des REC, et précisément aux tweets numérotés 55 à 58 de ce fil justificatif minimisant (« drama ») voire niant (« une soirée légère ») la gravité de ce qui s’est passé à la soirée de clôture qu’elle a coproduite. Il me parait important, en effet, pour chercher des explications, de ne pas se contenter des preuves de problèmes que j’ai pu relever et de se pencher sur l’expression d’une personne qui est partie prenante du cadre qui les contient car, comme le rappelle sagement Miz Pauline, « n’oubliez pas que derrière le systémique, il y a aussi des individus… »11. Ainsi, même si Fantine reste évidemment comptable de ses propos, ce n’est pas sa personne qui est visée (si ce qui suit devait viser des personnes, ce serait plutôt, en creux, ceux qui se cachent en la laissant prendre seule la parole sur ce sujet) ; par ailleurs, lesdits propos sont, à l’échelle temporelle de Twitter, déjà anciens et il me parait inutile pour quiconque d’y faire suite sur ce média.
Même si le gout de ZEM pour les articles longs est connu, je n’abuserai pas davantage de l’accueil fait au présent article en répondant à chaque point abordé par Fantine. Il faut néanmoins s’arrêter sur ces tweets précis parce qu’ils apportent, à mon sens, des éléments d’explications quant au constat que j’ai établi et un aperçu de la présence que les REC pourraient accorder aux minorités de genre lors de ses prochaines éditions.
Elle affirme12 que la zététique manque de femmes, ce qui est déjà à vérifier. Le problème ici réside à la fois dans ce que recouvre le terme (les personnes qui s’essaient à la vulgarisation, les producteurices de savoir, leur public, les associations…? l’ensemble ?), dans le fait que tout le monde peut ne pas s’en réclamer (même si on peut s’y retrouver classé-e de fait suivant la définition adoptée), dans celui qu’on manque de statistiques (et chercher à en produire obligerait bien sûr à établir pour les deux premiers points des groupes aux contours strictement délimités suivant ce qu’on cherche à compter ― on a pu constater dans une vidéo récente les écueils sur lesquels on risque de s’échouer lorsque les définitions ne sont pas pensées). En tout cas, elle considère que c’est la seule raison, un peu naturelle, pour laquelle les évènements autour de l’esprit critique manquent de femmes13.
Puis la question est déplacée sur le terrain de la compétence et de la pertinence. Avant d’aborder ce sujet, je m’arrête sur ce que dit Fantine du peu de cas qu’il a été fait de la question des minorités (en tout cas de certaines d’entre elles, mentionnées) parmi les participant-es à la soirée de clôture. Son explication est qu’elle n’intéressait pas les organisateurices. Elle s’inclut dans ce groupe donc on peut la croire pour ce qui la concerne mais je ne peux pas m’empêcher de me demander si c’était bien aussi le cas pour toustes ses membres : personnellement, je sais que si les conditions de discussion bienveillante pour aborder un sujet dans un groupe donné ne sont pas mise en place, et si je sais que ledit sujet prête au dissensus, et si je pense que ma position risque d’être minoritaire, eh ! bien, il y a de fortes chances que je m’abstienne, par lâcheté, par peur de payer le cout psychique et social du désaccord.
Je veux aussi dire un mot sur le parallèle que Fantine établit entre la présence des femmes et celles des personnes non-blanches. Dans un mouvement contradictoire, après avoir dévoilé que l’organisation de la soirée ne se préoccupait ni du genre, ni de l’orientation sexuelle, ni de la couleur de peau, elle prétend qu’il y a eu le souhait collectif de faire intervenir un homme noir14 sans mention de compétence15 (donc pour sa présence en tant que Noir) et que c’est par malchance que ça ne s’est pas fait. Je ne suis pas naïf au point que l’ironie du tweet m’échappe, mais en le prenant au premier degré, on constate le peu de sérieux et de crédit qu’il faut accorder à sa parole lorsque Fantine dit que « Pour les femmes, c’est pareil », « on n’en avait pas sous la main »16.
Pertinence et compétence ?
Car donc, s’ « il faut promouvoir les femmes », il n’y aura que celles « qui produisent du bon contenu sceptique » qui vaudront la peine qu’on aille les chercher hors de la portée de sa main. Encore faut-il savoir tendre celle-ci ! Ainsi, dans sa réponse à Aurélie (alias Ce N’est Qu’un Théorie, membre de ZEM) qui l’interpelle en lui demandant pourquoi, par exemple, Dominique V., Gwen Pallarès (alias Dr Sornette, également membre de ZEM) et elle-même n’ont pas été invitées, Fantine répond que « si Dominique [V.] n’a pas été invitée, c’est entre autres car [sic] j’ai exprimé mon opposition ferme à cet [lire sans doute « son »] égard car je ne pense pas qu’elle soit pertinente. » Qu’est-ce qui la conduit à penser que la présence de Dominique V. n’aurait pas été pertinente à la table ronde sur la parentalité bienveillante, par exemple ? Considère-t-elle pertinentes les deux autres propositions avancées ? Elle ne se prononce pas, ce qui interroge sur la nature des « autres » critères. On doit donc en conclure que la fermeté de son opposition peut reposer sur autre chose que la seule pertinence de Dominique V. Tout-e zététicien-ne qu’on se prétende, on n’en reste pas moins humain-e (Acermendax, Vled Tapas se plaisent à le répéter, à juste titre) et les critères rationnels qu’on cherche à s’imposer peuvent fléchir sous le poids des affects qui régissent nos relations interpersonnelles, qu’on (se) l’avoue ou pas, et il faut un minimum d’introspection pour neutraliser ces biais. Enfin, si elle a dû émettre son opposition, c’est bien qu’au moins une autre voix était en faveur de la présence de Dominique V. ; lire le témoignage de cette voix apporterait un éclairage intéressant. Je ne veux pas tomber dans l’injonction à la sororité mais peut-on attendre que des hommes donnent leur chance à des femmes, comme Fantine raconte que ça a été son cas particulier, pour que les choses changent profondément ?
Il se trouve en effet que Fantine est médecin et fait des vidéos de vulgarisation de son domaine sur Youtube. Or, de ce qu’on sache, ni Clément Freze, ni Acermendax n’est spécialiste en médecine (ou en vulgarisation) pour évaluer la qualité de son travail17. Indépendamment de cette qualité et en l’absence d’autre élément, mon hypothèse est que le seul fait d’avoir ce titre de médecin lui a valu d’être « lancée dans ce monde » à leur bon vouloir. Le capital scolaire symbolisé par un diplôme18 semble suffisant pour être considéré-e19. En somme, tout comme Clément Freze et Acermendax sont des experts qui s’autorisent d’eux-mêmes, ce qui leur permet d’intégrer de nouvelles personnes qu’ils jugent pertinentes, Fantine s’estime compétente pour imposer un refus à d’autres. Puis pour inviter Clément Freze et Acermendax.
Placer la question de la présence des femmes dans les évènements zététiques sur le terrain de la pertinence et de la compétence, donc de l’idéale neutralité scientifique chère à certaines figures médiatiques de ce milieu, est une façon habile de neutraliser cette question, et ainsi de la dépolitiser. Je l’ai dit, pour ce qui me concerne, je ne suis pas compétent pour évaluer les compétences et, ne me considérant pas membre de la communauté sceptique, je ne suis pas légitime à me prononcer sur la pertinence des choix des organisations d’évènements. Néanmoins, je ne cesse de m’interroger sur la façon dont ces dernières peuvent opérer. Si je m’en tiens aux discours qu’on entend dans des vidéos de vulgarisateurices, je crois que les compétences d’une personne sont reconnues par ses pair-es20. Ainsi, je trouverais naturel qu’organisant un évènement où l’on souhaite que les femmes « qui produisent du bon contenu sceptique » soient présentes, on s’adresse en premier lieu à des groupes se réclamant de la zététique où les femmes sont mises en avant, par exemple : le groupe des femmes du Café des sciences, le groupe Zététique, Scepticisme et Féminisme, auquel appartient Dominique V., et son « annuaire de (re)sources », le site Expertes France (où l’on trouve néanmoins le pire [psychanalyse, psychologie évolutionnaire] à côté du meilleur).
Sans être un insider et malgré les éléments fournis par Fantine sur les coulisses de l’organisation, il reste difficile de savoir exactement ce que voile ce discours où s’articulent agentivité, bien sûr, et sujétion à des systèmes21, patriarcat au premier chef, dans une dynamique qui mélange esprit girlboss (Si j’y arrive, vous pouvez y arriver.), closed-door policy (J’y suis arrivé-e et je ne fais pas de place pour d’autres.) et une exposition favorisée par le fait qu’opportunément, sur ces questions, les hommes de l’équipe d’organisation, comme ceux parmi les plus visibles des participants aux REC, ont laissé Fantine se confronter seule, pour ce que j’ai pu lire, aux critiques.
Si je résume, le fatalisme du constat (favorable à l’immobilisme, donc aux hommes) dispense de rechercher des intervenantes et, quoi qu’il en soit, l’organisation se déresponsabilise ― puisqu’elle est consciente de l’inégalité ― du rôle qu’elle pourrait jouer, valide la situation et contribue à invisibiliser car elle est indifférente aux discriminations puisqu’il y aura des femmes compétentes quand il y aura des femmes compétentes et qu’il ne sert à rien d’agir. C’est, au bout du compte, une position conservatrice.
Post-scriptum
Au cours de cet article, je me suis principalement adressé à l’organisation des REC, mais les questions que j’y soulève se posent tout aussi bien aux autres évènements qui contribuent à la vitalité de la communauté sceptique. Ainsi la Nuit zététique, organisée par l’association pour la science et la transmission de l’esprit critique (Astec), pourrait-elle également s’engager sur le chemin d’une plus grande représentation des groupes minorisées lors d’évènements publics. J’espère avoir donné matière à réflexion pour que chacun-e, prenant sa part, puisse œuvrer à l’égalité.
(Image d’illustration par Karen Roe.)
- Le compte Twitter de la Tronche en Biais a retenu des REC de cette année « une ambiance « geek » bienveillante ».
- On a pu parler de « chantage » alors qu’il n’était rien demandé aux REC, pas même de faire un choix qui n’aurait rien eu de cornélien ; de toute façon, quel levier de pression aurait-il bien pu être mobilisé ? Il s’agissait d’exposer les conséquences d’une invitation irréfléchie.
- Sources : REC 2021 – https://rec-toulouse.fr/edition_2021/ ; REC 2022 – https://rec-toulouse.fr/intervenants_vendredi/ et https://rec-toulouse.fr/intervenants_samedi/
- Voir les threads du compte Twitter de Dr Sornette et la vidéo Youtube de Patchwork, « Débunkons la Tronche en Biais. »
- Note du collectif : le présent article dans sa version originale s’interrogeait sur la participation en duo de la part de ces deux vidéastes, mais nous avons finalement eu un retour de leur part qui indique qu’il s’agissait d’une volonté pour elles d’intervenir ensemble. Nous avons transmis l’information à l’auteur et modifié en conséquence ce passage. Merci à elles pour ce complément.
- Voir par exemple le travail de l’association Action-Critique-Médias. On peut aussi lire le très accessible livre d’Arnaud Bihel, À la télévision, les hommes parlent, les femmes écoutent ! Belin, coll. Égale à égal, Paris, 2014
- voire à tout espace de sociabilité, ce qui pourra révéler à bien des hommes qu’ils peuvent pratiquer une non-mixité inconsciente.
- Comme par exemple le fait le collectif Sleeping Giants vis-à-vis de l’extrême-droite dans les médias ou l’a fait récemment Fantine de la chaine Youtube Fantine & Hippocrate vis-à-vis d’un site spécialisé dans la pseudomédecine.
- Lors des soirées récréatives des REC de 2022, le public a pu assister à :
– un sketch mettant en scène un personnage, joué par un vidéaste (voir ci-dessous) sous camisoles physique et chimique ; la justification à postériori a été de dire qu’il s’agissait de dénoncer la psychiatrisation, pour expliquer qu’il n’y a rien de psychophobe là-dedans ;
– des blagues juives, pour meubler pendant une panne, dans un contexte ne s’y prêtant pas, par l’animateur qui expliquera à postériori qu’il a une ascendance juive, pour justifier qu’il n’y a rien d’antisémite là-dedans ;
– un jeu où, pour prouver que le mug à l’effigie de Hitler existe, a été remis par le même animateur à l’un des participants, en l’occurrence un vidéaste d’extrême-droite pro-armes et qui participe activement à la banalisation des discriminations, comme un clin d’œil à ses fans, tournant en dérision les dénonciations portées contre lui ;
– un autre jeu où il y a une seule femme participant sur dix personnes ; la question de l’inégalité est évacuée par une boutade ridiculisant par surcroit le combat en faveur des personnes trans (le genre y est ramené et réduit au génital, comme dans l’idéologie des TERFs). - Les hommes invités à une table, prenant leurs responsabilités, peuvent aussi agir à leur échelle en refusant de participer si cette table n’est pas paritaire ; c’est la position de certains dans d’autres champs.
- Miz Pauline, dans son propre thread de justification n’a vu elle aussi que du « drama » dans les réactions aux soirées des REC.
- Après avoir mégenré Sohan Tricoire.
- On a récemment retrouvé ce genre d’idée dans un thread du twittos Lomig.
Lomig, quelques jours après le thread de Fantine, avait défendu cette même position abstraite, faute de chiffres concrets, de proportionnalité de la scène par rapport à l’ensemble « communauté ». Une définition qui me semble erronée de la « discrimination positive » est proposée ― pour s’y opposer et préférer le choix de l’inaction en attendant que la situation change (mais comment ?). Il s’agit d’un compte qui réagit aux échanges autour de la zététique et défend souvent des positions identiques à celles des figures les plus connues présentes aux REC. Je le mentionne donc pour ce qu’il semble révéler de la pensée d’une partie de la galaxie sceptique.
On pourra écouter de façon plus profitable les réflexions de trois scientifiques interrogées par Viviane sur la chaine secondaire de Scilabus, Sci+ : « Faut-il forcer une présence féminine scientifique dans les médias ? | Sciences & Médias #26 ». D’ailleurs, quel serait le bon taux de présence des femmes ? La question n’est abordée que sous l’angle de la visibilité et pas de la parité et ne tient pas compte de l’effet d’attractivité qu’une présence sur scène égalitaire pourrait produire sur le public. - Fantine utilise le terme médical (dermatologie) « phototype 6 » issu de la classification de Fitzpatrick qui « permet de classer les individu[-e]s selon la réaction de leur peau lors d’une exposition solaire » sur une échelle allant de 1 (teint très clair) à 6, selon Wikipédia. L’emploi de ce terme pensé pour un usage dans un contexte très spécifique n’est pas sans poser problème pour désigner, hors de celui-ci, une personne noire. J’imagine que l’accumulation des termes dans « zététicien francophone phototype 6 » est censé ridiculiser les discours qui, pour reprendre l’expression de son tweet, ne « s’en battent pas les steaks », des questions de représentation. Au delà, il méconnait le fonctionnement de la mécanique raciste dans laquelle un Noir n’est pas catégorisé et stigmatisé en raison de sa seule carnation.
- autre que linguistique : « francophone », précise-t-elle, alors qu’il y a eu des conférences en anglais sans interprète
- Ce tweet (56/74) n’a d’ailleurs pas manqué de faire réagir et est celui qui a obtenu et le plus de réponses (23) et le plus de retweets (43 cités sur 43 retweets) après le 1/74 (29 ; 41 QRT sur 119 RT)
- J’ai imaginé l’énoncé suivant : Prenons que vous prétendiez faire de la vulgarisation en argumentation. SI quelques non-expert-es en vulgarisation et en argumentation vous invitent pour cette expertise ET SI aucun-e expert-e de ces domaines ne dit de vous que vous en êtes expert, ALORS vous n’en êtes pas expert. Parce que j’ai eu cette idée ici, chez moi, dans ce cadre assez charmant, j’ai voulu appeler ça la conjecture de la porte de La Chapelle. Je cède ici au gout d’être piquant et plus léger mais j’invite à ne pas ignorer la nullité de crédit à accorder au présent énoncé comme au modèle qu’il parodie. Voilà. Je vous souhaite une bonne journée.
- Qu’on me comprenne : Sauf à être chercheureuses, les médecins ne sont pas des scientifiques au sens où ils sont producteurs de savoir. Illes consomment les résultats existants mais n’apprennent pas eulles-mêmes les méthodes pour y parvenir, ne lisent pas directement la littérature, etc.
- Sur la façon dont les femmes dans les sciences peuvent être perçues par les hommes du milieu sceptique, avec Claire Druez qui demandait des ressources, Charlotte Barbier a partagé cet éclairant article. Sur le filtrage social des milieux zététiques, voir ce thread de Ce n’est qu’une Théorie.
- Extrait du communiqué de presse des REC de 2022 : « Avec de nombreux scientifiques reconnus (Franck Ramus, Catherine Tessier, Eric Caumes, Albert Moukheiber, Divina Frau Meigs), des journalistes (Aude Favre, Sylvain Louvet..) des vulgarisateurs, des youtubeurs médiatiques : la tronche en biais (272 K abonnés), Mister Sam (120 K), Astronogeek (791k) 12parsec (186K) ou Vous avez le droit (145K), Hygiène mentale (381K) etc. (ainsi que des artistes (Clément Freze, Scott fins). » [souligné par l’organisation ; sic transit pour les majuscules et autres typo]. Si je perçois l’intérêt communicationnel d’exposer des noms connus, la précision du nombre d’abonné-es des chaines mentionnées pose aussi la question de l’importance qu’on y accorde dans la sélection qu’on fait.
- Fantine s’est défendue d’être « manipulée par des hommes » et il n’y a en effet aucune raison de le penser. Par contre, comme n’importe qui, il reste qu’elle est prise dans un ensemble de systèmes qui, sans lui enlever toute capacité d’agir, l’agissent ; c’est ce que j’exprime ici. Ce fonctionnement de la société, décrit par la sociologie, va à l’encontre de la croyance en l’illusion libérale d’individu-es parfaitement libres parce qu’indéterminé-es et de leurs vies faites d’une succession de choix rationnels.
Je viens de lire l’article. Merci. Il faudra que je le relise sur certains aspects pour bien saisir ce qui est dit.
Concernant le tweet de Fantine qui parle de ma pertinence ou non, je souhaite ajouter 2 éléments :
– elle répond à Ce n’est qu’une théorie qui parlait d’elle même, de Dr Sornette et de moi. Je pense intéressant de noter qu’elle ne répond que à propos de moi, qui suit clairement la moins compétente des 3 (et de loin) concernant le thème de « l’esprit critique ». Je trouve que c’est à noter. Forcément si on se concentre sur les moins compétentes les femmes sont moins compétentes…
– son tweet finit par la phrase « Cet épisode me conforte. » J’ai trouvé ça impressionnant. En quoi le fait que je dénonce un sketch psychophobe a à voir avec ma compétence ou non pour une table ronde ?? On ne sépare plus la fille sympa de la femme pertinente apparemment ? Ça ne marche que pour les hommes il faut croire. Loin de moi l’idée de penser que je serai pertinente pour les REC (sur l’immense majorité des thématiques abordées et en comparaison de la majorité des personnes intervenantes, je ne le suis clairement pas) mais par contre j’aimerais qu’on juge ma pertinence sur mes compétences et connaissances et non pas sur le fait que je sois ou non contrariante.
Dernier Point : je n’ai jamais demandé le deplateformage de qui que ce soit. Je sais que l’article ne dit pas ça mais ça pourrait être (mal) interprété ainsi et j’ai subi suffisamment de violence à cause de ma dénonciation pour que je préfère le préciser.
l’article est interéssant… je supprimerai le paragraphe présent uniquement pour mettre une cartouche à mendax toutefois…
c est bon on a compris que c est pas votre pote…
Bonjour,
Cet article n’est pas un article d’un.e membre du collectif mais une contribution extérieure. Par contre de quelle cartouche vous parlez?
Le 3eme et 4eme paragraphe de la partie point de départ.
Coucou,
Savez-vous pourquoi il a été choisi de classer les personnes NB au côté des femmes ?
Bonjour,
Toutes mes excuses pour le temps de réponse, je voulais transmettre ta question à l’auteur de cet article avant de revenir vers toi, de manière à ne pas trahir sa démarche. Pour te répondre, cet article s’intéresse à des enjeux de parité, et c’est dans ce cadre que le choix a été fait de regrouper dans une même catégorie les personnes issues d’une minorité de genre, ces dernières étant rendues moins visibles dans l’espace public que ne le sont les hommes par le système de genre.
Bien à toi,
Fred
Bonjour,
Il me semble que Viciss et moi-même sommes évoquées dans cet article, notamment le passage suivant:
« Par ailleurs, je dois préciser ceci : Que ce soit pour leur deux participations à des tables ou à leur « seules en scène » (qui sera rappelé par *), deux vidéastes femmes qui tiennent une chaine commune n’ont pas été séparées dans le programme, ce qui n’a pas été le cas de deux hommes dans la même situation : était-ce leur volonté, leur a-t-on seulement proposé des interventions en solo ? Seules elles et l’organisation pourront répondre ; quoi qu’il en soit, leur présence en tant que duo biaise les chiffres en ce qu’il s’agit de participations valables ― et donc décomptées ― pour deux personnes. »
J’ignore s’il s’agit de nous, mais il m’a semblé nous reconnaître. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez ne pas tenir compte de la suite de mon message.
Effectivement nous apparaissons toutes deux non séparées dans le programme du REC, et ça n’a rien à voir avec un choix des organisateurs. Au contraire, à la base, nous avions été séparées sur le programme, c’est ainsi que les orgas ont fait les choses pour tout le monde. C’est nous qui sommes intervenues pour qu’on apparaisse en même temps sur le programme.
Pourquoi ?
Car c’est ainsi qu’on fonctionne.
Nous sommes certes deux femmes à part entière, mais quand on est toutes les deux présentes à un évènement c’est notre sujet qui compte, le hacking social, qui est une activité à deux cerveaux.
De plus, on se partage les interventions par rapport à notre aise (ou non) à certains dispositifs. Viciss n’est pas à l’aise en mode conférence, elle préfère les tables rondes ou les questions/réponses, de fait elle ira donc davantage sur ces dispositifs alors que j’irais davantage sur les conf, mais parfois cela peut nous amener à présenter des sujets que l’autre a travaillé et vice et versa. D’où encore une fois l’importance pour nous de ne pas être séparée dans les programmes, car c’est un travail collectif même quand on apparaît seules.
Enfin, le fait qu’on demande ainsi à ce qu’on ne nous sépare pas découle aussi d’anciennes expériences où des gens ont parfois artificiellement voulu nous séparer artificiellement pour nous opposer selon des rhétoriques sexistes. Eh oui, le sexisme passe aussi par le fait d’individualiser.
Voilà pour l’explication si toutefois il s’agissait d’une référence à notre endroit. Merci d’en tenir compte, car en l’état ce passage donne l’impression que les orgas ont fait les choses ainsi selon des motifs sexistes, alors qu’au contraire nous concernant ils ont été parfaitement à l’écoute et conciliants.
Dernier point, pour éviter des futurs malentendus. Nous ne serons pas au REC 2023, et là encore ça n’a rien à voir avec les orgas du REC qui nous ont réinvité pour la prochaine édition. C’est nous qui l’avons décidé, tout du moins pour cette prochaine édition, de ne pas revenir car l’ambiance actuelle dans le milieu sceptiques/zet nous a beaucoup écrasé ces derniers temps, non sans sexisme d’ailleurs.
Nous sommes dispo pour plus d’infos si nécessaire.
Bonjour,
Nous avons transmis l’information à l’auteur et avons modifié en conséquence le passage concerné. Merci pour le complément d’information.
Bonjour Patchwork, à y être, suite au message de Chayka, serait-il possible de demander aussi à l’auteur de modifier le passage où ce dernier écrit que Clément a « commandé un mug Hitler pour prouver qu’il existe ? » (sic) ?
Je comprends bien que de l’extérieur, et sans avoir accès aux coulisses et à l’historique du spectacle, on puisse avoir douté. Et oui, il y a eu, et il y aura surement chaque année des erreurs au Rec, vu la taille de l’événement.
Ces erreurs méritent d’être pointées. J’entends toutes les critiques même si j’évite de prendre part aux tempêtes sur Twitter pour ne pas alimenter (même involontairement) le harcèlement d’un côté comme de l’autre en soufflant sur des braises. En règle générale je m’exprime peu sur les réseaux. Ce sera d’ailleurs mon seul commentaire.
Je renvoie tes lecteurs à la réponse officielle du Rec en ce qui concerne une grande partie de cet article : https://twitter.com/RECtlse/status/1519012801460768773
Mon impression générale est que même dans le milieu sceptique, la suspension du jugement, la vérification des sources, la recherche de contexte ou la mise en perspective n’est pas forcément un automatisme. C’est intéressant car cela nous force toutes et tous à l’humilité, sans exception (et moi le 1er).
Bref, écrire « un jeu où, pour prouver que le mug à l’effigie de Hitler existe a été commandé par le même animateur », est à minima, une erreur de l’auteur, au pire une intention d’orienter les faits. Je vais mettre bien entendu cela sur le compte de l’erreur.
Je souhaite que ce soit rectifié.
Je vais maintenant me limiter aux faits pour expliquer à tes lecteurs pourquoi.
Souviens-toi, car je l’ai expliqué lors de notre réunion commune avec Skeptikon il y a à peine 2 ou 3 semaines :
Le mug n’a pas été « commandé ». Nous avons soigneusement évité de soutenir ou de cautionner la vente de ce type de produits.
Certes, l’auteur de cet article n’a pas assisté à notre visio, et c’est juste dommage d’avoir « zappé » cette erreur importante à la relecture de son article car cela aurait pu l’alerter et lui donner l’occasion de me contacter pour vérifier deux trois trucs avant de publier (d’autant plus qu’il n’était pas présent je crois sur le festival).
L’idée de Clément était de dénoncer la vente de mugs racistes sur Amazon lors de la version « ‘sceptique » du Burger Quizz jouée au Rec.
Clément m’a expressément demandé de ré-imprimer les mugs pour ne pas, je le cite, « filer une seule thune à ces fachos ».
Il a ensuite inventé un mug (présenté au public comme odieux) avec un visuel « café san marco dutrou ». Le but du jeu était que les candidats sur scène arrivent à retrouver quel mug avait été inventé au milieu d’autres mugs vendus sur internet, tout aussi infectes.
Le ressort comique (et tragique) venait de l’hésitation des candidats à retrouver le mug inventé parmi les autres.
Pour être précis :
C’était un clin d’œil à une émission du vrai Burger Quizz ou Alain Chabat demandait aux candidats à retrouver le vrai jeu de société, avec entre autres choix un jeu « Secret Hitler », et un jeu « le jihad quelle rigolade ». Je te laisse deviner lequel était vrai.
: https://twitter.com/burgerquizoff/status/1042495803921768450?lang=fr
Le second mug était celui reprenant un visuel ayant fait scandale en 2013, quand un restaurant en Thaïlande avait repris le visuel de KFC en remplaçant la tête du fondateur de l’enseigne par celle d’Hitler.
https://www1.alliancefr.com/actualites/international/le-hitler-fried-chicken-une-imitation-de-kfc-de-tres-mauvais-gout-5024315
Le troisième mug était un mug « je ne suis pas raciste, mon café est noir »
Un bel exemple, presque caricatural tellement c’est con, de la banalisation.
Et je ne me souviens plus du 4ème.
J’ai à disposition du tribunal dans le cadre d’action en justice en préparation la facture auprès de l’imprimeur, les mails de Clément avec les visuels récupérés en ligne pour être imprimés (en un exemplaire de chaque).
Voilà pour les faits concernant cette histoire, assez loin du narratif que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux, et parfois sur Twitch ou Youtube.
Ce que je regrette par contre concernant ce sujet, et c’est ma faute j’aurai dû le demander, c’est qu’il aurait été possible de profiter de ce moment pour donner ces explications au public, et faire de la pédagogie. Cette dimension sera une ligne éditoriale forte du prochain spectacle.
Même si j’ai trouvé cette main tendue un peu rugueuse assez rapidement, cela ne m’a pas empêché de braver les 25 minutes de lecture pour réussir à trouver quelques retours utiles.
Par exemple, même si je n’avais pas besoin d’un chronomètre pour me rendre compte des efforts restant à faire concernant la parité, le rappeler aura renforcé ma vigilance.
D’autre part, même si la proposition de contacter des groupes féministes pour réfléchir à du contenu sur ce sujet semble évidente, je ne m’y étais pas employé et cela m’a permis d’ouvrir un contact avec Zsf, dès la fin du survol initial de cet article.
J’ai préféré me cantonner à cet élément saillant et sensible pour moi parce que lever le doute sur ce sujet précis peut aussi permettre d’éviter de donner des armes rhétoriques à nos adversaires (par exemple, les anthroposophes, dont c’est devenu l’argument principal pour critiquer le Rec lorsque des confs évoquent la proximité de Steiner avec le régime nazi – cf les commentaires reçus sur les replays YT de ces confs, ou leurs tweets rageurs).
Ps : je voudrais juste ajouter en passant que Fantine n’est pas co-organisatrice du Rec.
-> https://twitter.com/wil_rectlse/status/1589775354821894144
Salut Will,
Je te confirme que le détail qui te gêne dans la note n°9 de l’article a été corrigé.
Bien à toi,
Fred
L’auteur compare la proportion de femmes parmi l’ensemble de participant aux éditions de 2021 et 2022 et conclue à une diminution de la part de femmes invitées.
Ceci dit il ne vérifie pas si cette différence est significative ou non, c’est quand même problématique alors qu’il base une partie de son argumentation dessus.
J’ai fait le test de student à l’aide de ce site : https://www.pollandroll.com/guide/significant-differences et la différence est non significative à un seuil de confiance de 90%.
Le paragraphe en question :
Résultats
REC 2021 – 10 femmes/NB sur 37 participant-es au total, soit 27%
REC 2022 – 13 femmes/NB sur 57 participant-es au total, soit 23%
Ces chiffres montrent que :
– moins de femmes/NB ont été prévues,
– la part des femmes/NB a baissé entre les deux éditions, alors qu’il y a eu +54 % d’invitations. En clair, il y a eu 20 invitations supplémentaires, dont 17 à des hommes ; cette augmentation a donc davantage bénéficié aux hommes (+62 %) qu’aux femmes et personnes NB (+30 %).
Je me dis que cette évolution impressionnante du nombre d’invitations était pourtant l’occasion d’en faire profiter la minorité. Pourquoi est-ce que ça n’a pas été le cas ? J’essaierai de trouver des réponses plus loin (cf « Problèmes »).
Bonjour.
Vous utilisez un outil certes important en statistique mais hors de propos. Cet outil ne s’applique pas ici pour la simple raison qu’on n’essaie pas de voir une différence statistique due au hasard, mais une différence de proportion dans une circonstance où cette différence de proportion est le résultat d’une [absence de] politique volontariste.
Une occasion qui en vaut bien une autre pour rappeler que tous les outils ne sont pas utilisables dans n’importe quelle circonstance, aussi importants soient-ils dans leur propre domaine de pertinence.
[Edit: je me dois par ailleurs de préciser que l’article parle du REC de l’année dernière, et je crois que celui de cette année a montré une vraie volonté de s’améliorer notamment sur cet aspect, et a même mis beaucoup en avant les créatrices invitées. Par ailleurs, nous avions insisté à l’époque de la publication de cet article pour qu’il rappelle que ce problème de représentation n’est – hélas et loin s’en faut – pas limité au milieu sceptique et est assez général, y compris à gauche; et que la critique du REC, sur un site comme le nôtre qui se réclame lui-aussi du scepticisme, ne devait pas être lue comme une singularisation (ça n’a rien de particulier comme je disais), ni une condamnation, mais un appel à faire évoluer un milieu duquel nous sommes partie-prenants. C’est d’ailleurs avec soulagement que j’ai vu se déployer les efforts pour le REC de cet année.]