Main colorée tenant une bouteille de vaccin sur fond sombre

Violences médicales sexistes et croyances antivaccinales.

Temps de lecture : 6 minutes

[TW pour violences médicales y compris sexuelles.]

Étant donné la situation actuelle face à la vaccination Covid-19, j’ai décidé de retravailler des textes que j’ai écrit sur mon expérience personnelle avec le monde médical et la peur des vaccins.
Ça me semble important pour deux raisons :

  • Parce que l’obsession avec les mouvements antivax détourne de vrais problèmes qui empêchent l’efficacité des campagnes de vaccination (à commencer par le manque d’accès aux vaccins pour des raisons économiques et politiques).
  • Parce que la violence et le jugement envers les personnes antivax ne font que renforcer leurs croyances.

Voici donc mon expérience en tant que personne qui est passé·e par les mouvements antivax et en est sorti·e. Ça n’a pas prétention à être un article sociologique.

Beaucoup de gens ne comprennent pas pourquoi ce sont surtout des femmes qui sont radicalement antivaccin et pas juste à peser raisonnablement le pour et le contre de chaque vaccin individuellement ou plus simplement à faire confiance aux experts.

Alors que c’est simple:
Quand on a eu l’habitude toute notre vie que les médecins pensent qu’on ment sur nos problèmes.
Quand on a eu l’habitude que les gynéco nous violent et nous jugent.
Quand on a eu un accouchement traumatique avec le consentement non respecté pour plein d’actes médicaux, en ressortant parfois mutilée.
Quand on a eu un allaitement difficile avec les médecins qui le sabotent tout en culpabilisant de ne pas y arriver (ou de le faire trop/pas assez longtemps).
Quand on a toujours eu des traitements mal adaptés car testés uniquement sur des hommes. [EDIT : J’ai été informé·e que c’est faux. Je choisi de laisser cette ligne ici car cette croyance a fait parti des raisons qui ont informé ma vision de la médecine pendant longtemps.]
Quand tous les médecins de notre vie nous ont dit que c’est normal de souffrir, que les effets secondaires de nos pilules sont imaginaires, qu’on est trop stupide pour décider de quoi faire de notre corps, que la douleur c’est dans la tête, qu’on « s’écoute trop »…
Et ben souvent on se met à penser que tout ce qui a une blouse blanche ne sait que mentir, violer et blesser et en a profondément rien à faire de notre santé.

Et donc là quand on nous dit qu’il faut faire des vaccins à son enfant « pour son bien », que c’est « sans effets secondaires », qu’il faut « faire confiance » et qu’on est vraiment une pauvre irresponsable de vouloir réfléchir et ne faire que les obligatoires le temps d’y voir plus clair…. En toute logique on se dit que les médecins doivent prendre leur pied à maltraiter des bébés. C’est juste dans la parfaite continuité de ce qu’on les a vu faire toute notre vie.

Donc rigoler des mères qui « s’inquiètent trop » et sont « irresponsables » c’est rigoler de personnes traumatisées et leur dire violemment de se soumettre à des gens qu’elles ont connu toute leur vie comme prédateur·ices. C’est absolument dégueulasse. C’est une continuité des violences médicales.

J’ai écrit ce texte dans un moment de colère après avoir vu coup sur coup un post sur ces « mères irresponsables et maltraitantes » qui veulent pas de vaccins et juste en dessous un sur une femme violée à l’hôpital par une infirmière et une médecin en se faisant insulter parce que son vagin ne s’ouvrait pas assez vite pour le spéculum (alors qu’elle refusait l’examen et se débattait).

J’ai écrit le billet ci-dessus il y a presque 4 ans. À ce moment j’étais encore dans la colère et la confusion face aux monde médical, que ça soit celui des soignant·es ou de la recherche. J’avais commencé à prendre conscience des bienfaits des vaccins, mais ma terreur suite à presque trois décennies de maltraitances médicales m’empêchait d’avancer sur le sujet, me rendait facilement perméable à toutes les rumeurs antivax qui passaient. J’étais en pleine prise de conscience de l’origine de ce problème chez moi mais loin de l’avoir dépassé.

Depuis j’ai avancé. Avec difficulté. Et j’ai fait un grand pas récemment grâce à une vidéo de Primum Non Nocere : De quoi nous protègent les vaccins obligatoires ?
C’est la première fois que des informations m’ont fait dire « bon je vais amener mon carnet de santé à ma médecin demander où j’en suis de tous mes rappels » plutôt que « oui bon je SAIS que c’est important les vaccins, je l’accepte, je ferai les obligatoires… »

En fait malgré que depuis quelques années j’avais beaucoup déconstruit mes croyances antivax il me restait un truc énorme : de la peur. Très très peur des vaccins. Le mieux que j’arrivais à faire était de me « forcer à accepter ». Pourquoi?

Déjà parce que enfant j’ai eu plusieurs maladies contre lesquelles j’étais sensé·e être protégé·e par les vaccins ou par l’immunité maternelle. Donc leur efficacité me semblait trop aléatoire.
J’ai appris récemment que les problèmes de malnutrition, entre autres, peuvent empêcher les vaccins d’être efficaces. Étant né·e d’une mère anorexique puis ayant été privé·e de nourriture et malnutri·e depuis bébé rien d’étonnant à ce que leur efficacité ait été mauvaise du coup. Et rien qui aille contre notre compréhension des vaccins.

Ensuite parce que j’ai eu des effets secondaires de médicaments divers et variés, que je suis autiste et que j’ai eu une régression autistique massive à l’adolescence suite à un traitement… Tout ça ayant été nié par la plupart des médecins qui m’ont suivi·e. Et donc quand on me dit que les effets secondaires c’est extrêmement rare et pas grave, et que l’autisme est 100% génétique de naissance et n’évolue pas quoi qu’il arrive je sais que c’est du mensonge qui se veut rassurant. Et quand on réalise que parfois les médecins mentent, on ne fait plus confiance à quoi que ce soit qu’iels disent.

Et enfin parce que j’ai été victime de maltraitances médicales assez violentes depuis ma petite enfance. Que ça soit le déni de mes maladies et handicapes, le refus de soins, l’obligation de soins parfois vécu comme une mutilation, ou même des examens gynéco vécu comme des agressions sexuelles quand j’étais petit·e. Impossible dans ces conditions de faire confiance à des personnels de santé.

Et du coup ça a été facile pour moi de croire la propagande antivax. Toutes les explications pseudo-scientifiques sur pourquoi ils ne servaient à rien. Ça collait avec ce qui était ancré dans mon corps depuis longtemps : les médecins sont dangereux et me veulent du mal, iels ne veulent pas me soigner.

Avec le temps j’ai évolué. J’ai appris à trier doucement le vrai du faux sur le sujet. J’ai découvert que même si il y a bien des vrais controverses scientifiques sur les vaccins (la possible dangerosité certains adjuvants, le rapport bénéfice/risque du Gardasil etc etc) il n’y en a pas tant que ça. J’ai appris que la plupart des infos contre les vaccins que j’avais étaient des mensonges pur et simples.

Mais il restait la peur, la sensation de prendre un risque énorme pour un bénéfice peu clair, la sensation de devoir faire confiance à des monstres qui ne m’aideraient pas si j’ai un effet secondaire. Le mieux que j’arrivais à atteindre était un « oui bon je vais accepter les vaccins totalement obligatoires et serrer les dents »…

Et puis ce qui a commencé à changer ça a été le Covid.

10% de malades ont une forme longue. 30% des malades qui ont eu des symptômes ont des séquelles cardiaques. Je ne sais plus le pourcentage pour les séquelles neuronales mais il est du même ordre. 1% de morts environs malgré des soins intensifs.

Et je me rappelle de ce qui me fait peur dans les vaccins : des effets secondaires du même genre mais beaucoup beaucoup plus rare. J’ai failli mourir du covid en mars, et j’ai des effets secondaires horribles depuis. Pour la première fois j’ai senti la « balance bénéfice/risque » comme un truc concret, dans ma chair. Pour la première fois je me suis dit « je vais me faire vacciner parce que c’est là que sont les meilleurs chances de survie en bonne santé pour moi et les miens » et pas « parce que je sais qu’il faut le faire. »

Alors quand j’ai vu passer cette vidéo sur les vaccins obligatoires j’ai décidé de la regarder pour voir si ça me ferai pareil pour d’autres maladies. Et clairement, ça l’a fait !! Par exemple la rubéole, elle est quasi asymptomatique, très contagieuse, discrète… Et du coup on sait qu’on l’a eu une fois qu’on donne naissance à un bébé malformé et gravement malade qui a 20% de chances de mourir… Oups.

Alors oui, j’avance tout doucement sur mes traumas médicaux, je n’ai pas plus confiance dans la plupart des médecins qu’avant… Mais je vais amener mon carnet de santé à ma médecin et lui demander de tout vérifier et me faire tous mes rappels. Et je ne le ferai pas parce que j’ai confiance que je n’aurai pas d’effets secondaires, mais parce que j’ai compris que c’est un risque à prendre bien moindre que les risques des maladies dont ils nous protègent. Je le ferai parce que je veux des enfants et que les effets secondaires pour iels seront bien pire si iels sont malades en étant nourrissons que ce que je pourrai avoir en me faisant vacciner adulte. Parce que pour la première fois j’ai senti dans ma chair cette fameuse balance « bénéfice/risque ».

Je pense honnêtement qu’on gagnerai à ce que les médecins communiquent sans violence, sans menace, sans mentir non plus en prétendant que les effets secondaires graves n’existent pas… Juste en expliquant clairement que même si les effets secondaires graves étaient largement sous estimés ils resteraient des centaines de fois plus rares que les effets secondaires graves des maladies dont ils protègent.

En fait j’ai senti pour la première fois pour moi-même ce que je dis en faisant vacciner mon chat : « Oui je sais que ça va te rendre malade ma puce, mais ça reste moins mortel qu’un typhus… »

Ce dont j’avais besoin pour avancer sur ce sujet ça n’était pas de mensonges rassurants, de shaming scientiste, de pression sociale. C’était d’abord d’avoir de plus en plus de contact avec des personnels soignants bienveillants qui m’ont appris que la médecine et ses représentant·es peuvent effectivement nous soigner, et ensuite d’avoir des informations claires sur ce dont les vaccins nous protègent.
D’habitude quand on parle de balance bénéfice/risque on s’évertue à nous présenter le côté « risque » comme faible. Mais tout risque paraît trop haut si on a pas conscience du bénéfice.

Liens:

PNN 22 – De quoi nous protègent les vaccins obligatoires ? :
https://www.youtube.com/watch?v=1CifyVPCZ10
Le mouvement antivax est loin d’être le seul responsable des épidémies de rougeole :
http://www.slate.fr/story/179553/sante-publique-vaccination-mouvement-antivax-epidemies-rougeole
Concernant les violences médicales le site de Martin Winckler m’a beaucoup aidé·e. Autant à reconnaître les maltraitances comme telles qu’à choisir des médecins respectueux et à mieux connaître mes droits.
http://www.martinwinckler.com

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5 Comments

  1. john Reply

    Merci d’avoir pris la peine et d’avoir eu le courage d’écrire ce témoignage. Ils sont de formidables cadeaux.
    Soutien également pour ces moments qu’on ne devrait pas avoir à subir.

  2. Fviolon Reply

    Bonsoir,
    Merci pour ce témoignage très émouvant et très enrichissant. En tant que médecin, il est parfois difficile de bien comprendre ce que pense le patient. Nos années d’études nous apportent une énorme masse de connaissances, de méthodes et de situations difficiles qui, malheureusement, déconnectent certains de mes collègues et leur rendent très difficile de bien communiquer avec leurs malades. Les années de concours et la mise en concurrence permanente avec les collègues pendant toute la formation font perdre de vue la coopération et l’entraide et fabrique trop souvent des « brutes en blanc ». Ils ne pensent pas à mal, ils ont pas le temps, pas l’énergie, la volonté ou tout simplement, ils n’y pensent plus. La formation se doit de l’intégrer et d’y sensibiliser. Vous avez plus que raison, l’honnêteté et l’intégrité vis à vis des patients est essentielle et j’espère que les restes d’une culture médicale obsolète très verticale, infantilisante et oui, sexiste, disparaîtront avec le temps et nos générations qui arrivent en poste et qui y sont de plus en plus sensibles.
    Merci beaucoup pour ce témoignage qui m’apporte beaucoup de réflexions en tant que médecin, surtout sur les deux niveaux de blocage, les mensonges et la peur.
    Merci d’avoir écrit et partagé tout cela. Je vous souhaite le meilleur et, de rencontrer des praticiens bienveillants et profondément humains.
    Florian Violon
    Interne de pathologie

  3. Roka Bvs Reply

    Merci beaucoup pour ce témoignage.
    Je suis autiste aussi et pareil toujours des effets antagonistes ou secondaires atypiques. On ne me croyait jamais c est pour cette raison que j ai étudié pharmaco pour comprendre comment c était possible. C est apparement très fréquent chez les autistes et TDAH du à un fonctionnement cérébral atypique et certaines fonctions modifiées ( verrou dopaminergique, striatum, noyau accumbens, amygdale,…), des taux de Cl- intrasynaptique très élevé est aussi une explication parmi d autres.

    Je me reconnais beaucoup dans tes propos. J ai aussi été antivax à un moment mais par pure ignorance cela n a pas duré. Ayant travaillé sur cette question, j ai bien conscience des bénéfices mais malgré cela j ai toujours peur quand même alors que c est irrationnel. La peur d être l exception ce qui étant assez habituel à tendance à m inquiéter.
    En tout cas tu as raison. Insister sur les bénéfices doit être plus productif.
    Je n avais même pas conscience de ces violences pourtant en te lisant je me rends compte que cela a été une constante dans mon experience médicale. Le pire ayant été en psychiatrie, juste derrière les gynécos berk… Alors que je me faisais avorter, le gynéco m a carrément demandé mon numéro alors que j étais à peine majeure et qu il était encore occupé… Bref il y a du boulot en la matière.

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