Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 6/6 : Synthèse – Contre la technocratie

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Voici venue la sixième et dernière partie de notre série « Les gens pensent mal : le mal du siècle ? ». Nous terminons par une réflexion sur la manière dont la croyance que les gens pensent mal sert l’autoritarisme, plus précisément sert à justifier la défense d’une conception technocratique de la politique qui délaisse les intérêts des minorités. Nous rappelons que l’enjeu de l’esprit critique, c’est la prise de décision, et donc… que l’enjeu est, et a toujours été, politique.

A. Pensée construite versus pensée informée

Partir de l’hypothèse que les gens pensent mal à cause de leurs biais cognitifs et leurs émotions, c’est penser qu’eux ont plus probablement tort et qu’on a soi-même plus probablement raison du moment qu’on fait attention à ses biais cognitifs et qu’on s’exprime plus calmement1. C’est oblitérer le fait qu’on peut juste ne pas avoir en main les éléments qui font que le choix de l’autre est effectivement rationnel, et que notre appréciation d’une situation est limitée par notre méconnaissance de pans entiers d’informations.

(NB : cette illustration est le plagiat d’une autre que nous n’avons pas pu retrouver)

Le biais de cadrage, illustration. On voit bien, nous l’espérons, dans ladite illustration, à quel point la notion de biais n’est pas une qualité individuelle intrinsèque mais un effet contextuel. Pire: bien souvent, le biais de cadrage ne réside pas plus dans le raisonnement que dans les individus, mais dans le cadrage lui-même, comme c’est le cas ici. Modifiez l’information disponible, vous modifiez le cadre et donc le fameux « biais de cadrage ». Et le sens de l’image va changer avec lui.
Quoiqu’il en soit si on vous montre l’image de gauche seule, vous ne commettriez aucune erreur en déduisant qu’il s’agit de l’image stylisée d’un bonhomme menacé par une flèche.
Vous croyez qu’on peut s’arrêter à la seconde image? Et si on vous disait qu’en élargissant le cadre on se rend compte qu’on voit une scène avec plein de bonhommes stylisés dans des poses diverses? Paf, c’est un spectacle de danse, on vous a bien eus.
Et vous vous rendez pas encore compte à quel point, parce qu’en élargissant encore le cadre on se rend compte qu’il n’y a que deux personnes dans la salle, avec un pupitre éclairé et prenant des notes. C’était pas un spectacle de danse (êtes-vous naïfs quand même) mais un casting.
Et ainsi de suite. Vous voyez maintenant, nous l’espérons, le problème du « cadrage »…. avec un nouveau cadrage.

Par ailleurs, le fact checking, qui consiste à vérifier la véracité de l’information disponible, et non à la compléter par d’autres informations qui lui sont externes, ne permettra pas de se préserver de ce risque de mal interpréter la réalité décrite2. On ne peut se préserver – un peu – du biais de cadrage que par un fastidieux travail de veille informationnelle. Il s’agit de ne pas se limiter à l’information qui vient à soi. Il faut avoir une analyse sur la manière dont l’information est produite et diffusée, et sur la manière dont cela la cadre3 et chercher l’information qui ne vient pas à soi par elle-même, celle qui est hors-champ (hors médiatisation, hors focus, etc.)4.

A force de se focaliser sur le débunkage, les fausses informations, les erreurs de raisonnement, on en vient à oublier la composante la plus essentielle de l’esprit critique: avoir toutes les informations pertinentes5. Mais c’est d’autant plus difficile… qu’on ignore ce que l’on ignore.

C’est précisément ce qui nous a motivé à tenter de mettre en lumière, au cours de cette série, un certain nombre de choses souvent ignorées. Nous avons vu que souvent, on ne perçoit pas la rationalité du choix d’autrui par difficulté, ou manque d’intérêt, à se projeter dans les contraintes et limites spécifiques à l’autre. Nous avons parlé notamment du fait d’ignorer que nos points de vue sont tous situés, impactés par nos expériences sociales et nos préférences. Avoir un vécu de minorité permet souvent d’avoir connaissance de cela6, mais à défaut, il est essentiel de se forger une bonne culture générale en sciences humaines et sociales. ce qui fournit énormément de données mais aussi d’éléments théoriques nécessaires pour avoir un recul sur ses propres croyances et son propre conditionnement. Une bonne culture générale en sciences de la matière et en sciences naturelles ne suffit pas, et comme on ignore ce qu’on ignore, beaucoup de personnes qui fréquentent les sphères rationalistes n’ont pas conscience d’à quel point leur absence de culture générale en SHS limite leur appréciation des problèmes. Un dénigrement récurrent de ces disciplines (sciences wars) renforce d’ailleurs le phénomène. 

Aussi construit que soit un argumentaire ou un raisonnement, il restera mauvais s’il n’est pas informé à la hauteur de ses prétentions. Et par informé, il ne s’agit pas seulement d’avoir des sources fiables, mais également d’avoir des sources multiples, et d’intégrer le maximum d’éléments pertinents pour apprécier le problème, y compris les enjeux psychologiques pour les parties prenantes du problème (préférences, etc.)7.

Prenons un exemple typique de « faits » pris un peu trop au sérieux dans les sphères rationalistes à cause de ces limitations en SHS : une des hypothèses de la psychologie évolutionniste est que la préférences du rose par les femmes versus du bleu par les hommes est due à une sélection au pléistocène pour que les femmes puissent mieux repérer les baies (il y a même des articles qui se penchent jusqu’à récemment sur l’innéité de ce « trait »). Les tenants de cette mode s’offusquent assez vite de notre jugement hâtif quand on leur dit que c’est ridicule. Or, du point de vue des sciences humaines, qui ont une multitude de données qui réfutent DÉJÀ totalement cette hypothèse, approfondir cette hypothèse, c’est bel et bien aussi ridicule que de se demander si la Terre est plate8. Les données dont ces sciences disposent nous informent déjà sur le fait que la différence observée chez certains enfants est totalement culturelle : ce « trait » est plus que récent et localisé dans l’espace, mais surtout, il n’est pas réel (si on regarde quelle couleur est préférée sans limiter au rose et au bleu, ce n’est pas du tout ces préférences là qu’on retrouve chez les adultes, le bleu est préféré sur le rose par hommes comme femmes, et d’autres couleurs sont bien plus souvent citées). C’est un exemple incroyablement criant de la manière dont les croyances propres de personnes, aussi rationnelles et scientifiques soient-elles, conditionnent leur manière de s’attaquer à un sujet… et à louper les données qui ne vont pas dans le « bon » sens. Un très bon exemple du fait qu’on peut avoir une très jolie méthodologie (l’article mis en lien ci-avant qui se penche sur l’innéité du trait est très propre, étude bien réalisée et tout, d’ailleurs, elle trouve des résultats concordant avec le fait qu’on sache déjà que les préférences sont culturelles : pas d’innéité), et pourtant, continuer à donner du crédit à une hypothèse ridicule… parce qu’on est mal informé.

Ce défaut, qui consiste à penser que si d’autres ne pensent pas comme soi, c’est parce qu’ils sont idéologues, fermés, peu rigoureux, plutôt que parce que soi-même, aussi rigoureux qu’on s’imagine, on est mal informé, est bien présent dans les sphères rationalistes (comme le montrent les captures ci-dessous, prises dans un des groupes zet, il s’agit de propos de membres divers, juste pour illustrer la manière dont cette croyance que « les gens pensent mal » se traduit).

Illustration : une conversation récente du groupe zététique illustre bien que de nombreux rationalistes qui ne comprennent pas les positions anti-industrielles de gauche les attribuent uniquement à des erreurs de raisonnement, de la stupidité ( « c’est con ») où à une dissonance cognitive ( « il faut pouvoir tout mettre sur le dos du Grand Capital ») ce qui ne leur permet pas de se donner la peine d’accéder au raisonnement théorique qui motive ces positions9. Ces rationalistes ne comprennent pourquoi leurs prises de position politiques – assez peu éclairées en fait par les théories politiques et intérêts de gauche – conduisent leurs interlocuteurs à les renvoyer systématiquement au fait qu’ils sont en réalité plus de droite qu’ils ne le croient10. Au passage, constatons que la belle et bonne rationalité défendue par le message en haut à droite ne semble pas même préserver de l’attitude immature qui consiste à prendre mécaniquement le contrepied de la position adverse: si tout ce qu’il fallait pour être « POUR les compteurs Linky » était qu’ils n’émettent pas réellement d’ondes nocives, tout ceci effectivement bien légitime, mais ce n’est pas le seul problème posé par ces saloperies injustifiables, comme il a déjà été dit dans cet article.

B. Mettre en commun les perspectives pour mieux identifier les sources de divergences

Penser que l’autre pense mal11, c’est se priver de la possibilité même de chercher à comprendre. C’est en fait une des postures qui nuisent le plus au débat d’idées, car tant que l’on part de l’hypothèse que l’autre est irrationnel, on ne peut pas mettre en commun les informations dont on dispose, ni les différentes interprétations qu’on en fait, interprétations informées tant par les autres informations dont on dispose12 que par les différences dans nos préférences; en un mot: les perspectives. Mettre en commun les perspectives, plutôt que de les confronter, est le seul moyen de formuler une vision plus complète et plus partagée de la réalité13.

Or, avoir une vision la plus complète possible de la réalité a des enjeux politiques. Il s’agit à la fois de multiplier les pistes de solutions aux problèmes, de mieux identifier les blocages, mais aussi, de reconnaître que deux personnes rationnelles ET aussi bien informées l’une que l’autre peuvent conclure à des « meilleures options » différentes en raison de conflits dans leurs intérêts.

Nous défendons donc que la capacité à émettre un consensus est moins limitée par les biais cognitifs que par :

  1. Un désaccord sur les faits : beaucoup de prémisses sur les faits restent implicites car on n’imagine pas les données dont l’autre dispose et qu’on ignore, on ne pense qu’aux données dont on dispose soi-même et que l’autre semble ignorer… à noter, certaines de ces données ne sont pas scientifiques. Vous savez que le feu brûle sans avoir lu de revue peer-review, et il convient d’admettre que certains faits n’ont pas besoin d’être établis scientifiquement pour être solides. Il est important de garder à l’esprit que le vécu expose ou non à certaines choses qui donnent un accès variable à ce type de connaissances empiriques (expérience traumatique, discrimination et ses effets, etc.).
  2. Le fait de croire que les préférences qu’on a – y compris les préférences morales – sont universelles et donc que la conclusion qu’on fait sur un sujet ne peut découler que d’une seule manière de mêmes faits14.
  3. Le fait de ne pas chercher à comprendre en quoi les a priori et préférences implicites de l’autre diffèrent des nôtres.
  4. Le fait de ne pas envisager de conclusions conditionnelles aux préférences (Rappel de la partie 4: c’est une mauvaise idée de s’approcher du soleil si on ne veut pas mourir).
  5. Le fait de ne pas envisager que ce qui nous apparaît comme étant les « meilleures » solutions dépend également des préférences dans la manière de confronter les alternatives (méthodologie).

Avoir une vision partagée et plus complète de la réalité est nécessaire pour identifier les cas de figure où les consensus sur des conclusions, voir des solutions, sont possibles, et les cas de figures où ils ne le sont pas, où il y a conflit irréconciliable dans les intérêts. 

L’exemple est volontairement absurde pour qu’il puisse parler à tout le monde sans s’enraciner dans des préférences différentes. La dernière étape distingue ce qui est mieux « pour soi-même » de ce qui est mieux « pour la société ou le commun».

Ce dernier point est essentiel, dans notre argumentation : aussi frustrant que cela puisse être, il n’existe pas toujours de solution optimale, idéale, qui serait « bonne pour tout le monde », pour tous les problèmes. Parfois, quand une solution représente un coût trop élevé pour une personne, elle peut sembler être « la bonne » pour une autre, mais aucun consensus ne sera possible : il y a conflit dans les intérêts. Dans ce dernier cas, on aura au moins l’avantage de savoir pourquoi le consensus n’est pas possible : non pas en raison d’une rationalité bancale de l’une des parties, mais en raison de préférences ou d’intérêts trop divergents pour être réconciliés.

C’est pourquoi, dès lors que l’on est « pour » ou « contre » quelque chose, que l’on considère que quelque chose est « bon » ou « mauvais », que ce soient les OGMs, le nucléaire, ou toutes les questions politiques qui divisent, on défend une idée qui n’est pas juste rationnelle et objective, mais bel et bien une position politique. Encore une fois, les divergences ne découlent pas que de différences dans la connaissance des faits : quand on défend les OGM dans une société capitaliste où ces technologies brevetées vont davantage concentrer les moyens de production dans les mains de quelques-uns, on défend bel et bien un choix compatible avec certaines préférences plutôt que d’autres, donc bien avec certains intérêts – ceux des personnes ayant des capitaux – plutôt que d’autres, ceux des travailleurs.

Pour ou contre les OGM ? Un exemple un peu plus polémique

C. Tyrannie de la quantité

Or, d’aucuns pourront dire, « oui, mais chacun doit sacrifier un peu de ses intérêts et préférences propres pour le bien commun, et c’est ça être rationnel, c’est opter pour ce qui est le mieux pour le commun ».

Ok. On a vu en partie 5 que le risque, avec ce raisonnement, c’est de léser systématiquement les minorités. C’est ce qu’on a qualifié de « tyrannie de la quantité», où on décide systématiquement d’opter pour les options qui vont en faveur du groupe majoritaire, aux dépends de ceux qui sont minoritaires soit en nombre, soit en représentation (car lorsque l’on est peu ou pas représenté, les préférences qu’on peut avoir n’ont pas voix au chapitre). Et il se trouve que faire partie d’une minorité, ce n’est pas décorrélé d’un problème à un autre15. Ce n’est pas les uns qui font partie d’une minorité une fois mais feront partie de la majorité une autre fois, donc finalement ça s’équilibrerait. Non ! C’est, pour la plupart des problèmes politiques sur lesquels il y a des conflits dans les intérêts toujours les mêmes, qui font partie des minorités16

Une des minorités qui ont le moins voix au chapitre et qui sont le moins défendues politiquement, ce sont les personnes ayant des handicaps, qu’ils soient physiques ou psychiques, les personnes vulnérables. Imaginons une municipalité qui dispose d’une somme X à répartir pour l’aménagement de l’espace. Qui siège au conseil? Combien de personnes handicapées ont les moyens physiques de survivre à leur journée ET de venir défendre leurs intérêts? Très peu17. C’est ce qui fait qu’aussi bien intentionnées que soient les personnes qui prennent les décisions, les intérêts des personnes qui sont minoritaires passent à la trappe18. Doit-on utiliser cet argent pour élargir tous les trottoirs trop étroits ou pour construire un terrain de skate ? Option 2, un terrain de skate ça occupera les gosses, ça bénéficie à plein de monde, et les personnes en fauteuil et les mères avec poussettes, elles font bien sans jusque-là, elles n’ont qu’à continuer, n’est-ce pas ? On verra l’an prochain. Ce phénomène qui consiste à négliger les problématiques spécifiques aux minorités handicapées porte le nom de validisme19.

Illustration récente de validisme eugéniste, en contexte de crise de coronavirus : les personnes même jeunes ayant plusieurs maladies sont considérées comme des morts acceptables, comme des personnes moins prioritaires que les personnes non malades, indépendamment, et c’est rendu clair dans le schéma, de leurs chances de survie. De une le schéma aurait pu parler de tri en fonction du pronostic, sans évoquer les comorbidités. De deux, il y a tout de même une réflexion à mener sur le fait qu’aider prioritairement les personnes qui ont les meilleurs pronostics soit vu comme le seul choix moral envisageable20.

Recommandations données aux soignants pour trier les patients lors de l’épidémie de Covid-19. Source Mediapart.

Légende : Les patients ayant des comorbidités, file prioritaire. Ah non pardon, l’autre file, celle où vous mourrez. Petite colle : une fois qu’on a laissé faire la destruction d’un service public essentiel et qu’on se retrouve à choisir qui on sauve, ce qui est éthique, est-ce de maximiser le nombre de survivants, ou est-ce de minimiser les écarts dans les chances de survie par souci d’équité ? Ou est-ce de tirer les patients qu’on soigne au sort ? Vous avez 4h.

Alors, disclaimer : oui, on sait, ce n’est pas seulement en contexte de crise, que les médecins ont à prendre des décisions compliquées à propos de qui ils sauvent, et qui ils soignent, et oui, on sait, parfois l’acharnement thérapeutique fait plus de mal que de bien. Mais là, on va parler de tri des patients en contexte de manque de lits. Donc, on va bien parler du cas de figure où on aurait choisi de sauver ces personnes en temps normal21, et où on choisit de ne pas le faire au profit d’autres personnes jugées plus prioritaires.

On remarque que finalement, la question qui est posée, en ressources limitées, est du même type que « si nous sommes un groupe humain confiné, et que la quantité de nourriture est limitée et que nous devrons tenir une durée X qui ne permettra pas à tout le monde de survivre pour cette durée, est-il plus éthique de choisir, sur la base de leur probabilité de survie, un nombre Y de personnes qui recevront de la nourriture et pourront vivre, tandis que les autres seront totalement affamés dès le début et mourront, ou est-il plus éthique de donner une chance à chacun, quitte à ce que moins de monde survive à la fin? ». Petit moment de pop-culture, pour illustrer le problème: la série télévisé « the 100 », dans laquelle les derniers humains ayant survécu à une catastrophe nucléaire tentent de survivre et de « sauver l’humanité », a fait de ce type de dilemmes moraux le cœur de ses arcs narratifs, et on y voit différentes stratégies, allant de « clans » technologiquement extrêmement avancé qui vont jusqu’à en mettre en cage des membres d’autres clans pour se procurer des remèdes, au cannibalisme. La constante, c’est de créer le malaise et de faire s’interroger sur la logique qu’il y aurait à préserver des humains… inhumains.

Pourtant, la chaîne Monsieur Phi a fait une vidéo dédiée à la question du tri des patients face au covid-19, qu’il conclut par la phrase suivante :

Exiger une sorte d’impartialité aveugle dans l’accès aux soins, ou un tirage au sort, conduirait à une surmortalité qu’il semblerait difficile de justifier moralement.

Monsieur Phi, Vidéo « Éthique médicale au temps du COVID-19 »

Dans les commentaires, de nombreuses personnes identifient les limites du raisonnement : et si certains sont plus responsables du fait qu’on en soit rendus à cette situation où les ressources sont limitées22? Et si une personne est fragile mais que c’est un parent, et que la survie de 3 autres petites personnes dépend d’elle par ailleurs? Où arrêter les calculs, en fait? Nous aimerions vous inviter, a minima, à vous poser la question : est-ce un hasard, si les critères qui semblent évident à Monsieur Phi, et ceux qui ont été retenus dans le graphique ci-avant, s’alignent aussi magiquement avec les intérêts d’une société où les plus fragiles sont vus comme une charge, et où les valides sont vus comme les utiles nécessaire au PIB? Arrêterions-nous les calculs aux mêmes critères, dans une société où l’équité, le lien social, la confiance, la protection des faibles et minorités, seraient des valeurs plus importantes que la productivité ou la démocratie majoritaire?

A quel moment a-t-on commencé à considérer que ce type de décision n’avait pas à être débattu et n’avait qu’une seule réponse possible? A quel moment s’est-on autorisé à choisir entre des alternatives dont aucune n’est éthique, à utiliser des ressources pour faire des graphiques de comment faire des choix dont aucun ne sera éthique, au lieu d’utiliser ces ressources pour régler le problème à la racine : le nombre de lits de réa.

La réponse est : au moment où on commence à croire que les « bons choix » ne sont qu’un problème de rationalité et de bonnes intentions23. Car même avec un cadre défini (comme l’utilitarisme), il n’y a pas un seul rationnel possible, et ceux à qui on va donner la main vont toujours trouver un rationnel qui est compatible avec leurs propres intérêts, le faire passer pour trivial, allant de soi2425. Ceux qui n’ont pas la main seront toujours lésés. Entendons nous bien, ce n’est pas par calcul égoïste ou par méchanceté. C’est juste la manière dont le cerveau fonctionne : la rationalité est toujours liée à des préférences, et on trouvera toujours déraisonnable les options qui vont profondément à l’encontre de nos intérêts propres (une personne riche n’aboutira jamais à une solution dans laquelle tout le capital accumulé est redistribué équitablement, et encore moins à l’échelle mondiale, par exemple; proposez la même solution à quelqu’un qui est économiquement en bas de la pyramide, et elle a de fortes chances26 de voir cette solution comme triviale et juste). Cela vaut pour le commun des mortels (c’est-à-dire, nous, et très probablement vous) comme pour ceux qui « ont la main » et sont sensés pendre des décisions pour « le bien commun ».

D. L’idée que les gens pensent mal et la technocratie

L’enjeu est en fait démocratique. La chaîne Science4all, très suivie dans les milieux rationalistes, a fait une série entière de vidéos sur la démocratie, ses failles, et la manière dont les émotions des gens les conduiraient à faire preuve de « hooliganisme politique » (expression d’origine libertarienne, ce qui devrait d’ailleurs suffire à la bannir de notre vocabulaire par principe; si ça ne vous suffit pas, prenez trois secondes – ça devrait être suffisant – pour prendre la mesure du mépris de classe dans la convocation de la figure-repoussoir du « hooligan »). Science4all pense qu’on est en réalité tous d’accord, tous dans le même camp, et que se rattacher à un camp qui défend ses intérêts ne fait que nuire aux débats (voir par exemple cet extrait27). La conclusion de la série Démocratie de Science4all, c’est que peut-être qu’on devrait laisser plus de prises de décision aux « sachants ». Et qu’il faut notamment laisser les questions complexes aux experts. Cette série finit en apothéose sur une apologie pure et simple de la technocratie, même si elle s’en défend et qu’elle semble laisser la question ouverte. Science4all est par ailleurs, et il n’est pas le seul parmi les figures très suivies du milieu rationaliste, un adepte de la démarche d’ « Altruisme efficace ». Une démarche dans laquelle, en gros, des CSP+ se regroupent pour réfléchir à la manière dont optimiser les bénéfices de chaque euro investi en charité28.

Légende : une réunion sur l’altruisme efficace partagée par Science4all. Organisée en Suisse, par l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne). Autant pour les premiers concernés (entre autres les enfants mourant de malnutrition dans la corne de l’Afrique ou les jeunes filles non scolarisées en Inde, sans doute), en termes d’accessibilité on fait mieux. A noter, Science4all fait largement la promotion de l’altruisme efficace par ailleurs, son intérêt pour la chose est de notoriété publique.

Ces deux intérêts (pour la technocratie et l’altruisme efficace) ne sont pas indépendants.

Commençons par sa défense de la technocratie. En réalité, Science4all la requalifie, précisons-le tout de même, en épistocratie. Pour lui, il ne s’agit pas réellement de laisser les experts (dans le sens ceux qui ont les diplômes universitaires) décider de tout, mais de limiter la décision à ceux qui obtiendraient une sorte de permis qui attesterait de leur niveau d’information, de leur capacité à bien penser. Il admet, grand seigneur qu’il est, que sa proposition ne prétend pas à la perfection, juste à être mieux que l’état actuel. Cependant, nous défendons que l’épistocratie n’est qu’un pauvre rebranding de la technocratie29. En l’occurrence il ne s’agit pas d’un système certes imparfait mais mieux que l’actuel, mais de la stricte continuation du système actuel : 

    1- les critères de ce qui est rationnel et de qui est compétent restent définis par ceux qui ont la main (qui ignorent ce qu’ils ignorent, donc leurs angles morts) ;

    2- les minorités ont toujours les mêmes difficultés à faire entendre leur voix si elles ne collent pas aux critères de légitimité définis par ceux qui ont la main, ou si ceux qui ont la main ne font pas d’abord tout pour maximiser l’accès des minorités à leur club (un meeting en Suisse pour régler la pauvreté, sérieux…) ;

    3- on suppose a priori que la résolution de problèmes est la marche à suivre (qui aboutit à un enchainement de solutions et de nouveaux problèmes : on passe son temps à colmater plutôt qu’à traiter les problèmes à la racine), celle-ci ayant par ailleurs l’insigne avantage de ne pas nécessiter de s’encombrer de consulter les gens qu’on compte aider, même contre eux puisqu’ils pensent mal ;

    4- dans cette approche, à aucun moment, on ne prend du recul sur les contraintes structurelles du système. C’est plus exactement le rêve qu’on puisse atteindre l’efficacité optimale dans le système actuel (relire la partie 2 pour l’illustration pratique du problème qui consiste à réduire son analyse à la confrontation d’options déjà définies, dans un cadre fermé).

C’est un règne de la compétence, qui par essence est aristocratique, et par conséquent anti-démocratique30.

Comme la technocratie, dont il n’est jamais que la sous-catégorie caritative, l’altruisme efficace31 découle directement de l’idée qu’il suffirait de se baser sur des données quantitatives abondantes pour prendre les bonnes décisions, qui qu’on soit, du moment qu’on est bien intentionné et rigoureux, qu’on est « compétent » (avec les critères définis par ceux qui ont la main) et qu’on a « les bonnes données » (les bonnes données étant aussi définies par ceux qui ont la main). Et ce, en regardant le « retour sur investissement » de chaque euro donné par charité. Autant pour les différences de préférences qui ne sont pas mesurables ni communicables (comme on l’a vu partie 5). Autant pour le fait que cette stratégie n’a aucun recul sur la manière dont les inégalités structurelles impactent énormément les données (chercheurs majoritairement CSP+ valides qui définissent les variables d’intérêt, les échelles, la stratégie à adopter pour comparer les options, à savoir une stratégie utilitariste, qui pourtant, comme on l’a vu, nuit toujours à ceux qui sont au départ minorisés). Autant pour le fait que la valeur d’un euro, ce qu’il permet d’acheter… est fixé par l’économie de marché. 

Sans surprise, de toutes les options confrontées, aucune n’envisage de solution qui soit radicale. Et si la seule chose réellement éthique, c’était de refonder le système pour qu’il soit réellement solidaire, de manière à ce qu’on produise les biens et services en étant limité par la force de travail et non par sa conséquence capitaliste, la Valeur, de manière à ce que les minorités bénéficient des mêmes chances que les autres de vivre, apprendre, être représentées, ou survivre quoi qu’il en coute ? C’est évidemment ce que nous, nous pensons32. Nous ne nous attendons pas à convaincre soudainement les plus à droite d’entre vous, mais que vous commenciez à ne serait-ce que l’ajouter à la liste brute des possibilités envisagées en général serait déjà une petite victoire.

E. Les gens sont les experts de leurs vies

Qui décide quels sont les problèmes à traiter ? Qui décide qui est le bon expert, pour le problème X ou Y ? Ou le bon panel d’experts ? Qui décide de la méthodologie que doit adopter le panel, des critères pertinents à étudier ? 

Même si on se limitait aux experts, les réponses à un problème sont rarement mono-disciplinaires. Comment décider a priori quels experts de quel domaine seront qualifiés pour un problème donné ? Si on prend l’exemple des OGMs : l’AFIS et quelques autres défendent l’idée que parmi les experts en OGMs, il y a un consensus sur leur innocuité, et que certains OGMs (comme le riz doré) permettraient de résoudre des problèmes alimentaires graves, donc « c’est bien ». Un consensus, ah bon ? Sur l’innocuité (en général du moins, et pour l’humain), certes. Mais il y a d’autres questions que l’AFIS n’évoque jamais : si on prend les biologistes de l’évolution, ils ne sont pas du tout d’accord. En tant qu’expert de la manière dont la perte de diversité génétique peut impacter, plus précisément limiter, l’adaptabilité (y compris en termes de sélection artificielle) à long terme, ils pensent que les OGMs sont une très mauvaise idée. Indépendamment de sa pertinence, aviez-vous déjà entendu cet argument ? Probablement non, car le débat public est cadré, pour des raisons structurelles, par ceux qui ont le plus les moyens de se faire entendre33.

Et même si on était en mesure de faire la meilleure interdisciplinarité possible (mettre les bonnes expertises sur la table, éviter les biais de cadrage du débat), comment ne pas considérer les gens a priori experts de rien comme étant au moins les plus experts concernant leurs vies spécifiques et individuelles ? Comme magnifiquement exposé dans cet article du blog Le troisième Baobab, la perception d’un risque et les solutions qui semblent pertinentes face à ce risque diffèrent selon les perspectives, et ce pour la bonne raison qu’aucune donnée quantitative n’est en mesure de capturer l’ensemble des connaissances empiriques des gens. Ainsi, il est plus que simpliste, de mettre le rejet des industries qu’on trouve dans les classes populaires sur le dos d’une incapacité à comprendre La SCiEnCe34.

En particulier, les catégories opprimées sont les seules capables de véritablement discerner certain risques ou problèmes sociaux (y compris ceux liés à certaines des solutions qui seraient envisagées). C’est aussi parmi ces groupes que l’on trouve la plus forte créativité, l’apparition de solutions originales quant à certains problèmes. C’est le résultat mécanique du fait que par altérité comme par nécessité, les opprimé-e-s vont produire des approches alternatives, contourner certains soucis, emprunter des raccourcis, etc. Ainsi, au-delà même de l’injustice que représente une pyramide du pouvoir figée, dans laquelle les privilégié-e-s restent encore et toujours détenteur-rice-s du pouvoir décisionnel, on peut arguer qu’une telle forme de gouvernement fossilisée n’est même pas d’une grande efficacité fonctionnelle : pour s’adapter à l’évolution du monde, la société a besoin d’un maximum de créativité et de flexibilité35 !

A minima, il faut donc aller au-delà de l’interdisciplinarité, vers la transdisciplinarité. La transdisciplinarité ne va pas jusqu’à remettre en cause le système capitaliste en entier, mais au moins (quand elle est bien faite) elle tente d’intégrer les populations dans 1- la définition des problèmes, la hiérarchisation des priorités, 2- la réflexion sur l’élaboration des protocoles d’acquisitions des données, 3- l’interprétation des données, et 4- l’identification et le choix des solutions aux problèmes. Nous ferons un article prochainement sur l’importance de la transdisciplinarité pour faire des sciences de meilleure qualité et plus éthiques, en particulier dans le cadre des processus d’action, mais en attendant vous pouvez suivre ce MOOC sur la transdisciplinarité dont la première édition vient de commencer (fin mars 2020) à l’heure où nous terminons cet article.

Mais nous écrivons bien a minima, car non seulement la transdisciplinarité, comme on l’a dit, ne permet pas non plus de proposer des solutions hors du système, mais en plus, elle ne résout pas la question des conflits dus à des intérêts divergents. Dans un système capitaliste qui utilise la mise en compétition des projets de recherche, qui décide, in fine, des questions qui seront traitées et des solutions qui seront explorées par les projets ? Non seulement les chercheurs gardent la main sur les décisions finales dans l’implémentation, or il y a un biais de sélection des chercheurs : les plus vulnérables – pauvres, invalides, femmes, etc. – sont ceux qui ont le plus besoin de solutions mais sont aussi ceux qui ont le moins de chances d’arriver à des positions qui leur permettront de les chercher. Mais en plus de cela, qui décide, parmi les multiples propositions des chercheurs, quels projets seront implémentés ou non ? Les financeurs. Là encore, une certaine classe sociale. Pour donner un exemple un peu concret: nous produisons des contenus qui promeuvent une certaine démarche critique. Cette démarche critique s’oppose à une autre démarche36 qui, comme on l’a vu, focaliserait ses efforts sur les biais cognitifs. Notre démarche critique assume sa politisation, étant entendu que c’est une des conditions nécessaires à notre transparence, donc en accord avec la démarche critique elle-même, et même une condition nécessaire à sa qualité. L’un de nous a dans son job la mission de monter des formations critiques. Mais voilà le dilemme : chercher de l’argent pour faire des cours critiques qui sont focalisées sur les biais cognitifs, c’est facile. Une petite soumission de projet à la Dawkins Foundation for Reason and Science et avec le CV et le soutien institutionnel, on est sûrs d’avoir l’argent. Mais un projet qui assume une démarche politisée (et assez incompatible avec la vision dawkinsienne de l’esprit critique, il faut bien le dire…). C’est mort. 

Le dernier point que nous souhaitons aborder, avant de conclure, c’est la question de la confiance. Lorsque les gens sont impliqués à toutes les étapes de prise de décision, qu’ils ont entendu les contraintes et vécus des autres, ils savent pourquoi ils renoncent « un peu » à leur préférence. La transparence, c’est la seule manière d’inspirer la confiance nécessaire à l’adhésion, aux solutions proposées (à ce propos, voir la vidéo d’Usul – Quel est le meilleur système politique face au Coronavirus37. Là encore tout le monde n’est pas d’accord, Astronogeek, lui, étant « anarchiste », défend quant à lui, depuis des années, un « despotisme éclairé », sans toutefois cacher son admiration critique face au PC chinois pour sa capacité à foutre des taquets aux récalcitrants pour les faire « rentrer dans le rang »).

F. Conclusion

En fait, quand on y pense. Du point de vue des gens qui pensent que « les gens pensent mal » on ne devrait pas leur faire confiance pour prendre les décisions collectives, il faudrait que d’autres gens décident pour eux38. Mais une autre conclusion à laquelle les implicites39 de ces gens devrait conduire, c’est que si les gens pensaient bien, tout le monde serait d’accord, et il n’y aurait plus besoin de passer par des processus lourds et démocratiques, des intelligences artificielles ou des experts bien formés pourraient prendre les décisions pour tous. Au final, avec leur manière de penser les débats…. que les gens pensent bien ou mal, il n’y aurait pas besoin de démocratie. Parce qu’ils ont, à leurs yeux, tout simplement raison, et que tout le monde devrait être d’accord avec eux.

Dans ce qui est considéré comme le texte fondateur de la démocratie athénienne, Solon disait avoir placé un bouclier dans les mains des deux classes en présence chez les citoyens, les riches et les pauvres, pour se défendre des coups adverses. Au-delà de la critique du concept de démocratie comme équilibre des forces entre deux camps structurellement déséquilibrés, l’usage d’une métaphore martiale n’est ni un hasard, ni sans impact sur la manière dont la pratique démocratique va se structurer; c’est un fait que la démocratie a été une forme assumée d’Agôn (de conflit), une guerre civile désarmée. La démocratie vise à gérer les conflits entre des intérêts divergents, on comprend donc qu’elle est nécessaire indépendamment de la capacité des gens à bien ou mal penser. Qu’on suppose que les citoyens pensaient bien ou mal, comme le constate Moses Finley, le régime politique athénien à été, si on le compare à sa grande concurrente, la cité lacédémonienne (Sparte), d’une stabilité qui peut sembler surprenante: là où Lacédémone s’est dégradée dans une crise agraire perpétuelle qu’elle n’a pu que compenser provisoirement par des réformes agraires sans fin (crise mortelle dans une cité de citoyens-soldats où la condition pour appartenir à la caste citoyenne est justement la qualité de propriétaire terrien), jusqu’à n’être qu’un spectre de sa gloire passée au moment de la montée en puissance de la Macédoine, Athènes, pour avoir connu des crises politiques (dont la plus connue est la Dictature des Trente), a pu préserver sans trop de heurts ses institutions démocratiques jusque, et même au-delà de la conquête macédonienne40.

Parce que la démocratie, elle ne sert pas (ou pas exclusivement) à prendre les meilleures décisions pour le bien commun. Elle sert à ne négliger personne. Peut-être que parfois, il faut savoir prendre des décisions un peu moins bonnes pour le (au demeurant fort fantomatique) bien commun… mais un peu plus équitables. 

THE GREATER GOOD !

Conclusion de la conclusion

C’est fini. Quel pavé.

Donc, pour conclure (pour de vrai cette fois, promis): au moins si vous êtes vraiment de gauche (si vous avez les conditions contextuelles favorables à la fois aux positions de gauche et à l’adhésion aux idées défendues ci avant), normalement, à ce stade, vous êtes d’accord avec nous: penser que les gens pensent comme ils pensent uniquement parce qu’ils pensent mal… c’est le mal du siècle.


Note : cet article fleuve était long et dense. Nous même avons mis de long mois à formaliser nos idées, les avons mûries chacun depuis des années. Il est à peu près sûr qu’il est impossible de tout saisir par une seule lecture. N’hésitez pas à relire plusieurs fois, sinon les 6 parties, au moins les parties 1, 4, 5 et 6, qui sont les parties qui rassemblent les éléments théoriques. 

Remerciements: nous remercions chaudement Oasis, John, Ricardo, Nyktophylax, Arnauld, Freija, Romain, pour cette partie, et toutes celles et ceux qui ont contribué, à un degré ou à un autre, à la maturation des idées contenues dans ce texte. Nos idées ne nous appartiennent jamais, toutes sont le produit d’une innombrable suite de conversations et de lectures (qui sont un peu des conversations avec un absent), et, faut-il le rappeler, non seulement il est faux de dire platement que les gens pensent mal, mais il n’est pas plus juste de dire qu’on pense par soi-même.

× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 1/6 : Critique du concept de biais cognitif
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 2/6 : Premier cas pratique, les « biais cognitifs » des médecins et les soins aux patients
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 3/6 : Second cas pratique, le fanatisme religieux et les biais cognitifs
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 4/6 : La réduction aux biais cognitifs ; une approche politiquement située à droite
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 5/6 : Les émotions et la rationalité
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 6/6 : Synthèse – Contre la technocratie


Notes :

  1. Nous utilisons ici une variante de la justification habituelle du recours au prisme du biais cognitif pour critiquer le discours des autres; variante bien pratique puisqu’elle performe la modestie, en assurant le public qu’on est le premier à s’appliquer cette chasse aux biais, mais qui ne résout rien de notre problème avec cette logique. Le biais est toujours montré comme une qualité intrinsèque aux individus, voire carrément à leurs cerveaux, et pas pour ce qu’il est: une qualité contextuelle.
  2. Et, la répétition étant une méthode ayant fait ses preuves en pédagogie: cette mauvaise interprétation n’est pas même due à une erreur de raisonnement.
  3. Comme on dit chez les marxistes, l’arme de la critique ne peut se passer de la critique des armes.
  4. Comme nous l’avions déjà dit en partie 3 en vous renvoyant vers le Blog de Joao.
  5. Le meilleur sculpteur ne fera jamais de belle statue de marbre… sans marbre. La technique, quel que soit le domaine considéré, ne trouve matière à s’exprimer que si elle trouve à s’exprimer sur la matière.
  6. Les personnes minorisées ont des connaissances et expertises qui se fondent sur l’expérience, mais de plus, elles ont, par nécessité, une capacité à envisager les choses à la fois dans la perspective du dominant, qui est aussi la perspective dominante, et dans celle du dominé (bifurcated consciousness). Cela leur donne accès à une connaissance empirique du concept de point de vue situé. Les groupes minorisés ont donc un avantage épistémique sur cette question.
  7. Si votre mémoire est bonne vous devriez du reste vous souvenir de ce que nous avons dit concernant la pauvreté conceptuelle inhérente à la séparation des émotions et de l’intellect dans la cinquième partie de l’article.
  8. Et même bien plus ridicule. Tout le monde fait du moins l’expérience pratique quotidienne d’une platitude de la Terre. En revanche, et on va l’illustrer tout de suite, l’expérience de la soi-disant préférence homme/femme du bleu et du rose est… qu’elle n’existe pas. Si la pression familiale la maintient dans une certaine mesure chez les enfants, les adultes parviennent sans aucune difficulté ni même démarche consciente à s’en défaire. Et pour les petits malin du dernier rang qui se croiraient intelligents de signaler que si elle existe chez les enfants elle existe bien quelque part, nous tenons à leur rappeler à notre tour que ce n’étaient pas les petits enfants mâles qu’on envoyait chasser le mammouth (et que d’ailleurs la chasse au mammouth a, selon les données archéologiques disponibles, a toujours été extrêmement marginale, mais passons), ils ne risquaient pas d’avoir besoin de distinguer la silouette de leur proie sur fond bleu ciel.
  9. Nous passons sur le fait que lesdites positions sont systématiquement interprétées à l’aune de ce que le locuteur connait déjà, ce qui ne serait pas tragique si la méconnaissance des théories critiquées n’était souvent pas si criante. Ainsi la critique marxiste classique du capitalisme ne prétend nullement que tout ce que le capitalisme a produit serait nocif; on pourrait même ajouter : au contraire. Dans une large mesure c’est une théorie qui rend justice au capitalisme pour ce qu’il interprète comme son rôle historique. Par exemple, le fait que si le capitalisme a d’un côté privatisé le produit du travail, il a socialisé le travail lui-même, ce qui rend possible le but, le communisme.
  10. Le caractère « de gauche » est souvent uniquement garanti par une adhésion formelle voire purement déclarative, mais n’est sous-tendu que faiblement par des positions réelles, chez ces personnes.
  11. Répétons-le, nous savons qu’il est possible de penser mal ; c’est, par exemple, le cas de toutes les personnes qui pensent que, globalement, « les gens pensent mal ». Mais ce n’est pas une attitude à cultiver a priori, et c’est bien là que le bât blesse. Nous pensons que les gens qui pensent que « les gens pensent mal » pensent mal, mais nous le pensons suite à une analyse, pas juste parce que nous avons quelques vagues a-prioris aristocratisants sur la bêtise des masses.
  12. Oui, vous avez raison, c’est bien une boucle récursive, du coup.
  13. Le libéral-scepticisme lui aussi, évidemment, prétend défendre la possibilité d’une vision partagée, c’est indéniable. Dans leur interprétation, cette vision partagée est d’ailleurs menacée, assiégée de toute part par les forces de l’Antiscience, parce que nous avons tourné le dos aux Lumières, qui comme chacun sait était un grand moment consensuel entre les savants et intellectuels; parce que le relativisme postmoderne et le cultural-marxism, sans doute du reste une seule et même chose, s’attaquent à la seule chose qui permet cette vision partagée: qu’elle soit bénévolement descendu des ciels immaculés de la Science Véritable par les « scientifiques », c’est-à-dire eux-mêmes, curetons zélés de la Science© perçue comme Vérité Révélée. Bon. N’ayant jamais été fan des clergés, c’est une version d’une vision partagée qui nous laisse quelque peu sceptiques.
  14. Comme nous l’avons répété déjà, mais ici la répétition n’est pas du tout inutile, ce serait une erreur de lecture que d’en déduire que nous jugeons que tout se vaut, notamment donc, concernant les préférences morales. Qu’on puisse parvenir rationnellement à des conclusions différentes ne signifie pas que toutes ces conclusions ont la même valeur, que ce soit pour l’éthique comme pour la physique des particules. Nous sommes des partisans d’une lecture rigoureuse du « tout est bon » de Feyerabend, qui est une défense de l’idée qu’on ne peut pas bien juger de la pertinence d’une démarche a priori mais qu’il n’a jamais prétendu étendre à l’a posteriori, au contraire. Garder une ouverture a priori est précisément ce qui nous donne le recul, par l’expérience, pour trancher a posteriori. Et ajoutons que ce recul, si vous nous avez compris jusque là vous le savez déjà, ne garantit pas qu’on puisse a postériori réconcilier les antagonismes et trancher ne signifie pas, ou pas toujours en tout cas, trouver une solution consensuel, mais parfois, cimenter ses préférences. Les antagonismes de classe, par exemple, sont de cet ordre. La seule manière de les trancher, c’est de trancher dans le vif et de parvenir à une société sans classes; ce qu’en outre la bourgeoisie n’a ni les moyens ni intérêt à faire.
  15. Reprécisons immédiatement ce que nous entendons quand nous parlons de « minorisés en représentation »: de minorités sociales, pas numériques. Une minorité sociale, grossièrement, est un groupe social mis en minorité, mais comme le montre le cas des femmes, il peut même être numériquement majoritaire.
  16. En revanche, il est à peu près certain qu’à ce compte-là, une très large partie de la population sera finalement lésée, parce que les personnes faisant partie d’au moins une minorité sociale sont de fait, largement majoritaires, qu’on considère l’échelle mondiale ou même l’échelle nationale.
  17. Et qui probablement jouissent d’autres privilèges. Il est évident qu’une personne de la grande bourgeoisie qui souffre d’un handicap qui l’oblige à se déplacer en fauteuil pourra toujours demander à son chauffeur de l’aider à gravir des marches sans trop de soucis ; et ça lui dégagera ce temps, et cette énergie, pour lui permettre de venir défendre ses intérêts de personne handicapée. Mais son cas n’est absolument pas le cas général, dans lequel ce handicap est corrélé à une paupérisation, et où des inconvénients mineurs pour notre grand bourgeois en fauteuil deviennent des problèmes insurmontables. Chaque oppression est un multiplicateur pour toutes les autres – un ensemble d’oppressions réunies contre une seule personne crée même des oppressions spécifiques – et ne vient pas simplement s’additionner aux précédentes, et beaucoup d’oppressions sont corrélées à d’autres : les classes sociales sont structurées par la racisation, par exemple, en France et plus encore aux États-Unis. Les troubles psychiques invalidants le sont à la pauvreté, surtout extrême; et ainsi de suite.
  18. *Placeholder* citation de L’Invention de la Politique de Moses Finley
  19. Pour mesurer à quel point le validisme impacte la vie des personnes concernées dans toutes les dimensions de leur quotidien, mais également en période de crise, nous recommandons vivement cet article (en français) ou cette vidéo (en anglais).
  20. Dans une vidéo récente, le youtubeur Bolchegeek faisait remarquer à très juste titre que si on commence à soigner en priorité les personnes ayant les meilleurs pronostics, on privilégie mécaniquement les bourgeois au dépends des prolétaires, qui ont plus souvent une bien moindre santé globale due à leurs conditions de vie.
  21. Si tant est qu’on puisse parler de « temps normal » sous un mode de production capitaliste: en particulier, dans un capitalisme orienté par une théorie économique néolibérale, le « temps normal » est un temps de crise.
  22. De fait, les personnes plus vulnérables votent plus rarement pour des gouvernements de droite.
  23. Si on veut se choisir une date symbolique (les actes de naissance d’un concept historiques étant toujours plus ou moins conventionnels et semi-arbitraires), pour la France, on pourrait choisir l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard-d’Estaing, grand promoteur d’une « modernisation » technocratique de la société, qui fut le premier à remplacer la manière traditionnelle d’exprimer un dilemme politique, la « question », par un terme qu’il emprunte au monde des sciences dures et plus particulièrement mathématiques, le « problème ». Notez que pour subtil, ce déplacement de vocabulaire a de nombreuses implications; une question supporte plusieurs réponses, même pour les mêmes buts; un problème, lui, appelle une, la solution.
  24. C’est ainsi que l’hégémonie d’une classe dominante s’assoit, quand son idéologie n’est plus présentée pour ce qu’elle est, une idéologie, mais se confond, fictivement, avec l’ordre même du monde. Quand on peut écrire des papiers sérieux, expliquant sérieusement, et repris sérieusement pendant des générations, que la tragédie des Commons est que les paysans qui la peuplaient allaient nécessairement les sur-exploiter en fonction de leurs propres intérêts, jusqu’à la rendre inexploitable; et que heureusement le Mouvement des Enclosures venait résoudre ceci en attachant la terre à une personne, son propriétaire, qui a donc un intérêt à la préserver (l’injustement célèbre article Tragedy of the Commons du néomalthusion Garreth Hardin, en 1968). Théorie belle et bonne, qui ne souffre que de deux menus problèmes: en premier lieu, il faut que les paysans féodaux aient eu une mentalité de petits capitalistes modernes pour que la théorie tienne; en second lieu, et c’est, disons, un peu gênant, la véritable tragédie des Commons est connue, et elle n’a rien à voir avec une surexploitation égoïste par des petits capitalistes féodaux: la tragédie des Commons a été l’expulsion des pauvres qui travaillaient collectivement ces terres; la tragédie en deux mots, c’est le mouvement des enclosures que le mythe libéral présente comme la cure. Quoiqu’il en soit, il se trouve toujours des clercs zélés pour garantir que cet ordre dominant soit décrit comme l’état quasi-naturel des sociétés humaines, et pour voir dans les étals babyloniens les prémisses du Marché capitaliste comme le premier Geoffrey Hodgson venu…
  25. Par souci de longueur, nous n’abordons pas la manière dont des instructions données par ce qui fait figure d’autorité ont par ailleurs beaucoup moins de chances d’être remises en questions, cf. la fameuse expérience de Milgram, pour une piste certes pas exclusive.
  26. Attention, l’idéologie dominante, comme nous l’avons dit plus haut, est en général présentée publiquement comme un pur pragmatisme, comme l’ordre-même du monde, et ça n’est pas sans conséquences sur les représentations sociales qu’on se fait en bas de la pyramide, nous disons donc de fortes chances parce que dans ce cas ce n’est nullement automatique; il y a des raisons pour quelqu’un qui se trouve en bas de la pyramide à défendre la vision des dominants, entre autres (et pas exclusivement) parce que ça lui permet de lever au moins symboliquement un peu du stigmate attaché à la pauvreté. Et il est de fait plus supportable d’être perçu comme un pauvre méritant par les dominants que comme une de ces feignasses qui passent leur temps à tout mettre sur le dos de la société. Cette vidéo d’un de nos camarades aborde, entre autres, cette intéressante question.
  27. A noter, nous sommes par contre d’accord avec lui sur le fait que se focaliser sur les mauvais arguments plutôt que la cohérence de l’argumentaire nuit aux débats, cf. Partie 1
  28. Tant il est vrai qu’il est difficile, de nos jours, de se fournir en bonne conscience de qualité.
  29. C’est souvent comme ça quand on s’identifie à quelque chose de mal vu, c’est comme ça que la chrématistique (l’art décrié du profit) s’est rebrandée en économie (l’art encensé de la saine gestion de l’oïkos, de la maisonnée, dont la chrématistique était classiquement le contre-modèle). Ou la rationalité instrumentale s’est rebrandée en rationalité critique, qui est son opposé.
  30. Tout le monde sur ce sujet devrait avoir lu (et médité) le superbe diptyque de Moses Finley, Démocratie antique et démocratie moderne et L’invention du politique. Tous deux sont du reste disponibles en poche.
    Ça fait maintenant plusieurs fois qu’on vous en parle, à ce stade vous avez très certainement pris la mesure de l’admiration que nous avons pour l’œuvre de Finley.
  31. Dont la clientèle naturelle est la Fondation, organisation caritative du type de celle de Bill Gates, lui-même fan d’une démarche qui le lui rend bien. Et si vous pensez que Bill Gates a une influence positive sur le monde, avec tout cet argent déversé sur la tête des nécessiteux, think again.
  32. Évidemment, en attendant de pouvoir le faire, il faut bien vivre, et il n’est évidemment pas illégitime de lutter pour des solutions locales à des problèmes locaux, même si elles ne résolvent pas le problème global; il faut juste ne pas imaginer que la solution globale est juste la somme de plein de petites solutions locales; ne pas perdre de vue le but global et se laisser déborder par le flot incessant de l’urgence locale. Il est rare que nous tombions d’accord avec Lénine, alors profitons-en: sur cette question précise, il a raison d’affirmer qu’en définitive, ce qui distingue le révolutionnaire du réformiste n’est pas que le révolutionnaire devrait s’abstenir de tactiques réformistes, mais que le réformiste lui, se refuse à adopter une stratégie révolutionnaire.
  33. Il n’est pas rare que cette question soit, plus ou moins volontairement, mal comprise dans le milieu sceptique. Ainsi, dans une discussion, il nous est arrivé de nous voir répliquer, à une remarque sur la presque absence de biodiversité des espèces OGM, par un article démontrant avec sérieux et rigueur que la biodiversité n’était pas menacée par les OGM, puisqu’on trouvait des coquelicots, par exemple, dans des champs OGM. Sérieux et rigueur, certes, mais totalement hors sujet, le problème étant la biodiversité de la variété cultivée elle-même. Nous disons « plus ou moins volontairement » parce que cet argument du Coquelicot parfois repris en toute bonne foi par des militants sceptiques est, de fait, à l’origine un talking point de l’industrie. Et non, on n’est pas en train de vous parler de complot, mais de marketing. Figurez-vous que le marketing existe. Oui on sait, nous aussi ça nous a surpris au début.
  34. D’une manière générale c’est un fait que le rejet des nouvelles technologies a des chances d’être plus important en bas de l’échelle qu’en haut, ce que des charlatans comme Laurent Alexandre par exemple (mais des rationalistes plus raisonnables ne sont pas immunisés à ce genre de billevesées) ne manquent pas de présenter comme la preuve, ou du moins l’indice, d’une stratification sociale par l’intelligence, puisque la résistance auxdites nouvelles technologies ne peut être, bien sûr, qu’une preuve d’une résistance au Progrès, par incapacité cognitive à s’y adapter. C’est passer rapidement sur le fait que lesdites résistances ne sont pas uniformément réparties en bas de l’échelle (toutes ne sont pas rejetées, loin s’en faut, ce qu’il faudrait rappeler à la part non négligeable de ces rationalistes qui par ailleurs rentrent aussi dans la très large catégorie des CSP+ qui se plaignent de tous ces pauvres équipés de téléphones portables dernier cri sans mesurer l’ironie de leur situation), et que celles qui sont effectivement rejetées sont effectivement, très souvent, des moteurs d’inégalités sociales – ou en tout cas, on peut anticiper qu’elles le seront avec leur mise en place; ou, dit d’une autre manière, elles charrient une perte d’autonomie réelle. C’est aussi le problème des prophéties optimistes sur le Progrès Humain qu’il faudrait être ingrat pour en refuser la réalité véritablement vraie ; Steven Pinker, après s’être fait prendre à manipuler honteusement l’indice Gini pour lui faire dire (ce qui est l’inverse de la réalité constatée) que les inégalités baissaient, a fini par transformer subtilement son discours sans changer de conclusion : peu importe que les inégalités augmentent si tout le monde s’enrichit. Au-delà des problèmes posés pour fonder cet « enrichissement », c’est ne pas prendre en compte que l’inégalité économique se paie en différences de pouvoir, et dans un monde capitaliste plus encore que dans un autre.
  35. Pour aller plus loin sur les savoirs des opprimés, lire Paulo Freire.
  36. Démarche certes rationnelle, mais pas critique au sens où, lecteurs des théoriciens de l’Ecole de Francfort, nous l’entendons. Précisément, elle est dans cette acception du mot, son opposé, la rationalité instrumentale.
  37. Dans un premier temps, nous avions également mis un lien vers une vidéo de Homo fabulus, mais nous avons finalement décidé de la retirer. Plus précisément, nous avions écrit : « A la limite, mais à titre exceptionnel et dérogatoire, on ne vous déconseille pas non plus la vidéo Stocker du PQ, un acte irrationnel ? D’Homo fabulus, qui une fois n’est pas coutume a remporté notre adhésion malgré son caractère individualisant » (par individualisant, nous voulions dire que sa sociologie, sa conception de ce qui fonde la rationalité en particulier, semble assez boudonnienne). Cependant, ce youtubeur ayant fait preuve d’un double standard détonnant en déconseillant à la chaîne C’est une autre histoire et – nous l’avons appris à cette occasion – plusieurs autres youtubeuSES de parler de la thèse de Priscille Touraille ou des travaux de Vidal en raison de leurs caractères « non consensuels », tout en ne se privant pas de ne produire lui même que des contenus « non consensuels » (et en présentant comme établis des travaux dont les niveaux de preuve sont strictement équivalents, en fait), nous décidons de remplacer la précédente référence par cette note, pour marquer notre antipathie face à ce genre de procédés qu’il a pu pousser à la limite du harcèlement dans les cas où, contrairement à Manon Brill de C’est une autre histoire (à laquelle, nous insistons ici avec force, nous ne reprochons rien), les youtubeuses ciblées rechignaient à suivre ses précieux conseils de censeur.
  38. Bis repetita, voir la vidéo d’Usul – Quel est le meilleur système politique face au Coronavirus et en particulier l’extrait d’Astronogeek, le Nouvel Héliogabale, ou l’anarchisme du despotisme éclairé.
  39. Notamment que les rageux dans notre genre débattent mal à leur goût par manque de méthodologie, et non en raison de profonds désaccords dans la conception de ce qui est juste.
  40. Oui, les esclaves n’avaient pas le droit de vote dans ce régime, de la même manière que la plupart des pays pauvres n’ont aucun pouvoir dans la prise des décisions dans les instances mondiales aujourd’hui. Cela remet en cause l’organisation sociale, et non le régime politique comme forme.

8 Comments

  1. MARCHAL Reply

    Bonjour,

    Une bibliographie accompagne t elle vos articles sur les biais ? Que je trouve très bons mais je suis frustrée de ne pas avoir les sources.

    1. Gaël Violet Reply

      Bonjour!
      Justement ma co-autrice et moi-même nous demandions si nous n’allions pas faire un addendum avec des sources bibliographiques plus savantes (dans nos articles nous avons essayé de rester le plus accessibles possibles et les références savantes sont parfois intimidantes, mais l’idée d’un appendice avec des renvois vers des sources universitaires nous trotte dans la tête.
      Nous sommes tous les deux un peu sur les rotules par contre, ça risque de devoir attendre un peu – si on le fait, on doit le faire proprement ;). Mais en tout cas, en attendant sachez déjà qu’on trouve nous aussi que c’est une bonne idée.

      1. Romain Reply

        Bonjour,

        Merci pour cet article dense et fourni. J’ai pu y découvrir beaucoup de choses auxquelles je n’avais pas songé avant, en lien avec mes croyances personnelles et ma vision du scepticisme et de sa communauté.

        Y-a-t-il du nouveau concernant la bibliographie / références de l’article ?

        Plus généralement, auriez-vous une liste d’ouvrages à lire qui traitent de ces différents sujets / plus simplement, des livres à recommander ?

        Romain.

  2. Mathias Reply

    C’était long et intense mais vraiment très intéressant. En effet il me faudra sans doute revenir dessus pour bien saisir toutes les subtilités évoquées mais j’ai l’impression d’en avoir appris beaucoup, d’avoir déconstruit certains préjugés, d’avoir conforté certaines idées et surtout d’avoir compris pourquoi j’ai certaines convictions que je défends ! Un grand merci !

  3. GRA Reply

    J’ai avalé cette série d’articles en deux jours, je me sens mal maintenant. Vos arguments m’ont obligé, au fil de ma lecture, à me remettre en question. Du coup, ils me restent en tête, et plus j’y pense plus j’estime que ma pratique de la « zététique » (ou n’importe quelle autre étiquette semblable) est discutable.
    C’est d’autant plus malaisant quand on est engagé dans une asso sceptique, et qu’on fait la promotion du scepticisme scientifique auprès de ses proches :/
    Un grand merci, c’est pas tous les jours que des lectures me sont aussi utiles (enfin, j’espère qu’elles le seront vraiment, c’est-à-dire que je serai en mesure de les mettre en application et de les promouvoir, pas juste de savoir qu’elles existent).

  4. Marc Reply

    Bonjour
    Cet article est « époustouflant ».
    Est-il possible de vous contacter ?
    Je n’ai pas trouver le formulaire pour cela.
    Cordialement
    Marc

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