Que faire de la zététique ? [1/3]

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Note préliminaire: En raison de son ton provocateur, nous jugeons important de rappeler que cet article reflète avant tout les positions de son auteur. Si le collectif héberge bien une copie de cet article, il tient à rappeler que ses membres ne partagent pas tou·te·s les critiques défendues ici.

Tableau Singes à l'école de David Teniers le jeune. Le tableau représente une salle de classe du 15ème siècle. Au premier plan un singe habillé en professeur donne une fessée à un autre singe les fesses à l'air alors qu'un autre singe est à genoux à coté. Dans la partie droite de l'image on voit le bureau du professeur avec des livres et divers ustensiles dessus (sablier, encrier). À gauche des singes assis à une table avec des livres sur les genoux en train de lire se tournent vers la scène. À l'arrière-plan d'autres singes sont en train d'étudier. Quelques uns se tournent aussi vers le petit singe battu.

La zététique: singer la science pour lutter contre les charlatans

0. Introduction et un peu de contexte

Le flan est un peu retombé et l’énervement qui va avec. Mais pas la colère. Mais plutôt que de pousser une inutile gueulante j’ai décidé de mettre mon énergie à profit et de travailler longuement sur ces petits articles qui lui serviront d’exutoire.

Le 18 Octobre 2022, ma collègue, camarade de ZEM, et pote, Gwen Pallarès, maîtresse de conférence en didactique des sciences, a jeté l’éponge et décidé de quitter Twitter. Elle a expliqué que son départ était dû, notamment, au traitement de son travail et de sa personne par la communauté sceptique en ligne, et en particulier les « zététiciens » avec lesquels elle a interagi. Je ne sais pas à quel point l’évènement aura fait parler de lui dans la communauté sceptique et l’enseignement supérieur en dehors de Twitter. Probablement un peu dans la première et beaucoup moins dans la seconde. Globalement les communautés professionnelles de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) ont, heureusement, d’autres chats à fouetter que la « zététique ». Enfin je dis ça, si ces communautés s’étaient penchées sur l’état de la « zet » plus tôt, on en serait peut-être pas là. En effet, les raisons que Gwen a invoquées pour justifier son départ sont symptomatiques de problèmes sous-jacents. Notons surtout:

  • La dévalorisation de son expertise scientifique de la part de « zets » revendiqués et de leur public. Les producteurs de contenu « zététique » refusant notamment de consulter les ressources qui leurs sont proposées pour améliorer leur production. La plupart de ces ressources ont été généralement initialement dédaignées, mais certaines se sont tout de même retrouvées plagiées sans la moindre mention du matériau original, ou remerciement envers les personnes les ayant fournies. Les plagiaires probables continuant par ailleurs à déblatérer les mêmes âneries pour bien montrer qu’ils n’ont fait que copier quelque passages sans en saisir le contenu. Autre exemple, le silence assourdissant de certains lorsque la démonstration de la médiocrité de leur contenu porte bel et bien sur son fond.
  • Des dérives de la communauté « zététique » en ligne vers la pseudo-science et un certain entrisme dans l’enseignement supérieur ou l’éducation. On retrouve par exemple des propositions de formations « zététique » dans les écoles doctorales (donc adressées aux futurs docteurs) prétendant littéralement leur apprendre à faire de la science,1 ou la mention de membres d’associations « zététique » dans les récents rapports du CSEN (Conseil scientifique de l’éducation nationale) sur l’enseignement de l’esprit critique.
  • Pire: la pathologisation de son agacement face au mépris de ses compétences, le harcèlement, la calomnie et ce genre de comportements de bon aloi, dans une communauté supposée tenter de relever le niveau du dialogue et du débat public. Comme pour le premier point, ces comportement ont aussi bien été le fait du public que de figures plus importantes du mouvement.

Concernant ce dernier point, elle note ne pas avoir été la seule victime, et il s’agit de techniques de mise au ban dénoncées régulièrement depuis des années.2 Ces méthodes ont d’ailleurs poussé à la création de divers collectifs sceptiques pour spécifiquement permettre à des paroles marginalisées de s’exprimer (« Zététique, Scepticisme et Féminisme », ou ZSF, par exemple), quand elles n’ont pas fini par simplement pousser les gens dehors. Quant à relever le niveau du débat, je me permettrais de citer son avis après un certain temps passé dans le milieu: « La zététique, ça rend con. »3

Pour rappel, le collectif ZEM dont nous faisons tou·te·s les deux partie sortait d’une campagne de calomnie menée par des zététiciens revendiqués4, et je suis témoin de premier plan de la mauvaise foi et de la chaffouinerie de ces individus.

La présente série d’articles ne sera pas qu’une énième critique envers nos amis les « zététiciens », mais visera surtout à servir de rappel de certains problèmes historiques de ce mouvement. Une telle référence semble nécessaire pour ne pas avoir à systématiquement refaire l’historique d’une situation qui n’a jamais été traitée autrement que par la politique de l’autruche. En effet, il semble que les figures de proue de la zététique, même avec les meilleures volontés du monde, semblent régulièrement oublier certaines critiques de fond du mouvement auquel elles s’identifient et finissent par retomber dans ses pires travers. Et force est de constater que les remarques cordiales, et les tentatives de critiques constructives n’ont servi à rien ou presque pour améliorer la situation.

Il s’agira d’illustrer où l’accumulation d’évènements et ladite politique de l’autruche de la communauté « zététique » ont pour fondement des problèmes plus graves, mentionnés par Gwen lors de son départ, et qu’elle a tenté de corriger en partie par sa participation. Pour résumer simplement: à sa racine, la « zététique » est une discipline para-académique pseudoscientifique, difficilement compatible avec la rigueur intellectuelle et le sérieux dont elle se prévaut5 et l’inconséquence politique de ses défenseurs entraîne une porosité certaine avec les milieux réactionnaires (racistes, antiféministes, etc.). Par cette série d’articles, je vais développer pourquoi la « zététique » est une discipline vérolée dans ses fondements et pourquoi je la différencie de l’esprit critique dont elle se réclame ainsi que du scepticisme scientifique dont elle essaie de prendre la place. D’où les guillemets que j’employais jusque-là. Comprenez que dans la suite, le terme zététique sera bien à distinguer aussi bien de l’esprit critique que de « la » méthode scientifique avec lesquels il est souvent présentée et confondue.6 J’essaierai de montrer enfin pourquoi il est important que les acteurs français travaillant à développer l’esprit critique dans la société s’en dissocie urgemment.

J’articulerai cette série en 3 parties:

  1. Le premier article sera une analyse du site et du matériel pédagogique proposés par Henri Broch, le père du terme et de la discipline. Nous verrons en quoi ces derniers montraient déjà des signes avant-coureurs de manipulation de l’auditoire et pourquoi ces derniers ne passeraient même pas, aujourd’hui, les tests de confiances des zététiciens. Nous commencerons aussi à mettre en place la carte du tout petit monde de l’esprit critique en France et les liens de Broch avec des associations et des personnes à la réputation plus que douteuses.
  2. Le second article sera un rappel des relations historiques entre zététique et extrême-droite. Nous montrerons comment la première a été parfaitement inconséquente avec la seconde jusqu’à ce que la situation devienne intenable. Ensuite nous montrerons comment, chassée par la porte, le discours d’extrême-droite est revenu par la fenêtre par l’intermédiaire d’un intellectuel fort influent, qui a utilisé les mêmes ressorts qu’Henri Broch pour asseoir sa légitimité sur des sujets sur lesquels il n’y avait aucune raison de lui accorder du crédit. Plus que son influence sur le milieu, il est important de voir comment cette personne a répandu un discours anti-intellectuel dans le milieu zét et a influencé ses heuristiques de manière à rendre les zététiciens incapables de la moindre compréhension rhétorique fine.
  3. Le dernier article servira d’ouverture sur la situation actuelle et un développement sur les potentielles portes de sorties envisageable de cette situation. Les conséquences de cette dernière sont, selon moi, assez simples à prévoir : la communauté sceptique va se mettre à dos une énorme partie du monde de l’ESR.7 À vulgariser n’importe quoi n’importe comment et à se prétendre l’équivalent de la méthode scientifique en dehors de tout cadre académique sérieux, les « zets » prennent essentiellement le risque de voir un retour de bâton communautaire de la part des chercheurs. Car, en plus du seul traitement du paranormal dont le scepticisme scientifique s’occupait initialement, on a vu fleurir les opinions de sceptiques du dimanche sur tout un tas de sujets sociotechniques ou socioscientifiques8 complexes (nucléaires, vaccins, pandémie du COVID, etc) avec une expertise inversement corrélée à leur aplomb à (prétendument) mobiliser les états de l’art de la recherche. Deux issues attendent, selon moi, la communauté « zététique »: être mise dans le même paquet que les lobbies et les pseudo-sciences avec lesquelles elle se complaît ou tempérer la situation et son rapport aux chercheurs pour devenir une plate-forme de vulgarisation acceptable. Soyons clairs, il y a assez peu d’alternative et cela ne se fera pas facilement. Le comportement de la communauté zét n’a pas particulièrement brillé par la remise en question et les stratégies qu’ont mis en place ses membres pour discréditer la critique sont bien en dehors du débat d’idée et de la contradiction efficace. Nous verrons comment ils utilisent encore actuellement les même stratégies que ceux qu’ils prétendent combattre et sont inopérants à s’en rendre compte.
Image d'un chien déguisé en scientifique au milieu d'appareils de chimie. Il est en train de verser le contenu d'un bécher dans un mug. A coté de lui un texte dit "I have no idea what I'm doing" (en français: Je ne sais pas ce que je fais.)
Zététicien parlant science, une allégorie. (source)

1. La zététique dans le paysage du scepticisme scientifique

Le scepticisme scientifique a une histoire longue et complexe. Les plus anciennes associations européennes encore en activité et s’en réclamant sont probablement la « Vereniging tegen de Kwakzalverij« 9 néerlandaise, fondée en 1881 ou la britannique « Society for psychical research« 10. Si la première est essentiellement composée de médecins et tournée vers la lutte contre les pseudo-médecines, la seconde est une association composée de chercheurs académiques et est dédiée à l’étude de la parapsychologie. Les deux sont encore actives11. Ces deux thématiques sont encore bien présentes dans le scepticisme moderne, mais on peut constater qu’on est effectivement assez loin des prétention actuelles de la zététique.

Divers autres mouvements rationalistes ont émergé au cours des XIXème et XXème siècles. En France, l’Union Rationaliste, apparu en 1930, est une des plus anciennes associations d’information scientifique. Elle est suivie de prêt par le Comité Para belge12, puis par l’AFIS, émanant de l’Union Rationaliste à la fin des années 6013. Comme il ne s’agit pas de refaire ce qui a déjà été fait, on pourra trouver un historique plus détaillé du paysage francophone dans les ouvrages de Sylvain Laurens sur les mouvements rationalistes. Les mouvements sceptiques américains apparus dans les années 90 et 2000 ont aussi eu une forte influence sur le paysage français, mais je renverrai les lecteurs et lectrices intéressées par ce sujet aux récentes vidéos des collègues Patchwork et Le Malin Génie. Le nom de l’AFIS est cependant a retenir notamment en raison de ses liens avec la zététique, que nous développerons dans la suite, en plus de sa réputation actuelle de cheval de Troie des lobbys industriels.

Encore une fois, dans la suite, je me concentrerai sur la zététique comme une spécificité française dans le paysage du scepticisme scientifique pour la différencier de ce courant plus large.14 Le mot en Z, quant à lui, n’est pas nouveau. Comme en témoigne sa consonance grecque, il désignait probablement les sceptiques philosophiques Pyrrhonistes de l’époque antique. Assez rare dans la littérature, le dictionnaire Larousse, qui contient le terme au moins depuis le XIXème siècle, le définit actuellement comme « nom féminin: méthode philosophique qui consiste à rechercher la solution d’un problème en le supposant résolu et en remontant de cette solution jusqu’aux termes initiaux en vérifiant le bien-fondé de chaque étape« . Dans le monde moderne, il a cependant été utilisé initialement par la « Zetetic Society » pratiquant la « Zetetic Astronomy », discipline clairement pseudoscientifique mise au point par les défenseurs de la théorie de la Terre plate. La « Universal Zetetic Society », fondée à la fin du XIXème siècle, est l’ancêtre de la « Flat Earth Society », le nom ayant changé uniquement en 1971. La seule occurence du terme dans le milieu sceptique non-francophone se trouvera dans le nom original du magazine « Skeptical Inquirer », initialement nommé « The Zetetic ». Il est intéressant de constater les raisons non seulement de ce choix initial, le magazine se voulant initialement une main tendue de la communauté sceptique américaine vers les tenants du paranormal par Marcello Truzzi, mais aussi du changement de nom. En effet, lors du départ de Truzzi pour des désaccords de ligne éditorial, Paul Kurtz, le nouvel éditeur en chef et défenseur d’une position anti-paranormale, ne voulait plus rien avoir à faire avec les défenseurs des phénomènes paranormaux.15 Un réflexe compréhensible, étant donné la connotation du terme et les objectifs du CSICOP, qui n’a étonnamment pas eu lieu en France. Alors que la Flat Earth Society se réclame encore de leur « zététique », le terme n’évoquera dans l’hexagone que le mouvement sceptique. En effet, ici le terme a été redéfini dans les années 80 par Henri Broch pour désigner ceux pratiquant « l’art du doute » et, selon lui, par extension, le scepticisme scientifique. Pris dans son contexte historique, et étant donné le rétropédalage des sceptiques américains, ce choix de vocabulaire apparaît alors singulier, autant que la volonté de l’imposer pendant plus de trente ans. La position de Broch sur le paranormal est en effet plus proche d’un Paul Kurtz radical que d’un Marcello Truzzi relativement conciliant. Mais comme il faut savoir voir le verre à moitié plein, le terme « zététique » peut finalement être utilisé pour circonscrire le sujet qui nous occupe.

2. La zététique: Scepticisme lucratif du doute d’Henri Broch

La zététique est donc une refonte singulière du scepticisme scientifique surtout opérée par Henri Broch entre les années 1970 et 1980. La définition francophone moderne du terme lui est personnellement attachée et on peut probablement lui attribuer sa popularisation. Si une date précise est difficile à noter, la première utilisation du mot dans le titre d’une publication recensée sur son site date de 1986, et il classe lui même l’essentiel de ses productions non-scientifiques depuis 1972 comme de la zététique. En 1998, il a notamment créé le laboratoire de Zététique à l’université de Nice Sophia Antipolis où il officiait en tant que professeur de physique. La page internet personnelle de Broch ne peut laisser indifférent un visiteur des années 2020. Passant outre le HTML statique relativement daté, ce qui en soi, n’est pas très grave, le contenu ressemble à s’y méprendre à ce qu’on l’on imaginerait trouver sur le site promotionnel de n’importe quel marchand de tapis : biographie mettant lourdement en avant les diplômes16, le soutien de personnes connues dans la communauté scientifique et la société civile ou encore les nombreux ouvrages et articles publiés dans des revues à comité de lecture (en gras sur le site). On pourra me trouver un ton un peu moqueur, mais c’est parce que le site d’Henri Broch ressemble à la description typiques que les zététiciens donnent aujourd’hui des sites de charlatans. L’ironie est donc notable et il ne lui manque que quelque fautes d’orthographe17 et des promesses fantasques telles que… les titres de ses livres, savamment nommés « L’art du doute ou comment s’affranchir du prêt-à-penser » ou « Comment déjouer les pièges de l’information », le site rappelant que ce dernier est « le livre qui a le plus marqué Stromae ! ». Typiquement le genre de titres de livres de développement personnels caractéristiques du 21ème siècle. Une mention comme quoi la zététique garantit la fortune, le retour de l’être aimé et un énorme sexe ne ferait finalement pas si tâche et permettrait de cocher une ou deux lignes de son bingo zet. Un dernier point à noter est le fait, relativement surprenant, que la plupart des images sont en réalité des liens vers book-e-book, la maison d’édition de Broch (que j’abrégerai BEB dans la suite).

Redevenons sérieux et penchons nous sur les œuvres du Pr. Broch. Le seul livre qui n’est pas édité par BEB, « Devenez sorciers, devenez savants » coécrit avec Georges Charpak (prix Nobel !), est proposé à l’achat chez un distributeur tiers (Decitre) alors qu’il est moins cher sur le site de l’éditeur (Odile Jacob). En quoi est-ce important me direz-vous ? Et bien parce que Decitre distribue les livres de BEB et les conseils aux acheteurs du livre de Broch et Charpak, contrairement à Odile Jacob. Et pourquoi tant insister sur BEB me demanderez-vous ? Et bien parce que BEB a été fondée par Broch dans la région de Nice. Il s’agit de sa propre maison d’édition. Aujourd’hui déménagée à Paris depuis 2018, elle a été rachetée par l’AFIS. Vous vous souvenez ? C’est l’association dont j’ai parlé dans la première partie. La direction de BEB est en ce moment la responsabilité de Michel Naud, ancien président de l’AFIS. Henri Broch quant à lui est notamment membre du comité de parrainage de l’AFIS. De plus, plusieurs auteurs et autrices de l’AFIS sont depuis longtemps édité·e·s chez BEB. Certains livres bénéficient d’une préface ou d’une postface de Jean Bricmont, lui aussi ancien président et président d’honneur de l’AFIS (sur laquelle nous reviendrons beaucoup plus longuement), quand elle n’est pas d’Henri Broch lui-même. Exemple, le livre de Brigitte Axelrad sur les faux souvenirs recevra une recension dithyrambique dans Science et Pseudosciences, le magazine de l’AFIS dont Axelrad est membre du comité de rédaction.18 Mais l’intérêt financier de Broch et de l’AFIS deviennent clairs. Il ne s’agit pas de dire que BEB a rapporté des revenus conséquents à Broch, les comptes n’en montrent pas de trace. Cependant Henri Broch avait une incitation financière directe à rendre son contenu accessible et marquant, en un mot à vendre la zététique. Le site personnel de Broch ressemble ainsi très fortement à une vitrine pour BEB.

S’agit-il de tomber sur Broch en particulier et de le dénoncer comme un charlatan ? Non. Mais d’illustrer quelque chose qui ne tourne déjà pas rond dans l’univers zététique et que les parallèles avec les méthodes qu’il prétend dénoncer sont difficile à ne pas voir. Le site du pape, le bigophone vers le saint-siège, la référence historique, ressemble à s’y méprendre à une plate-forme de vente en ligne qui ferait pâlir un commercial de Wish. La présentation de Broch (sur son site personnel) est d’ailleurs on ne peut plus singulière pour un chercheur académique. La constante mise en avant de son statut de professeur (de physique) à l’université pour la promotion de son activité totalement para-académique est tout à fait notable. En effet, contrairement à ses recherches sur la modélisation quantique du repliement des protéines, aucune de ces activités « zététique » n’a été publiée dans des formats revus par les pairs : journaux scientifiques, livres chez des éditeurs scientifiques etc. Le rayonnement du laboratoire de zététique en termes de recherche est quasi-nul.19 Ce n’est pourtant pas les occasions qui manquent, en effet plusieurs pages du site portent des critiques relativement techniques sur, par exemple, l’affaire de la mémoire de l’eau ou les OVNIs géants. Cependant Broch semble plutôt avoir voulu se mettre en porte-à-faux par rapport aux canaux de communication scientifiques et grand public habituels. Par exemple, les pages de son site et ses livres ne manquent pas de dédain pour la revue Nature en y écrivant par exemple:

« Je me permettrai simplement de rappeler que la revue Nature (alors que le directeur n’était pas le même) nous a déjà habitué à des « scoops » du type Benveniste-mémoire de l’eau. N’oublions pas en effet (je vous en reparlerai précisément quand nous en serons « au cœur de l’esprit ») le fabuleux article de Russell Targ et Harold Puthoff que cette revue publia allègrement en 1974 et qui prétendait démontrer… les dons de voyance du tordeur de cuillère de service, le grand Uri Geller en personne ! »

Henri Broch sur son site – Apparemment extraits de son livre « Au cœur de l’extraordinaire »

La critique est acide mais peut à la limite s’entendre. Elle restera cependant confidentielle, les textes présentés étant des extraits du livre « Au cœur de l’extraordinaire » publié en 1991 (la 10ème édition est à 28€ chez BEB). Le reste de la critique publique et technique envers Nature de la part de Broch consiste apparemment un simple telex envoyé à l’AFP en 88 et la publication de son analyse du problème sur un service Minitel20. On a vu mieux en termes de visibilité. Cependant mépriser la revue Nature pour la publication de deux articles de « résultats positifs » sur des phénomènes apparemment paranormaux,21 en plus d’être une position déontologiquement risquée, est une mauvaise caractérisation de la pratique scientifique. Les sciences fonctionnent, entre autre, sur la base de la controverse et de la correction. Il aurait été de bon ton de préciser que, dans les numéros où paraissaient chacun des deux articles (celui sur la mémoire de l’eau ou celui sur les prétendus pouvoir de Geller), la revue Nature a publié des éditos décrivant la démarche de publication, de revue par les pairs et les raisons qui l’ont poussée à publier malgré les faiblesses méthodologiques des articles en question. L’édito lors de la publication de l’article de Targ et Puthoff sur les phénomènes paranormaux se trouve par exemple ici. Dans le cas de la mémoire de l’eau John Maddox, éditeur de Nature de l’époque, a expliqué les raisons qui ont poussé à la publication de l’article de Benveniste puis à la mise en place d’une commission de vérification ici. La publication avait déjà été repoussée de deux ans et Maddox avait demandé des conditions supplémentaire sur la reproductibilité des expériences qui avaient l’air d’avoir été suivie. Il avait bien noté les erreurs remarquées par Broch mais ce n’était pas le sujet de tension principal.

De manière assez ironique, le ver était déjà dans le fruit. Pour reprendre le vocabulaire zét de base, on aurait vite fait de caractériser cette histoire, en tout cas la manière dont Broch la présente, comme un appel à Galilée : Henri Broch contre Nature, un des journaux scientifiques les plus importants du monde. Mais ces aspects externes ne sont que des conséquences de la structure interne sur laquelle la zététique est construite et de la manière de Broch a abordé (et vendu) l’esprit critique à son public d’étudiants. Et c’est flagrant dans le format de son contenu « pédagogique ».

3. Les fondations scientifiques inexistantes de la zététique

La zététique 1.0 ne s’arrêtait effectivement pas aux productions extra-académiques du professeur Broch, mais se déclinait aussi dans son enseignement à l’université dans les cursus de licence.22 Les documents pédagogiques et le programme du cours sont encore disponibles et ne manqueront pas de laisser perplexe un certain nombre d’enseignants, l’UE étant, probablement jusqu’à sa suppression, encore obligatoire dans certaines maquettes pédagogiques.

Extrait du site d'Henri Broch disant:
L'objectif de l'enseignement de Zététique est d'aboutir - via principalement le support motivant des parasciences et des phénomènes "paranormaux" - à une compréhension de ce qu'est l'esprit critique, de ce qu'est la méthodologie scientifique, à une mise en forme de l'approche nécessaire pour qu'une hypothèse ou un résultat acquière le qualificatif "scientifique". Et cela sous une forme :  a) accessible  et  b) facilement mémorisable.
Comme la capture est un peu petite, voici son contenu: « L’objectif de l’enseignement de Zététique est d’aboutir – via principalement le support motivant des parasciences et des phénomènes « paranormaux » – à une compréhension de ce qu’est l’esprit critique, de ce qu’est la méthodologie scientifique, à une mise en forme de l’approche nécessaire pour qu’une hypothèse ou un résultat acquière le qualificatif « scientifique ». Et cela sous une forme : a) accessible et b) facilement mémorisable. »
Sacré programme, surtout étant donné que « l’esprit critique » et « la méthodologie scientifique » sont des objets d’études encore actuels et difficiles à définir aussi bien en philosophie, en épistémologie et en didactique. Le sujet est complexe et malheureusement, la bibliographie fournie est relativement pauvre, pour rester gentil.

Un rapide coup d’œil aux polycopiés disponibles, ne manquera pas, comme pour le site, d’interloquer l’enseignant·e ou l’étudiant·e habitué·e aux formats de cours universitaires. Insérée dans le programme avec pour prétexte d’enseigner les principes du raisonnement scientifique de base aux étudiants, l’unité d’enseignement (ou UE dans le jargon) se divisait en deux parties. La première enseignait des notions de base d’ordre de grandeur, de mesure ou de statistique tout à fait générales en sciences de la nature23, la seconde, quant à elle, se concentrait sur « les phénomènes paranormaux » mais n’était rien de plus qu’une promotion des livres de Broch et de son vocabulaire personnel. Ce vocabulaire est un pot-pourri sans sources et « facile à mémoriser » de différent procédés rhétoriques ou argumentatifs (l’effet Barnum est renommé « Effet Puits », le raisonnement inverse renommé « Effet Bipède » etc…). En plus d’être confondu avec les techniques de calcul scientifique avec lesquelles il n’a rien à voir, l’esprit critique est réduit à une série de formules toutes faites qui n’ont pas plus de pertinence que les sagesses populaires. Des formules vagues comme « Pierre qui roule n’amasse pas mousse. » ou « Si c’est gratuit, c’est vous le produit. » s’inséreraient parfaitement entre « Un scénario n’est pas une loi. », « La parcimonie est de règle. » ou « L’alternative est féconde. » étant donné la vacuité du propos. La liste entretient en plus une certaine confusion sur les concepts eux-même. Prenons l’exemple de « l’effet paillasson » qui consiste à « désigner une chose ou un objet par un mot qui se rapporte à autre chose ». Celles et ceux qui l’ont vu en cours de français se rappelleront peut-être que cette figure de style, se nomme une métonymie.24 Ce que Broch présente comme l’effet fondamental des phénomènes paranormaux est en réalité une figure de style. Et le manque de différence dans la dénomination entre la forme des arguments, la figure de style donc, et leur caractère trompeur a pu donner des développements… étonnants en terme d’argumentation.25 On m’a fait par ailleurs remarquer que l’effet paillasson, en nommant effet la figure de style par lequel un procédé rhétorique provoquait un effet trompeur, devenait une métonymie et donc, apparemment, un effet paillasson. Tout ces « effets » sont mobilisés pour servir un propos dans lequel l’analyse de la croyance dans des phénomènes apparemment paranormaux est calquée sur celle produite par les illusionnistes. L’intégralité de l’explication de la croyance dans les phénomènes « non prouvés scientifiquement » est réduite à l’abus d’illusion ou à l’emploi de stratégies rhétoriques. Le tout est mâtiné de schémas supposés introduire des concepts d’épistémologie ou des sciences cognitives mais ne renvoyant à strictement aucune littérature… autre que les écrits de Broch lui-même et une liste famélique de 6 livres et 4 articles en fin de texte. Les articles de sociologie viennent essentiellement fournir des chiffres et non des cadres explicatifs, aucune des sources ne traite de psychologie ou de rhétorique, et 2 livres seulement parlent d’épistémologie. Certes ces deux derniers sont d’un auteur très influent dans la défense du matérialisme scientifique, Mario Bunge26, mais, d’une part ces deux livres ont l’air d’avoir assez peu influencé le contenu du cours, d’autre part ce qui en est ressorti est relativement critiquable et ne fait apparemment pas vraiment consensus. Sur un autre point non moins décevant, le polycopié attaque par ailleurs nommément, dès sa première partie et sans rien ajouter au cours, l’astrologue Élisabeth Teissier, dont Henri Broch a fait parti du comité de rapport sur sa thèse de sociologie27, parce qu’apparemment on est pas à ça prêt. Thèse scandaleuse certes, mais quel est l’intérêt pour des étudiants de licence qui ne connaissent sans doute pas cette histoire ? Quel exemple cela leur donne-t-il d’insulter nommément une astrologue ?28

A) Méthode & Outils généraux

Observation & Expérimentation
Cycle Induction-Déduction-Rétroaction, concept d'interaction, cas "bio-particulier" de la force électrique, ordres de grandeurs, unités,... Y-a-t-il une méthode d'exploration de l'univers qui nous entoure ? Quels en sont les principes de base ? Qu'est-ce que l'exactitude ? Et la précision ? Que sont les écarts ("erreurs"), les incertitudes, les limites de précision d'une mesure, d'un calcul ? Comment les classer ? Les calculer ? Les évaluer ? Les interpréter ?...

Analyse dimensionnelle & Lois d'échelle
Grandeurs fondamentales, grandeurs dérivées,... Quelles sont leurs relations et interdépendances ? Equations aux dimensions et illustrations de la fécondité de l'analyse dimensionnelle. Isométrie, allométrie... Lois d'échelle dans le monde vivant... Comment les "tailles" globales varient-elles ? Comment déterminer une loi d'échelle ? Démonstrations de la fécondité de l'analyse d'échelle dans des situations pourtant complexes.

Méthodes statistiques, Probabilités & Corrélations
Traitement statistique et événements aléatoires,... fréquence, probabilité, variance, écart-type, mode, médiane, moyenne,... Comment définir et utiliser ces paramètres ? Loi binomiale, distributions de Poisson ; densité de probabilité, distribution de Laplace-Gauss: quand, comment et pourquoi les utiliser ?
Qu'est-ce qu'une corrélation ? Comment la calculer ? Quelle information en tirer ? Corrélation directe, inverse, caractères indépendants, liaison fonctionnelle, covariance. Sans oublier de bien distinguer corrélation / causalité.

B) Les Règles de base via l'exemple de leur application au "paranormal"

Démarcation science / pseudo-sciences
S'il n'existe pas une et une seule méthode scientifique valable sur l'ensemble des champs de recherche, il existe par contre une méthodologie scientifique de portée véritablement générale ; comment la définir ? Quels sont les critères objectifs, quelle est l'approche nécessaire pour qu'une hypothèse ou un résultat acquière réellement le qualificatif "scientifique" ?

Facettes de la Zététique
Mise en forme de l'Art du Doute, fondement de toute démarche à caractère heuristique, et organisation des Facettes du véritable outil fonctionnel - ... un véritable traité d'autodéfense intellectuelle - que constitue la Zététique. Et comment l'utiliser en situation.
Ce dont il faut se rappeler, ce qu'il faut faire : ----> "Les Facettes de la zététique"

Effets de la Zététique
Des Facettes un peu particulières sont distinguées et étudiées sous la forme des "Effets".
Ce qu'il faut (essayer de) détecter : ----> "Les Effets de la Zététique"

"Du gorille noir au poivron vert" 
Une découverte en direct de quelques "pouvoirs" et "non-pouvoirs" très particuliers de notre cerveau... Notre cerveau compare, ordonne, interprète, complète, re-construit,... Comment interviennent alors illusion de contraste, cécité (in)attentionnelle et autres cécités au changement ?... Toute la fluidité de la capacité de notre cerveau à reconnaître - ou inventer ! - une trame et en rechercher une signification...
Dans cette partie B, on examine les faits "paranormaux" revendiqués et l'on mène une réflexion et une analyse sur la forme pour découvrir et mettre en évidence les Règles d'Or de l'Art du Doute. "Facettes" et "Effets" sont ainsi traités via radiesthésie, psychokinèse, spiritisme, fakirisme, parapsychologie, marche sur le feu, astrologie, médecines magiques, archéologie fantastique, expériences de psychologie sociale, "gorille noir" et "poivron vert",...
Vous trouverez le contenu des enseignements plus lisible ici. En général le niveau est censé monter d’une année sur l’autre. Là on peut se poser des questions en lisant le contenu de la partie B. Notez que la partie A pourrait se retrouver dans un programme d’enseignement normal, sans rapport aucun avec la zététique, ce qui entretient la confusion.

On peut légitimement questionner la pertinence d’enseigner à l’université des contenus d’une utilité marginale pour la formation scientifique et qui n’ont jamais été validés académiquement, ni même relus par des pairs spécialistes. Rappelons qu’aucun de ces deux critères n’a été validé par les livres de Broch. On peut même se demander l’intérêt de passer plusieurs heures sur ce contenu dans des parcours scientifiques généraux. Le volume minimal d’une UE se situe en général entre une quinzaine et une trentaine d’heures par semestre pour les UE optionnelles et les maquettes comptent en général 200h à 250h. Cependant certains enseignement comme ceux mis en place à Grenoble ont pu monter à 50h par semestre. C’est un volume horaire non négligeable à allouer dans des programmes déjà très serrés en termes de contenu. En effet, les années de formation initiale sont des moments cruciaux durant lesquels les enseignant·e·s se plaignent généralement déjà du manque de temps dédié à consolider les savoirs fondamentaux.29 Mais si le fond montre assez peu d’intérêt, penchons nous même encore une fois sur l’apparence des polycopiés et leur présentation.

La page 59 du polycopié de Broch présentant non pas 1, non pas 2, mais bien 6 livres de notre cher professeur.
Vous avez dit mégalo ? Notez la présence de la maisons d’édition sur l’en-tête et le bas de page. Elles est sur toutes les pages du polycopié.
• Références in graphiques ou textes du présent support de cours
- BARRETTE C., "Mystère sans Magie. Science, doute et vérité : notre seul espoir pour l'avenir", éd. Multimondes 2006
- BOY D., "Les Français et les parasciences : vingt ans de mesure", R. Franç. Sociol. 43-1, 2002, p. 35-45
- BOY D., MICHELAT G., "Croyances aux parasciences : dimensions sociales et culturelles", Rev. Fr. Soc. XXVII, 1986, p. 175-204
- BUNGE M., "Exploring the World" et "Understanding the World", D. Reidel, Dordrecht and Boston 1983
- FRAZIER K., "To misjudge probabilities is human", Skeptical Inquirer, sept-oct. 1998, Note de l'éditeur, p. 4
- LANGMUIR I., "Pathological Sciences",18/12/1953, Knolls Research Lab ; publié par R.N. Hall, CRD report 68-C-035, avril 1968
- PERETTI-WATEL P., "Sous les étoiles, rien de nouveau ?", R. Franç. Sociol. 43-1, 2002, p. 3-33
- STRAHLER A.N., "Understanding science", Prometheus Books, Buffalo 1992
- VALOT T., VALOT G., "Lourdes et l'illusion", Maloine 1957
- Eurobaromètre, "Les Européens, la science et la technologie", Commission Européenne, N° 55.2, décembre 2001
A votre disposition aussi la bibliographie en ligne sur le site du Laboratoire http://sites.unice.fr/site/broch/labo.html et l'ouvrage qui
couvre tous les domaines "paranormaux" : http://book-e-book.com/livres/9-au-coeur-de-l-extra-ordinaire-9782915312096.html
© Pr. Henri BROCH Cours de Zététique v. 10.6 (1981/1993... 2015) - p. 58 -
http://book-e-book.com/livres/11-comment-dejouer-les-pieges-de-linformation-ou-les-regles-dor-de-la-zetetique-2915312126.html
La quasi intégralité des sources du polycopié de zététique de Broch. Notons que pour aussi intéressant que soit leurs opinions, Langmuir (physicien) et Strahler (géophysicien) ne sont pas philosophes. En dehors des 3 articles de la revue française de sociologie dont Broch tire ses chiffres (et pas son cadre interprétatif), le reste de la bibliographie n’est pas du contenu revu par les pairs.
Capture d'écran d'un des dossiers fournis au étudiants par Henri Broch. Dans un encart jaune un texte disant: Pour toute recherche bibliographique
utiliser impérativement la bibliographie (~ 1000 références) située in fine du livre "Au Cœur de l'Extra-Ordinaire" (accessible à http://webs.unice.fr/site/broch/biblio.html) et la table des matières, via la fonction "Rechercher" de votre navigateur, sur le sommaire disponible à : http://webs.unice.fr/site/broch/articles/HB_au_coeur.html.

En dessous de l'encart le texte dit:
Pour entrer sur l'anneau web "sceptique" :
Site web du Laboratoire de Zététique : http://webs.unice.fr/site/broch/
Site CorteX : http://cortecs.org/
Site Observatoire Zététique : www.observatoire-zetetique.org
Site AFIS, Association Française Information Scientifique : www.pseudo-sciences.org (consultez la revue disponible à la B.U. Sciences)
Un extrait des consignes données aux étudiants pour préparer leurs mémoires lors de l’UE du second semestre. Sur les 35 références biblio données au dessus de ces extrait, 25 sont éditées chez BEB ou Horizon Chimériques (dont la collection Zététique a aussi été créée par Broch à l’époque).

Force est de constater le caractère auto-citatoire du contenu du cours et l’absence quasi-totale de littérature scientifique que ce soit sur la question de la psychologie des phénomènes rapportés mais aussi plus généralement sur « l’esprit critique » dont le cours est supposé apporter la compréhension, ou au moins l’éveil. La double page dédiée au problème de la démarcation est remarquable par son caractère farfelu ou son absence de références. Les schémas d’association lettre-concept en milieu de page (« C » pour communauté, « H » pour hôte, « A » pour acquis etc…) pour toutes les lettres de « champ cognitif » n’aurait rien à envier aux psychanalystes lacaniens. Encore une fois, est-ce que cela a vraiment sa place dans un polycopié de cours universitaires ?

Double page sur la démarcation science-pseudoscience. La page de gauche commence avec un encart Symptomes de Science Pathologique tirés d'un livre de Langmuir avec 6 critères:
1 Effet maximum observé par un agent d'intensité à peine détectable
2 Intensité de l'effet proche des limites de détectabilité
3 Allégation d'une grande précision
4 Théories fantastiques contraires à l'expérience
5 réponses aux critiques par des excuses ad hoc imaginées sur l'inspiration du moment
6 pourcentage de supporter/critique grimpe rapidement à 50/50 puis tombe lentement à zéro

Suivi d'un paragraphe de texte:
"Il existe dans la culture contemporaine des centaines de champs de connaissance: logique, théologie,
mathématiques, numérologie, astronomie, astrologie, psychologie, parapsychologie,

Sciences et pseudosciences font partie de ces champs de connaissance ou champs cognitifs (secteur de l'activité humaine qui vise à recueillir, diffuser ou utiliser des connaissances d'un certain type ; que ces connaissances soient vraies ou fausses, peu importe). Tout champ cognitif, qu'il soit efficient ou non, possède un ensemble de caractéristiques"

Un schéma associant les lettres de champs cognitif aux mots communauté, hôte, acquis, méthodologie, problématique, Objectif, Globalisateur, Nature, Instrument, Terrain et Fonds.

Enfin un schéma tiré de Bunge classe les champs cognitifs en champs de croyance et en champs de recherche. Les premiers sont subdivisés en Religions, idéologies politiques et savoirs "parallèles" et les seconds sont subdivisés en Lettres, Mathématiques, sciences fondamentales, sciences appliquées et technologies.

La page de droite commence par un tableau contenant 12 points "nécessaires pour qu'un champs cognitif soit une science" tirée de l'article présenté dans la légende (d'après Bunge, légèrement modifié selon Broch). Elle est coupée en son milieu avec un tableau résumant la démarcation à:
Science: Tout champ cognitif satisfaisant les conditions énumérées ci-dessus.
Nonscience: tout champ ne satisfaisant pas l'ensemble des conditions
Pseudoscience: Tout champ qui, bien que nonscience, se présente comme scientifique.

Elle se finit par la mention de trois critères généraux:
Le critère expérimentaliste (évidence des faits lors de l'induction), le critère de cohérence (Argumentation avancée, principe de non-contradiction lors du passage induction-déduction) et le critère utilitaire (conséquences déduites, fécondité lors de la déduction et de la rétroaction).
Accrochez-vous à votre slip. Cette double page est une copie de l’article publié en 1994 et disponible en pdf ici depuis le site de Broch. Le journal n’est pas indiqué mais il est fort peu probable qu’il s’agisse d’une publication académique bien solide, au moins revue par les pairs.

Indépendamment de la faiblesse de la bibliographie mobilisée pour en discuter, on peut se permettre de douter de la pertinence de cette présentation pour une raison simple: le problème de la démarcation science/pseudoscience est encore ouvert en philosophie des sciences mais considéré comme généralement assez peu intéressant. L’intérêt de critères de distinction généraux entre sciences et pseudoscience étant relativement limité et la détermination au cas par cas par différents moyens spécifiques (fructification des champs de recherche, pertinence, reconnaissance académique etc…) étant largement suffisante pour déterminer ce qui relève de la pratique scientifique et ce qui n’en relève pas, la recherche de critère généraux est au point mort. Jusqu’à présent, aucun n’a été trouvé qui permette de faire une distinction nette entre pratique scientifique et pseudoscientifique qui ne mette pas certaines disciplines du mauvais coté de la barrière (quel qu’il soit). Il devient alors très discutable de présenter les choses de manière aussi tranchée dans un polycopié d’introduction destinée à des étudiants en sciences et de dresser des distinctions relativement arbitraires entres champs de croyances et champs de recherche là où d’autres approches philosophiques ont sévèrement mis à mal ce mode de distinction.30 Aujourd’hui même, celles et ceux qui travaillent encore sérieusement sur la recherche d’une distinction générale utilisable reconnaissent la complexité de l’entreprise.31

Pffff. Un schéma moche sur le fonctionnement des biais et du cerveau... Je sais pas quoi dire de plus. Y a une boucle qui dit "induction, déduction, rétroaction" dans un cadre au dessus duquel "l'univers physique" envoir des informations à la "perception sensorielle"...
La boucle induction-déduction est supposée décrire le fonctionnement de la méthode scientifique, je renvoie les lecteurs et lectrices intéressés au livre « Qu’est-ce que la Science ? » d’Alan Chalmers pour constater qu’on est vraiment au niveau 0 de l’épistémologie scientifique.

Par ailleurs, insistons sur le fait que la seule explication proposée de l’adhésion aux croyances au paranormal ou à l’astrologie est une explication individualisante fondée sur les illusions, les biais cognitifs et le manque de culture scientifique. Les camarades Gaël Violet et Ce N’est Qu’une Théorie ont pu développer les faiblesses et angles morts de cette approche dans une série d’articles assez accessible. On peut ici rappeler l’importance des environnements contextuels dans la réception des idées (3èm article) articulée avec la situation politique mécaniquement de droite de la position du réductionnisme des biais (4ème article). Plus généralement, le contraste est frappant entre les outils nécessaires à la recherche pour comprendre la diffusion et l’adhésion à des idées hétérodoxes (aussi bien la croyance au paranormal que l’adhésion aux théories du complot) contre laquelle les défenseurs de l’esprit critique et du scepticisme prétendent lutter et leurs propres présentation des croyances et de la production de connaissance. La recherche montre que les discours s’ancrent dans les contextes socio-politiques dans lesquels ils cherchent à s’articuler, tout en se répondant les uns avec les autres. Les sciences du langage et les outils d’analyse moderne montrent bien la complexité de ces intrications (voir par exemple ce récent numéro de Mots). D’autre part, des chercheurs et des chercheuses travaillant sur l’argumentation ont réintégré depuis une vingtaine d’années les émotions dans les appareils d’études argumentatifs (voir par exemple dans le travail de Claire Polo & coll. ici). Ceci amène à un constat assez peu réjouissant pour la zététique. En effet, le matériel pédagogique proposé par Broch n’a jamais été mis à jour sur ces questions. Les dernières versions disponibles datent de la fin des années 2010, et ne font aucune mention de la littérature académique sur le sujet. Plus généralement, ces recherches n’ont jamais diffusé dans le milieu zététique jusqu’à très récemment (rappelez-vous, Gwen, l’en-tête de l’article etc) et n’ont de toute façon eu aucun impact sur le discours produit par la sphère zététique que ce soit vis à vis de l’argumentation ou des aspects psychologiques des croyances. Ceci permet de mettre en lumière une des caractéristiques principales de la zététique: la zététique prétend se fonder sur la recherche et la pratique scientifique, mais ne fait qu’en singer l’apparence et en réclamer le prestige. Elle n’est qu’un appel à quelques notions de « bon sens » avec un vernis de pseudo-protocoles de recherche alors qu’elle ne se fonde sur rien et ne rentre dans aucun des critères de caractérisations de la recherche académique. Des aspects qui sont indéniablement propres aux pratiques pseudoscientifiques.

4. Une première conclusion

À la vue de ce polycopié et de son contenu, je ne peux qu’être circonspect du caractère auto-centré de la démarche. On y verra peut être un jugement de valeur mais pour quelqu’un qui prétend détourner des gourous et apprendre l’esprit critique, j’y vois plutôt un désir de prendre leur place dans l’esprit de son public étudiant. Un choix stratégique ? Broch dit lui même que les théories farfelues ne se sont jamais aussi bien portées pour se scandaliser de la disparition de son cours. Cependant il serait cavalier de l’accuser de l’avoir fait consciemment. On ne dispose en effet que du matériel pédagogique proposé sur son site, et il est fort probable que Broch lui-même ait évolué quant à sa relation au scepticisme, à la recherche et à ses étudiants. Reste que le constat final n’est, encore une fois, pas brillant en termes de finesse et de qualité, et qu’à la fin il ne reste que la figure d’un physicien qui parlait en marge de la recherche académique sur un sujet avec lequel il ne voulait manifestement pas se confronter sur le plan de la recherche, le tout sous couvert de son statut de professeur de physique. Bon…

Concernant la suppression de son cours, étant donné que Broch passe sous silence toutes les discussions ayant lieu lors de l’élaboration d’une maquette pédagogique, je ne peux qu’imaginer que l’université et les autres intervenants dans la conception des maquettes ont estimé qu’il était peut être temps de supprimer cette vitrine pour la vente de ses livres et le lustre de son égo pour un enseignement peut-être plus approprié à l’introduction aux pratiques scientifiques dans les programmes de licence. L’évolution des contenus pédagogiques est somme toute une chose normale

En-tête du pdf distribué comme plaquette du second semestre. En haut à droite, à coté de la mention des parcours de licence pouvant suivre le cours, la mention "toutes UFR, dominantes et années" est rayée. En dessous on peut lire: Par décision du CEVU et de l'UFR Sciences, cette UEL offerte aux L1, L2, L3 de toutes les Licences
de l'université, est depuis janvier 2013 réservée aux seuls étudiants L2, L3 de Sciences.
La mention en rouge sur le polycopié du second semestre montre que le bras-de-fer avec les autres directions de licence s’est probablement poursuivi un certain temps.

L’emploi ambiguë du terme « d’essaimage » sur son site pour parler de la diffusion de la zététique dans différentes formations et institutions (parfois à l’étranger) est par ailleurs surprenant et fait alors plutôt penser au pèlerinage des mormons ou au missionnariat religieux. Le semage est un processus actif. Quel rôle alors s’attribue Broch dans la diffusion de la zététique ? Même avec les meilleurs intentions d’éveil à l’esprit critique, l’héritage d’un tel support ne peut que rendre méfiant quant aux contenus qui en découleront et ce qu’en retireront les étudiants.

D’expérience, j’ai tout de même pu constater de grandes différences de contenu entre certains autres « enseignants de zététique » francophone et les cours de Broch… mais pas tous (et je n’ai aucune prétention à être exhaustif). La production de Broch reste une référence dans le milieu, et certains n’hésitent pas à se réclamer directement de lui ou à encore lui donner la parole. Dans une certaine mesure, l’objectif de semage est atteint. Broch restera certainement plus connu pour sa paternité de la zététique que pour ses travaux sur la modélisation quantique du repliement des protéines.32

Cependant, c’est bien son statut de physicien et de professeur des universités qui sera mis en avant lors de la promotion de la zététique. Étant donné l’inexistence de ses productions dans les champs de la didactique des sciences ou de la recherche en psychologie (cognitive ou sociale) sur l’esprit critique, que peut-on y voir d’autre qu’un appel à son autorité académique pour justifier sa pertinence sur des sujets… qu’il ne maîtrise manifestement pas du point de vue académique ? C’est bien une preuve de la confiance aveugle que la communauté zététique lui a faite uniquement en raison de son statut. Il est vrai qu’appliquer leur propre médecine à leur discipline ferait mordre aux zététiciens la main qui les a nourris, on peut penser que ceux qui l’ont fait avaient bien peu de raisons de rester dans cette communauté aux principes contradictoires. Pour cette raison, on peut dire que la zététique est une version homéopathique de l’esprit critique: elle se retrouve à essayer de combattre le mal par le mal, le charlatanisme avec des méthodes de charlatans, sans être capable de renforcer ce qu’elle prétend, l’esprit critique. La popularité des cours est souvent invoquée pour justifier leur sauvegarde dans les cursus. L’argument peut être recevable, mais il faut déterminer si cet engouement est produit par la qualité et l’utilité du contenu ou le caractère « fun » des cours en auestions. Et surtout la question à se poser est de savoir si cette préservation est pertinente.

Depuis le début de rédaction de cette article, le journal Le Parisien a lui aussi publié un petit article pleurant la fin du prêt des locaux au laboratoire de zététique qui n’en était pas un. Malheureusement, Broch a, dans cet article, confirmé certaines hypothèses sur le contenu de son enseignement, comme sa présentation désastreuse de l’affaire Nature/Benveniste ou les poncifs comme quoi les réseaux sociaux ont renforcé la croyance dans des fakes news. Alors que l’article mentionne lui-même que dans les années 80, 70% des étudiant·e·s de Broch croyaient que tordre les cuillères était un phénomène scientifique, qu’est-ce qui est pire aujourd’hui et qu’est-ce que la zététique a aidé à changer ? La question reste ouverte.

Dans la prochaine partie, nous verrons la confirmation de l’incapacité de la communauté zététique à se rendre compte de l’abus de légitimité dont a fait preuve Broch en nous penchant sur une autre personne très influente dans le milieu zététique et sur l’AFIS qui emploiera strictement la même stratégie avec le même succès. Cependant les agissements de ce second individu auront des conséquences bien plus graves sur le débat public et le milieu de l’esprit critique. Car, comme nous le verrons, en plus de son origine plus que fragile d’un point de vue scientifique, la zététique allait également être associée, au cours des années 1990 et 2000, à un autre mouvement puant dont elle a du mal à assumer le poids et dont elle ne s’est toujours pas débarrassée de l’odeur: l’extrême-droite antisémite.

Remerciements

Cet article a pu bénéficier de nombreuses discussions constructives. Principalement avec Gwen Pallarès, Ce N’est Qu’une Théorie, Gaël Violet et Patchwork, membres du collectif ZEM, mais aussi avec quelques personnes externes chaudement remerciées elles-aussi.

  1. Des exemples des programmes de telles formations peuvent être trouvés ici, ou .
  2. De manière symptomatique, lorsque l’historienne travaillant sur le complotisme, Marie Peltier, annonce porter plainte contre ses harceleurs après avoir été une nouvelle fois déconsidérée la réaction par le débunker des étoiles, proche de la communauté zététique, est… intéressante. Là où Peltier mentionne bien porter plainte contre « les personnes qui ont initié cette campagne » de harcèlement concernées par sa plainte, il le prend personnellement. Bon.
  3. Private communication, 2022.
  4. Les intéressé·e·s pourront trouver une critique sur la méthodologie ridicule employée ici. De mon coté j’ai mieux à faire que de donner un lien vers la production de cette bande de clowns, contrairement à certains vidéastes se réclamant publiquement de l’esprit critique.
  5. D’aucun parleraient déjà de charlatanisme.
  6. Nous parlerons dans un prochain billet des raisons qui motive aussi à mettre des guillemets sur « la » méthode scientifique et des raisons pour laquelle la zététique en a propagé une idée faussée et distordue.
  7. Je parle au futur mais c’est en réalité déjà ce qui est en train de se passer. Mon expérience personnelle tend à me faire croire que de plus en plus de chercheurs, même en sciences de la nature, en ont plus que marre des zététiciens.
  8. Des sujets qui mêlent sciences et sociétés de manière intriquées, et qui sont généralement compliquées, débattues et ouvertes, voir par exemple la conférence de Gwen Pallarès au Comité Para sur le sujet
  9. Littéralement: association contre les charlatans.
  10. Littéralement: société pour la recherche psychique.
  11. Étonnamment, elles sont si peu mentionnées dans les échanges/références des sceptiques francophones sur internet qu’après plusieurs années à les lire, je n’en ai entendu parler qu’en ayant moi-même déménagé aux Pays-Bas et commencé mes recherches sur le sujet. J’imagine d’ailleurs que l’intérêt des néerlandais et des belges pour « l’esprit critique » ainsi que la dénonciation du charlatanisme a des racines différentes de celui des anglais du XIXème siècle ou des américains et des français du XXème siècle, ce qui expliquerait peut être la distinction pratique que je propose entre zététique et scepticisme scientifique au sens large. Notons tout de même que, s’il y a effectivement toujours eu des « sceptiques scientifiques », les contextes d’apparition et de popularisation des différents mouvements sont très variés et que cette variété se traduit probablement dans leur manière d’aborder le scepticisme. La récente idée de période moderne de « post-vérité », quoique cela veuille dire, peut par exemple être considéré comme un terreau spécifique qu’attendait la mauvaise herbe zététique pour enfin prendre après 35 ans d’inopérance.
  12. Bien qu’initialement bilingue franco/flamand à sa fondation à la fin des années 40, le Comité Para n’est plus actif que par la branche francophone.
  13. Les deux entités existent encore et sont, aujourd’hui, bien distinctes.
  14. Pour justifier la pertinence de la différence scepticisme scientifique/zététique, je renverrai par exemple vers l’épisode 253 du podcast Scepticisme Scientifique, datant de 2014, dans lequel Jean–Michel Abrassart, sceptique belge mais plutôt influencé par le scepticisme américain, exprime ses réticences envers le projet zététique de Broch et sa différence de point de vue. Sa critique soulevait de bonnes questions, mais ses réponses ratent, à mon avis, totalement le fond du problème.
  15. On trouvera un très récent historique de cette situation dans les colonnes mêmes du Skeptical Inquirer.
  16. À ce propos, la page personnelle de Broch comme sa page Wikipédia mentionnent son obtention de deux doctorats. C’est factuellement vrai mais n’a pas le caractère exceptionnel que cette affirmation aurait aujourd’hui. L’un des diplômes mentionnés est un doctorat d’état, diplôme aujourd’hui disparu mais à l’époque nécessaire pour passer les concours d’accès aux postes de maître de conférence. La situation de Broch n’a absolument rien d’exceptionnel pour sa génération.
  17. Ceux qui savent à quoi je fais référence comprendront.
  18. Pour une enquête plus détaillée sur les autres liens entre l’AFIS et les lobbys industriels, je reverrai vers l’enquête publiée par Foucart, Horel et Laurens dans leur livre commun.
  19. Le « laboratoire » n’en étant d’ailleurs pas vraiment un, mais une association à laquelle l’université prêtait des locaux. Dans l’article du Parisien cité à la fin de ce billet on peut lire que: « Contactée, l’université Côte d’Azur rappelle qu’en fait de laboratoire, il s’agit d’une « association », « historiquement hébergée sur le campus Valrose », qui « occupe un espace permanent mais sans lien direct avec l’université, même si le sujet qui est traité est d’intérêt à l’université ». » Quand je vous dit qu’il s’agit d’utiliser l’image de la science tout azimut, je n’exagère pas.
  20. 3615 ZET, et non, ce n’est pas une énième blague. Ce service de messagerie a vraiment existé.
  21. Le second étant tout de même mal caractérisé, il ne concerne pas uniquement le tordage de cuillère par Geller.
  22. L’emploi de l’imparfait se justifie par la récente suppression du cours des cursus de l’université. À ce sujet la note scandalisée de Broch sur son site est parlante: « NB: Les autorités administratives/pédagogiques de la Faculté des Sciences de l’UCA (Université Cotes d’Azur), estimant peut-être que – par les temps qui courent et qui voient les obscurantismes, complotismes, radicalisations et autres délires se développer largement – l’esprit critique n’est pas nécessaire dans une formation intellectuelle, ont opté en 2019-20 pour la suppression de l’enseignement de la Zététique dans l’université qui l’a pourtant vu naître !!!« 
  23. Ce que des UE dédiées font déjà dans la plupart des autres cursus, mais elles s’appellent plutôt « introduction au calcul scientifique » ou quelque chose du même genre.
  24. N’imaginez pas trouver de référence à la moindre introduction à la linguistique ou à l’analyse de discours pour les étudiant·e·s qui voudraient aller plus loin. Le mot métonymie lui-même n’est pas mentionné dans le texte.
  25. Je laisserai les plus littéraires jouer à trouver ce qui relève ou non de la métonymie dans les exemples mobilisés par Monvoisin pour « clarifier » un concept finalement assez flou.
  26. Bunge était connu dans les milieux sceptique comme un fervent critique des pseudosciences mais aussi du « post-modernisme ». On le retrouvera dans un des articles suivant invité à publier dans une annale de la société des sciences de New-York. Il faut dire qu’en tant que physicien devenu philosophe autodidacte, son approche matérialiste avait tout pour séduire d’autres physiciens. Il est cependant fort dommage qu’il se soit joint à une mécompréhension collective d’une certaine forme d’analyse de la pratique scientifique. Cette discussion sera cependant réservé à un autre article.
  27. Avec un renvoi vers ledit rapport sur son site, dans le texte du cours sans aucun rapport avec le texte du polycopié.
  28. Je serais taquin si je mentionnais qu’à la même époque les Bogdanov soutenaient leur thèse dans un silence médiatique français remarquable, l’affaire n’ayant pris de l’ampleur qu’à l’internationale, et ne revenant sur le devant de la scène en France qu’en 2010 lors de la révélation du rapport du CNRS de 2003 et du procès qui s’en suivi. Les anglophones intéressés en trouveront un résumé très détaillé, malheureusement en anglais, ici.
  29. Et ne me faites pas dire ce que je ne dis pas. Je n’ai rien contre un cours de rhétorique ou d’analyse de discours dans un parcours de licence, à condition qu’il soit bien fait, bien documenté et qu’il ait un intérêt pour l’éveil intellectuel des étudiants, ce qui n’a pas l’air d’être le cas ici. Ce cours pompait donc du temps de maquette là où les étudiant·e·s auraient probablement gagné à avoir, par exemple, des cours de remise à niveau en mathématique ou d’introduction à la programmation, exemples de disciplines dont j’ai pu personnellement constater les lacunes chez certain·e·s étudiant·e·s.
  30. Comme les travaux d’épistémologie féministes d’Helen Longino dès les années 80, mais on peut aussi penser à l’approche initiée par Michael Polanyi dès les années 50. Polanyi était par ailleurs aussi physico-chimiste de formation et de premier plan, définitivement reconverti en philosophe des sciences au tournant de sa carrière.
  31. Voir par exemple les chapitres ajoutés à la réédition de Nonsense on Stilts de Massimo Pigliucci.
  32. À ce sujet, je ne peux m’empêcher de mentionner mon premier contact avec son nom, un ami futur physicien-linguiste (une espèce encore plus rare et dangereuse que les physico-chimistes) ayant lu « Au cœur de l’extraordinaire » et m’en faisant le compte-rendu sur son analyse de l’astronaute de Palenque: « Il part du principe que l’idée est forcément fausse pour montrer qu’elle est stupide. Mais avant il te fait tout un laïus comme quoi il faut faire comme si c’était possible et suspendre son jugement. J’ai rarement lu un truc aussi con et malhonnête. » Un contraste notable avec l’analyse de la thèse de l’astronaute de Palenque par Pierre Lagrange et notamment son projet CRANK qui propose de retracer les origines de cette idée en Occident, de son contexte et des raisons qui lui ont permis de se diffuser. L’analyse pousse aussi à la réflexion sur le contraste que l’on peut voir entre les réponses que lui ont offert les rationalistes d’une part, et le traitement des cosmogonies autochtones de la part de l’occident d’autre part.
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26 Comments

  1. Bunker D Reply

    Il y quelques erreurs qui se sont glissées concernant les ouvrages d’Henri Broch et leur vente. D’une part, Henri Broch a aussi “Gourous, Sorciers et Savants” chez Odile Jacob, qu’il signe seul (à l’exception de la préface par Georges Charpak). Par ailleurs, dans les deux cas, les ouvrages sont effectivement moins cher chez Decitre que chez l’éditeur (7,50€ et 8,50€ pour les versions poches chez Decitre, contre 9,99€ chez Odile Jacob). L’erreur vient peut-être du fait que pour “Devenez sorciers, devenez savant”, c’est la version grand format qui est sélectionnée par défaut chez Decitre.

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Bonjour Bunker D et merci pour le commentaire.

      Après vérification, les versions poches chez Odile Jacob de « Devenez Sorciers, devenez Savants » et « Gourous, Sorciers et Savants » peuvent aussi être commandées pour 7,50€ et 8,50€. (En tout cas depuis l’Europe. Je consulte ces liens depuis les Pays-Bas.)

      Voir: https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/zetetique/devenez-sorciers-devenez-savants_9782738110930.php et https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences/zetetique/gourous-sorciers-et-savants_9782738117397.php

      J’étais cependant passé à coté du second, je pensais qu’il n’y avait qu’un seul livre de Broch chez O. Jacob. Cela ne change cependant pas fondamentalement le fond du propos mais j’ajouterai une note pour la précision. Ce choix de distributeur reste étrange à mon sens.

  2. Hélène Reply

    Merci pour cet article très enrichissant et qui se lit assez facilement malgré la longueur. Je ne sais pas si c’est une volonté de le rendre accessible au commun des mortels, si c’est le cas, c’est réussi.
    Je n’ai juste pas saisi, du moins je ne suis pas sûre, ce que veut dire la phrase qui contient le terme « réductionniste »

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Bonjour et merci pour ce commentaire. On nous a souvent fait des retours sur la longueur et l’accessibilité des articles. Si les efforts ont payé pour ce texte, vous m’en voyez très content.

      Concernant l’emploi du terme « réductionnisme », je pense que vous faites référence au fait de réduire les adhésions à des « croyances pseudoscientifiques » ou autres à l’existence de biais et leur manipulation par les promoteurs ou promotrices des croyances en questions.

      Gaël et CNQT ont tenté d’illustrer dans la série « Les gens pensent mal » que la réalité est plus complexe que ça. On peut soutenir des croyances qui semblent absurdes à d’autres pour tout un tas de raisons: une expérience différentes et des éléments qui manquent aux observateurs, des contexte socio-économiques, la préservation d’un cercle social etc. Par exemple, beaucoup de gens dans le milieu sceptique répètent depuis des années que les « médecines alternatives » ne sont pas efficaces pour soigner. La présence de ces dernières ne semble pourtant pas diminuer. Le « réductionnisme » qui réduira cette situation à la présence de biais chez les patients leur fera porter la responsabilité de la situation: à eux d’arrêter d’être bête ou à eux de se cultiver. Il y a en réalité des raisons défendables pour lesquelles les gens peuvent défendre tel ou tel soin alternatif, par exemple une meilleure relation médecin/malade avec leur thérapeute, qui est un mécanisme important à prendre en compte pour le soi. Centrer uniquement ces problèmes d’adhésions à des biais individuels fait non seulement fait porter toute la responsabilité de l’adhésion aux croyances aux individus, mais créé aussi des angles morts qui empêchent de comprendre l’ensemble des paramètre à prendre en compte pour améliorer la situation. Par exemple en interrogeant pourquoi la médecine a autant négligé la relation médecin/malade et comment rectifier le tir en repensant le système de soin. Ce genre d’angle mort qui place cette approche mécaniquement plutôt à droite.

      Ils sont un peu longs mais vous trouverez plus de détails et d’exemples dans les articles de la série. Sur l’exemple des soins alternatifs j’ai retrouvé cette émission de 2015 dans laquelle des professionnels de santé développent justement ces questions en profondeur après la publication d’un rapport de l’INSERM sur le sujet: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/science-publique/les-medecines-alternatives-sont-elles-efficaces-5794754 Y a de très bonnes questions qui sont soulevées dans cette émission.

  3. Nicolas Krebs Reply

    Serait il possible d’ajouter à la note 8 un lien vers ladite « conférence de G. Pallarès au Comité Para » ?

    Remarque typographique : la headline case des titres de section me sort par les yeux.

    Un lien externe inclut « utm_medium=affiliation ».

    « entre les années 70 et 80 » => années 1970 et 1980 (plusieurs occurences)

    Sur le fond : le fait que dans les années 1980 (et ensuite) Henri Broch attaqua des chasseurs de fantomes et des sourciers, à une époque de montée en force du libéralisme économique (M. Tatcher, R. Reagan, le tournant de la rigueur, JM Le Pen, A Madelin…) et de l’extrême-droite (violences policières racistes, JM Le Pen, Front National…) aurait du donner la puce à l’oreille (et j’ai moi même échoué à m’en rendre compte rapidement).

    Et pour l’histoire récente, TCD critique les idées, les publications, les actions de Jacques Grimault et Idriss Aberkane, les attaque nommément, va au clash, risque des plaintes en justice, alors que ces deux tristes sires ont foutu en l’air la vie de quelques dizaines ou centaines de personnes, pendant que les antivaxx et les gouvernements de E. Macron ont foutu en l’air la vie de millions de personnes.

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Merci pour votre commentaire. Je ne suis pas non plus très friand du format des titres de section mais j’avais originellement prévu l’article pour mon blog personnel. J’essaierai de retravailler le formatage.

      Merci d’avoir signaler la balise de traçage, je vais enlever ça. Mes excuses.

      Pour l’histoire ancienne je ne peux que partager votre déception. Pour être transparent j’ai moi même cru aux discours que je vais dénoncer dans les parties suivantes et c’est en me penchant sur leur origine et leurs critiques que je me suis rendu compte de l’étendu des dégâts. Je ne peux pas vous en vouloir de ne pas avoir senti le truc venir. Par ailleurs l’objectif de l’article n’est pas la rétrodiction, qui considérerait qu’il ne pouvait qu’en être ainsi, mais simplement de constater l’état final du cours de zét et le fait qu’on aurait pu couper les vannes plus tôt.

      Je partage votre constat sur la vacuité du combat que mène la TEB. Je ne dis pas que lutter contre les figures de proue du charlatanisme moderne est inutile, mais que la manière dont ils le font laisse quand même perplexe, surtout dans le contexte actuel. J’ai l’impression qu’ils se nourrissent mutuellement les uns les autres plus qu’autre chose.

      1. Nicolas Krebs Reply

        Merci d’avoir pris en compte la plupart de mes remarques de forme.

        Puis-je mentionner le zététicien Fabrice Neyret ?

  4. Bernard Bel Reply

    Merci pour ce premier article qui donne à réfléchir sur les fondements de la « zététique » et du scepticisme scientifique dont elle se réclame.

    Je n’ai qu’une critique à formuler, qui porte moins sur le contenu que sur le contenant : une relecture attentive aurait permis de corriger des erreurs grammaticales qui nuisent à la qualité du propos. Certaines phrases sont difficiles à lire, quand ce n’est pas totalement incompréhensibles. Celle-ci, par exemple, me paraît cumuler une faute d’accord et la confusion de mots :

    « Les schémas d’association lettre-concept […] n’aurait rien à envoyer aux psychanalystes lacaniens. »

    Il se peut que l’article ait été rédigé en transcription verbale automatique, d’où la confusion entre « envoyer » « envier » — ou bien je n’ai rien compris ! Pourquoi pas, mais dans ce cas la relecture avant publication aurait permis d’éviter une telle imprécision.

    Il est gênant par ailleurs de lire un texte écrit à la première personne mais (sauf erreur de ma part) non signé. Cela me paraît contradictoire avec la rigueur académique dont l’auteur regrette l’absence dans les écrits « zététiques ».

    Cela dit, je suis impatient de lire les articles suivants !

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Bonjour et merci pour votre commentaire.

      Désolé pour les fautes et merci de les noter. Je corrigerai ça. Je suis juste un très mauvais relecteur et j’ai tendance à faire des phrases longues. On m’a déjà dit d’écourter pour rendre mes textes plus digestes. Promis, je me soigne.

      Concernant mon identité, mon anonymat n’est pas bien compliqué à lever et ne devrait pas affecter le fond de la critique. Certains membres du collectif préfèrent d’ailleurs garder le leur pour des raisons compréhensibles Mais si vous y tenez, je suis chercheur en sciences très dures: https://www.linkedin.com/in/germain-clavier-099a76122/ et comme je l’ai dit, j’ai fait relire le texte pas des copains/copines dont j’estime beaucoup la compétence sur ces questions.

      1. Bernard Bel Reply

        Merci pour ces précisions et la levée de l’anonymat.

        Pour ce qui est de la relecture, ma remarque ne concerne pas le contenu des articles, mais seulement la forme (grammaticale), donc une compétence plutôt « littéraire » que « scientifique ».

        Une bonne idée — que j’ai mis en œuvre en anglais — serait de faire corriger le style par chatGPT ! 😉

  5. Nicolas Krebs Reply

    Trois adresses de commentaires récents qui sont lié à l’article (c’est possible de mettre des listes dans les commentaires ?)

    https://twitter.com/pierre_jacquel2/status/1644629230171443200

    https://twitter.com/pierre_jacquel2/status/1644995393669742593

    https://twitter.com/Enthalpiste/status/1644357885088890880

    Ces ressources sont probablement déjà connues de Enthalpiste et du collectif zet-ethique, je les mentionne à destination des lecteurs de l’article qui voudraient en savoir +.

  6. Jean-Baptiste Bourgoin Reply

    Merci pour cet article salutaire. Les discours des zététiciens m’ont rappelés ma lecture d’Impostures Intellectuelles de Sokal et Bricmont, ouvrage que dont j’avais trouvé la démarche à l’époque, durant mes études de philosophie, très questionnable. D’une certaine mauvaise foi dirais-je. Autant dire que je ne suis guère étonné de voir apparaître le nom de Bricmont au côté de Broch.

    Je suis heureux de vous voire amener ce qui manque cruellement à ce « mouvement » zététique : le contexte d’énonciation, une certaine manière de rappeler qu’il n’y a de fait qui soit totalement isolé d’un tel contexte. Qu’une méthodologie ne fait pas une éthique, aussi. L’éthique, c’est autre chose, et elle n’est pas non plus le pré gardé de la zététique. Que, peut-être, le seul conseil que je pourrais donner en matière de « savoir » pour éviter autant que possible les écueils les plus graves ce serait l’humilité. Mais l’humilité ça ne se commande pas et, surtout, ça ne se professe pas ni se revendique. Peut-être commence-t-elle quand on commence à pouvoir dire à autrui que nous ne l’avons pas, mais là aussi c’est assez facile de se raconter des histoires.

    En cette affaire je « crois » en la seule vertu de la parole. La parole avec l’autre, pas l’auto-analyse. Car quand on dit, on se dévoile, on se met un peu à nu, on s’ouvre, et, parfois, on fait un peu tomber quelque chose de ses identifications imaginaires (pour reprendre des concepts lacaniens). Pas toujours, mais parfois c’est toujours mieux que pas du tout. Et, je pense, c’est aussi dans ces moments là que l’on peut entendre quelque chose de la parole d’un autre.

    Le drame de ce que nous montre certains zététiciens aujourd’hui, me semble-t-il, c’est quelque chose d’une clôture de la parole aux moyens de principes méthodologiques exposés de manière monolithique, sans mouvement, sans « jeu », sans l’espace nécessaire à un échange. Ce n’est évidemment propre à la zététique, ces discours sans « jeu » me semblant particulièrement bruyant et imposant aujourd’hui dans l’espace public. J’emploie le terme de « jeu » au sens mécanique afin, précisément, de signifier que la science, en tant que discours humain, n’en est justement pas une. La zététique nous dit quelque chose d’un discours contemporain.

    En lisant votre article je pense à cet ouvrage pour lequel je garde un souvenir de lecture ému : Contre la méthode de Paul Feyerabend. Un ouvrage drôle, provocateur, très criticable (et c’est le but), mais aussi très rafraîchissant (et pourtant il n’est pas tout jeune !) et salutaire.

    Le parcourant en vitesse (après des années à ne pas l’avoir touché), je tombe sur cette petite phrase qui n’a l’air de rien mais me paraît fort à propos :

    «La raison n’influence plus l’activité du scientifique. En revanche, elle fournit une terminologie pour décrire les résultats de cette activité» (Contre la méthode p.204).

    Il serait heureux de voir émerger dans tous ces débats un dialogue profond sur la nature de la raison, les représentations que l’on s’en fait, sa fonction dans nos discours et nos démonstrations, et sa place.

    Sur ce, je vous souhaite bonne continuation pour les articles à venir.

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Merci pour votre commentaire. Même si je ne suis pas particulièrement amateur de psychanalyse (encore moins lacanienne), je ne jette pas le bébé avec l’eau du bain et je trouve effectivement une partie de la critique qui lui est faite assez indigente.

      Si Impostures Intellectuelles vous a interloqué et que vous l’avez effectivement trouvé assez malhonnête, attendez la suite, on en parle. Par ailleurs on reviendra sur la valeur des critiques que Bricmont faisait à Feyerabend par exemple. Ça va être rigolo.

      En revanche je dois bien lui concéder que celle qu’il fait à la mobilisation des mathématiques par Lacan me semble taper juste. C’est à mon avis la seule, et c’est bien pour ça qu’elle ouvre probablement le livre. Mais je suis tout à fait prêt à ce qu’on me donne tord dessus.

      Pour citer aussi Feyerabend citant Richter deux pages plus loin: « Pour être un vrai dadaïste, il faut aussi être un anti-dadaïste! », et il résume là bien mieux la pensée critique que ne l’ont jamais fait les zététiciens.

  7. hiwen Reply

    « encore une fois, dans la suite, je me concentrerai sur la zététique comme une spécificité française »

    …. le fromage? 😉

  8. hiwen Reply

    article passionnant qui m’a fait désiller les yeux. très impatient de lire la suite, si suite il y a, sur la porosité de la ZET récente avec l’extreme droite, alors que tombe le couperet du chapitre Remerciements, argllll. pile au moment de la tension maximale, ce happening…

    il y a une réflexion sociétale à mener, au delà du cas concret de la ZET et de sa singerie pseudo-rationnelle, qui est que la comédie des semblants est devenu majoritaire et phagocytante dans notre rapport au réel, et rend inaudible le murmure des sachants. le commun des mortels a perdu tout discernement (éducation? perte de l’esprit critique?) dans ce monde du simulacre entre les semblants et les sachants; et pour ma part, perdreau de l’année, j’ai encore un peu de mal à distinguer le ZET, du ZEM. mais ça commence à entrer, grace à des moyens mnémotechniques fiables (le ZET, je zette; le ZEM, Z’aime).

    formidable travail qui épaule et permet de se sentir moins seul.

  9. Simon Reply

    Plusieurs vidéos assez récentes d’Acermandax (décembre dernier notamment) me laissaient une impression que cela devenait de plus en plus une mise en scène du style « Captain Zet vs Bullshitor », impression qui ne me semble pas si fausse que ça à la lecture de cet article.

  10. Rémi Reply

    Quelques points intéressant mais ça sent vraiment la critique de quelqu’un qui n’a pas vécu avant internet et qui a du mal à remettre les choses dans le contexte de l’époque.

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Bonjour Rémi et merci pour votre commentaire.

      Je suis malheureusement assez vieux pour avoir connu le monde d’avant internet et me souvenir du son qu’émettaient les modems 56K lors de leur connexion. Je ne fais pas mon âge sur cette photo qui commence elle-même à dater.

      Par ailleurs je ne pense pas que cette critique tape vraiment là où vous le pensez car, voyez-vous, les cours de Broch critiqués dans cet article sont devenu un module officiel de l’université en 93 (après ma naissance) et ont donc été donné pendant une trentaine d’années au total. Notez aussi que le professeur Broch a difficilement l’excuse d’un manque de compétences techniques puisque son travail de recherche utilisait des ordinateurs de manière relativement pointue pour ses calculs de chimie quantique, et qu’il était un des premiers à investir cet espace numérique que l’on nommait MINITEL. Par ailleurs il a, très tôt, mis en place son propre site internet pour faire la promotion de ses cours. Comprenez bien que nous partageons, vous, le professeur Broch et moi-même la même particularité qui est de vivre à un moment où internet est une réalité. N’est-ce pas formidable?

      Ce faisant l’existence d’internet et la longévité de ses cours ont laissé tout le temps au professeur Broch de se documenter et de se mettre à jour, chose qu’il n’a, selon moi, fait que de manière bien insuffisante, ce que je trouve fort dommage. Quant à la mise au point initiale de ses cours, effectivement faite avant la démocratisation de la toile, rappelez-vous qu’Henri Broch évoluait dans un de ces organismes particuliers disposant, déjà à l’époque, de ressources bibliographiques remarquables: une université français. Ceci se remarque d’ailleurs dans sa bibliographie qui contient des ouvrages rares et techniques, malheureusement trop peu nombreux et parfois au contenu discutable. Quant à suggérer qu’il lui aurait été possible de solliciter l’avis de collègues épistémologues par émail, téléphone, télex ou même courrier postal, il y a une rigole que je viens de franchir allègrement.

      J’espère que cette réponse vous apportera les éléments qui vous aideront à remettre les choses dans le contexte du temps présent, car, s’il y a bien eu un monde avant internet, il y en a aussi eu un après.

      1. Gaël Violet Reply

        Si je peux ajouter ma petite pierre: pour être assez vieux pour avoir suivi les cours de Broch en 1993, je me dois d’ajouter que ce dernier ne disposait pas simplement des ressources « d’une université française » mais de celles de l’université française dépendant du pôle technologique Nice-Sophia Antipolis, qui était déjà à la pointe en matière de nouvelles technologies. Nous ne vivions déjà pas « avant internet », à Nice, au début des années 90.

  11. VicViper Reply

    « Le 18 Octobre 2022, ma collègue, camarade de ZEM, et pote, Gwen Pallarès, maîtresse de conférence en didactique des sciences, a jeté l’éponge et décidé de quitter Twitter. Elle a expliqué que son départ était dû, notamment, au traitement de son travail et de sa personne par la communauté sceptique en ligne, et en particulier les « zététiciens » avec lesquels elle a interagi. »
    C’est une façon pour le moins biaisée de réécrire l’histoire…
    Votre pote a ragequit Twitter après s’en être allègrement servi pour harceler et diffamer, notamment avec des accusations de plagiat totalement infondées (car non, votre pote n’a pas l’exclusivité des mots « assertion » et « locuteur »).
    C’est cocasse de se plaindre du retour de bâton quand on se comporte soi-même comme un trou-de-balle sur les réseaux sociaux.
    Quant à la porosité zet/extrême-droite, vous en parlez toujours mais on attend toujours les éléments étayant cette « assertion© ».

    1. Gaël Violet Reply

      Bonjour.
      C’est très aimable à vous de nous informer de nos « biais », mais juste un peu dommage que ça soit pour raconter des conneries.
      Gwen n’a « harcelé » personne.
      Quant aux preuves de la porosité Zet Set/extrême-droite, ça fait longtemps qu’elles ont été données, mais comme le dit l’adage, il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
      Cessez de perdre votre temps en gaspillant le notre, et bonne continuation.

  12. JFD Reply

    Cet article n’est pas inintéressant mais il me fait penser à un nouvel épisode de la guerre sciences humaines / sciences dures qui n’est souvent qu’un dialogue de sourds. Je vais être dur, mais on peut raisonnablement estimer que l’épistémologie des sciences et même au sens large les sciences humaines n’ont rien à apporter aux sciences dures. Je ne veux pas dire que ces disciplines n’ont d’une façon générale aucun d’intérêt, bien au contraire, mais je veux dire que la quasi-totalité des chercheurs dans les sciences dures – bons ou mauvais – n’en tirent aucun profit. Ils trouvent même assez paradoxal que des personnes n’ayant en pratique jamais vraiment fait de sciences dures essayent de juger et de donner des règles de bonnes pratiques dans ces domaines. Broch n’a plus fait de recherche depuis les années 70 mais cela n’en fait pas un philosophe. C’est un physicien dont la carrière est essentiellement pédagogique et qui a enseigné dans les premières années de l’université à des étudiants en science , pas en lettres, en sociologie ou en philosophie. Dans ce contexte, malgré leurs aspects datés, ses polycopiés de cours me semblent tout à fait judicieux. Ce qui manque, ce n’est pas un bibliographie plus récente et mise à jour. En sciences dures – sauf pour les sciences naturelles – les premières années à l’université sont principalement utilisées pour étudier des concepts introduits avant 1940. Ce sont plutôt les exemples pratiques.

    1. Enthalpiste Post author Reply

      Bonjour,

      merci pour votre commentaire mais je vais me permettre de vous contredire sur quelque points.

      Tout d’abord Henri Broch a continué de publier des articles de recherches sur la modélisation quantique des protéines jusqu’au début des années 2000. Sa carrière s’est effectivement concentrée sur la pédagogie puisque passé 2001 on peut le déclarer « non-publiant » au sens professionnel. Soit environ la moitié de ladite carrière. Ça ne l’empêchait pas de se dire directeur d’un « laboratoire » qui n’avait de « laboratoire » que le nom et de mettre en avant la première « thèse en zététique » de Richard Monvoisin, qui n’en était pas une car s’inscrivant explicitement dans la didactique des sciences, discipline qui, elle, existe. Un comportement somme toute surprenant, Broch et le jury de ladite thèse n’ayant absolument aucune compétence dans la didactique des sciences autre que la réalisation de ce type de cours.

      Partant de là il est tout de même dommage de prendre du temps d’enseignement à des premières années de sciences dont j’ai noté la préciosité dans les plaquettes. Vous le dites vous même, il est essentiellement consacré à enseigner les fondamentaux. Cependant quitte à faire des digressions dans le programme, le minimum attendu serait de les faire bien au lieu de réinventer la roue. Je suis d’accord que l’épistémologie ou la didactique ne sont pas très utiles derrière une paillasse de laboratoire ou pour élaborer un modèle théorique, mais le contenu est ici présenté comme de l’ouverture à l’esprit critique qui est assimilé à « la méthode scientifique » dans une bouillie qui ne tient aucun compte de la littérature sur le sujet. On ne se retiendrait pas de se moquer d’un collègue philosophe qui commencerait à faire des cours d’introduction à la thermodynamique en allant chercher ce qui se dit sur « l’énergie libre » sur internet pour finir par parler de moteur à mouvement perpétuel, et là nous n’en sommes pas loin.

      Quand à dire que ces disciplines n’ont rien à apporter je ne suis encore une fois pas d’accord. Dans le cas de la didactique, elle permettrait probablement de déjà mieux aborder les problèmes de l’enseignement des concepts et des outils abstraits aux étudiants ce qui est un problème que n’importe quel pédagogue en sciences rencontre, et je ne vous apprend donc rien. Cependant je ne suis pas sûr que beaucoup de collègues s’intéressent aux résultats publiés dans « Physical Review Physics Education Research », « Physics Teaching » ou nos journaux francophones que je connais moins. Dans le cas de l’épistémologie, la sociologie des sciences ou de la philosophie de la physique, elles aident à comprendre les processus dans lequel nos pratiques s’inscrivent et les implications de notre travail. Croyez-moi, des lectures comme « Science et Pouvoir » d’Isabelle Stengers, ou « La vie de laboratoire » de Latour font travailler le cerveau pour peu qu’on prennent le temps d’y réfléchir. Les ouvrages sur diverses figures historiques sont d’ailleurs aussi très prisés par énormément de scientifiques de mon entourage qui prennent le temps de s’y pencher et aident à dissiper beaucoup d’idées reçues sur tel ou tel évènement de nos différentes disciplines que l’on pensait pourtant parfaitement compris. Vous seriez surpris de savoir ce qui sort encore sur l’histoire de la chimie et sur les recherches de Newton par exemple.

      Pour finir, lorsque vous dite « Ils trouvent même assez paradoxal que des personnes n’ayant en pratique jamais vraiment fait de sciences dures essayent de juger et de donner des règles de bonnes pratiques dans ces domaines. » d’une part le nombre de personnes dans ces disciplines ayant initialement une formation en sciences de la nature est plutôt conséquent. Parmi les plus connus des gens comme Feyerabend, Kuhn, Stengers déjà mentionnée, et plus récemment des gens comme Philippe Huneman, Massimo Pigliucci ou Alexandre Guay (ou même Yves Gingras brrrr) ont des formations scientifiques avant de s’être tournés vers la philosophie ou la sociologie des sciences. Je n’ai pas de chiffres mais à ma connaissance il n’est pas si rare d’y venir de cette façon. Quand à croire que ces gens essaient de juger et donner des règles de « bonnes pratiques », pour m’y intéresser depuis un certain moment, je ne vois pas de qui vous pouvez bien pouvoir parler, parce que ce n’est pas le sujet de ce genre de recherche.

      Mais si vous avez d’autres remarques sur ce sujet je serai content d’en discuter. Désolé pour le retard de la réponse, je n’avais pas accès au site cette semaine.

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