Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 1/6 : Critique du concept de biais cognitif

Temps de lecture : 9 minutes

Note importante : le modèle utilisé sur ce blog ne permet pas le co-autorat des articles à ce jour; la seule raison pour laquelle il est attribué au seul Gaël Violet est que c’est lui qui l’a mis en ligne – et par la suite les deux co-auteur.ice.s ont alterné; il est important cependant de préciser que chacun des 6 articles de la série ont été entièrement co-écrits par Gaël Violet et par Ce n’est qu’une théorie.

Disclaimer : la critique porte sur le concept de biais cognitif tel qu’il est compris dans le grand public. Nous savons que les chercheurs en sciences cognitives ne font (normalement) pas les erreurs qu’on décrit ici. Dans cette discipline les biais sont toujours qualifiés comme tels en prenant en compte les éléments contextuels.

Avertissement : cet article est très long. Nous avons dû le découper en 6 parties, que nous conseillons de lire dans l’ordre, même si elles peuvent aussi plus ou moins être lues de manière indépendante :
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 1/6 : Critique du concept de biais cognitif
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 2/6 : Premier cas pratique, les « biais cognitifs » des médecins et les soins aux patients
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 3/6 : Second cas pratique, le fanatisme religieux et les biais cognitifs
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 4/6 : La réduction aux biais cognitifs ; une approche politiquement située à droite
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 5/6 : Les émotions et la rationalité
× Les gens pensent mal : le mal du siècle ? Partie 6/6 : Synthèse – Contre la technocratie

Pour des raisons de fluidité de lecture, de nombreuses affirmations qui sont faites dans la première partie ne sont démontrés que dans les parties suivantes, en particulier les parties 2 et 3 (qui sont les cas pratiques). Nous avons également dû passer un certain nombre de précisions au format notes, sans quoi le texte était extrêmement alourdi. N’hésitez pas à vérifier que les contre arguments qui vous viennent à l’esprit n’y trouvent pas déjà leur réponse.  Bref, c’est parti !

Les sphères rationalistes ont une rengaine : les gens pensent mal. Biais de confirmation, dissonance cognitive, croyances irrationnelles : autant de choses à combattre parce qu’elles mineraient la bonne organisation de nos sociétés 1. Faisant des citoyens des votants perméables aux idées les plus enclines à séduire leurs affects (d’après Gérald Bronner dans La démocratie des crédules) plutôt que des êtres qui pèseraient réellement les pour et les contre avec la froideur et la rigueur qu’on attendrait d’un vrai citoyen éclairé.

Alors certes, la psychologie expérimentale et les sciences cognitives ont pu mettre en évidence des automatismes récurrents de la pensée, au moins en ce qui concerne les sujets sur lesquels ils travaillent habituellement 2. Il est évident que comprendre les automatismes de notre pensée, comme les non automatismes d’ailleurs (comprendre le fonctionnement général de notre pensée, en fait) peut s’avérer utile pour éviter certains ‘raccourcis de la pensée’ quand ils sont inappropriés. Si nous utilisons ici l’expression « raccourcis de la pensée » plutôt que l’expression plus courante de « biais cognitifs », c’est parce que nous défendons que le vocable « biais cognitif » et l’idée que les gens pensent mal qui l’accompagne toujours posent au moins les problèmes qui suivent (et découlent partiellement les uns des autres) :

  1. Le mot « biais cognitif », mais aussi la manière dont le concept de biais cognitif est marketé actuellement conduit certains à penser que les automatismes de la pensée n’ont que des effets négatifs : un biais est une erreur systématique, une erreur qui va toujours dans le même sens, et vu la connotation négative du mot biais, pas dans le « bon » sens. Le concept sous-entend que les gens « pensent mal », par défaut 3.

  2. L’expression « biais cognitif » est vague, ce qui donne prise à certaines utilisations fallacieuses et d’autres frauduleuses du concept. Par exemple :

    (a) Dire qu’une personne fait erreur à cause de « ses biais cognitifs » ou parce qu’elle « pense mal » sans être soi-même en mesure capable de préciser d’avantage en quoi c’est le cas 4, c’est un peu comme utiliser les forces divines pour expliquer le monde : c’est une cause des causes. Mais en réalité, on n’a pas du tout expliqué en quoi la personne fait erreur. Or, c’est très classique dans le milieu zet : pourquoi « légens » attaquent-ils les OGMs ? Pourquoi adhèrent-ils à telle religion ? Pourquoi sont-ils contre le nucléaire ? L’explication qui semble avoir réponse à tout mais en réalité n’explique rien si elle n’est pas d’avantage étayée : « Parce qu’ils sont victimes de leurs biais cognitifs. Ils pensent mal. »

    (b) A la base, les biais cognitifs, ce sont les résultats d’heuristiques identifiées par les sciences cognitives. Or, on s’est mis à appeler biais tout et n’importe quoi, pour discréditer des idées avec une pseudo-caution scientifique (cf partie 2).
  1. L’idée que les gens pensent mal conduit à ne pas réellement chercher à comprendre leurs arguments, ou les véritables raisons qui les poussent à défendre tel point de vue. Une écoute véritable nécessite de prendre le raisonnement de l’autre au sérieux 5, c’est-à-dire de le considérer comme cohérent par défaut, et de chercher à comprendre cette cohérence, plutôt que de chercher les incohérences (bien entendu, sans les nier quand on en trouve, ou quand on croit en trouver). Elle suppose qu’on tâche, autant que possible, de faire sienne, pour le temps de l’écoute, la perspective de la personne en face. Beaucoup de sceptiques ont déjà l’impression d’écouter, notamment les tenants, et d’une manière générale tous ceux qui sont perçus comme relevant d’un camp de l’Antiscience : écologistes politiques, critiques du capitalisme industriel, « relativistes postmodernes », etc. Le problème avec le type d’écoute qui est réservé à ceux qui sont par défaut considérés comme des ennemis de la Raison, c’est qu’elle ne prend pas au sérieux son objet 6. L’incapacité à adopter une telle posture rend toute tentative d’échange totalement improductive. En effet :

    (a) Cela semble être une lapalissade, mais la personne qui est en face peut avoir raison, et nous ne serons pas en mesure de nous en rendre compte tant qu’on n’aura pas compris ses arguments. Beaucoup de sceptiques, à cause de cette idée selon laquelle les gens pensent mal à cause de leurs biais cognitifs, discutent en « cherchant l’erreur ». On le voit, certains postent même des messages dans les groupes zets en disant « j’ai eu telle discussion avec untel, il avait tel argument, c’est quoi le nom de ce biais ? ». Or, écouter dans le but de chercher l’erreur, c’est dans au discours ce que le p-hacking est aux statistiques : on aura l’impression d’avoir plein de signaux significatifs, qui nous permettent de rejeter la thèse, mais on aura en fait ignoré tous les autres (c.à.d. les signaux qui confortent la thèse lorsqu’ils sont accumulés). Un argument isolé peut être faux sans que l’argumentaire dans son ensemble ne le soit !

    (b) La personne qui est en face peut avoir très bien compris les arguments de votre thèse à vous, mais arriver à des conclusions différentes des vôtres en raison de préférences différentes. Typiquement, de nombreux adeptes des religions admettent sans aucun problème qu’il n’y a pas de preuve qu’un dieu existe. Ils choisissent d’y croire et de pouvoir se tromper. Sciemment. Ils préfèrent le risque de se tromper en supposant qu’un dieu (surtout un dieu punisseur) existe au risque de se tromper en supposant qu’un tel dieu n’existe pas. Il n’y a pas de critère objectif et absolu pour trancher entre ces deux options, c’est vraiment une question de préférence dans le type de risque d’erreur (pour les stateux : de première ou deuxième espèce) qu’on est prêt à faire.

    (c) Il ne suffit pas d’avoir raison pour convaincre. Si on ne comprend pas les arguments de la personne qui est en face de soi, alors on ne sera pas en mesure d’y répondre de manière adéquate.

  2. De nombreux zététiciens admettent facilement que le combat pour mieux penser commence par soi-même, et expriment régulièrement cette idée qu’il faut un travail permanent contre « ses propres biais ». Mais tant qu’ils limiteront le « mieux penser » à la lutte contre les biais, ce vœu restera pieux. Il restera ce que nous qualifions de pétition de principe : ils sont tout à fait d’accord sur le principe pour faire attention à mieux penser, mais tant qu’ils n’ont pas compris réellement ce que c’est que « mieux penser », ils sont incapables de le faire réellement. L’esprit critique ce n’est pas seulement lutter contre les biais (ou les sophismes/paralogismes), croire cela est extrêmement réductionniste et limitant. L’esprit critique, c’est aussi se donner l’opportunité d’élargir sa réflexion par le maximum de mises en perspective possibles. Évidemment, nous disons bien possibles – et nous ne pouvons pas écouter tout le monde, tout le temps (et l’on peut croiser des perspectives qui nous sont déjà assez familières pour ne pas avoir besoin de refaire tout le chemin critique). 7 . Mais le fait de ne pas pouvoir écouter tout le monde ne doit pas devenir la justification pour n’écouter personne, ou seulement les perspectives qui nous sont proches a priori. Plus concrètement, effectuer un changement de mise en perspective consiste à comprendre comment le contexte dans lequel se trouve la personne impacte ses convictions, comme cela sera illustré dans les deux cas pratiques.

Nous défendons donc ici que les automatismes de la pensée sont tout à fait fonctionnels la plupart du temps (ce qui n’est pas très nouveau, pour ce qui concerne le milieu rationaliste, Christophe Michel de la chaîne Hygiène Mentale le défend assez bien dans ses vidéos, par exemple, Albert Moukheiber, auteur du livre Votre cerveau vous joue des tours, défend aussi cette idée dans ses interventions), mais aussi, et ça c’est une idée un peu moins répandue, qu’une réduction des automatismes de la pensée à des « biais cognitifs » conduit à considérer que, globalement, les gens pensent mal, ce qui est non seulement extrêmement délétère pour l’esprit critique et pour des débats d’idées sereins et constructifs, mais également pour la recherche de solutions dans la lutte contre les obscurantismes.

Exercice pratique : vous venez de lire une série de critiques à l’égard du concept de biais cognitif. Ces critiques ne sont pas encore étayées, ce sera, comme annoncé, le cas dans les parties à venir. Il y a quatre possibilités. La première, vous êtes d’accord avec tout. La deuxième, vous vous dites pour au moins certaines d’entre elles : ‘ah, ça je n’y avait pas pensé, intéressant’. La troisième, vous vous dites ‘hmm, on verra dans les parties à venir, je ne suis pas encore convaincu mais qui sait’. La dernière, vous avez déjà trouvé des contre-arguments et mémorisé seulement ça pour préparer votre réponse qui, vous le savez déjà, va contredire la présente série d’articles. Si vous êtes dans le dernier cas, vous cherchez seulement les incohérences pour pouvoir réagir avec une posture d’opposition, au lieu de comprendre la logique d’ensemble : c’est ça, ne pas prendre une argumentation au sérieux.

Ce qui précède est un peu théorique et nous allons tacher d’illustrer et démontrer notre position à l’aide de deux exemples pratiques (parties 2 et 3). Nous montrerons par ailleurs en quoi se focaliser sur les biais cognitifs est politiquement situé à droite (partie 4), et nous réfléchirons à l’opposition souvent établie entre émotion (qui serait propice aux « biais cognitifs ») et raison (partie 5) avant de synthétiser le tout (partie 6).

Vous pourrez suivre la sortie des différentes parties sur la page Zet-ethique, métacritique ou en activant le fil RSS de https://zet-ethique.fr/.


Notes :

  1. La zététique a d’abord été fondée pour l’étude du paranormal. La plupart des explications au paranormal se trouvent dans les illusions d’optique, auditives, ou autres « erreurs » du cerveau. Cependant, à mesure que la communauté grossit, les sujets d’intérêts abordés s’élargissent, jusqu’aux sujets de société, et l’approche zététique est utilisée telle qu’elle pour ces questions qui n’étaient pas son objet d’étude initial.
  2. Il serait en réalité tout à fait envisageable que ces déterminismes soient au moins en partie culturels (ce qui ne signifie pas qu’ils sont facilement malléables, contrairement aux idées reçues, c’est difficile à faire évoluer, une culture, d’autant plus que l’on ignore ce qui dans la culture est à l’origine de tel ou tel déterminisme). Il faut savoir qu’il est reproché aux études de psychologie expérimentale de travailler sur des échantillons trop homogènes pour prendre la mesure des variations culturelles. Pour plus d’information, voir par exemple cet article, ou, plus récent et en français, celui-ci.
  3. Et on ne peut pas considérer comme un argument valable contre les automatismes de la pensée le fait qu’on puisse les manipuler. On peut manipuler n’importe quel type de raisonnement, y compris les raisonnements logiques, et en la matière l’avantage est toujours au manipulateur : il peut penser son argumentaire en fonction des particularités du raisonnement qu’il attend et créer son raisonnement comme un piège.
  4. Préciser, c’est, par exemple, dire à une personne qui est contre un médicament et qui prétend qu’elle a vu passer dans son entourage plus de cas d’effets délétères que de cas de personnes sauvées : « vous avez davantage retenu les informations qui vont en faveur de vos a priori, c’est ce qu’on appelle un biais de confirmation ».
  5. Quand nous parlons de « prendre au sérieux », ce n’est pas dans un sens moral que nous employons cette formule. Il ne s’agit pas nécessairement de respecter ce raisonnement, mais de chercher à comprendre de quelle manière il est fonctionnel pour la personne qui le tient. Bien sûr, respecter le raisonnement de l’autre par défaut, avant de l’avoir cerné, est un impératif moral dans la plupart des cas, mais pas dans tous: un historien qui travaillerait sur l’idéologie des nazis se devrait de prendre au sérieux ladite idéologie, pour la comprendre, et de ne pas chercher ses failles mais avant tout comment elle fonctionne. Il ne serait, bien sûr, pas tenu de la respecter (s’il la respectait, ce serait même un grave problème).
  6. Dans l’entretien épistémique, par exemple, la courtoisie n’est que de façade, une arme rhétorique pour baisser la garde de l’adversaire et en arriver au but véritable de l’entretien : la traque des fautes de raisonnements éventuelles. Nous ne précisons d’ailleurs « éventuel » qu’en fonction de nos propres scrupules, l’interviewer des entretiens épistémiques étant de toute façon persuadé qu’il pourra en trouver. A ce sujet, lire cet article sur les dérives de l’entretien épistémique.
  7. C’est-à-dire qu’on a déjà soi même pensé et défendu la même chose par le passé, ou bien on a tenté de comprendre sincèrement les idées adverses en hésitant pendant des années, ou bien, plus difficile, on a réellement, avec suspension du jugement, lu un maximum des travaux de ceux qui défendent l’idée adverse pour s’y familiariser

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8 Comments

  1. Jean-Lou Reply

    Catégorie ‘ah, ça je n’y avait pas pensé, intéressant’ -> très intéressant même 🙂 !
    Ok par conséquent pour faire attention à ne plus employer le terme « biais cognitifs » (qui n’a jamais eu pour moi la connotation négative que vous lui attribuez mais que j’ai beaucoup utilisé …).
    Après réflexion, j’aime beaucoup votre proposition « raccourcis de la pensée », le terme est juste et effectivement plus neutre !
    Merci !

    1. Gaël Violet Post author Reply

      Merci à vous de votre lecture!
      Je précise rapidement que nous ne sommes pas strictement opposés à la notion de biais. Il existe quelques voix dissonantes au sein de la discipline (si/quand nous aurons l’énergie de sortir un addendum – prévu – à cette série d’articles, contenant une bibliographie critique des sources académiques dont nous nous sommes inspirés, nous donnerons quelques références à ce sujet), mais la psychologie expérimentale considère en général la notion comme utile, et de fait, elle l’est.
      Ce qui ne va pas en revanche dans son usage plus ‘grand public’, c’est que les biais sont attachés directement à la personne, au lieu de prendre en compte qu’un biais est en réalité toujours contextuel (en très condensé, un biais est une application d’un système de raisonnement à quelque chose pour lequel il n’est pas adapté). Ce qui a un effet pervers: celui de confondre l’intuition, ou l’approche holiste d’un problème, et le « biais », sans comprendre qu’il existe énormément de cas où justement c’est l’approche hypothético-déductive qui est sous-optimale (si je suis au milieu de la savane et que je vois les herbes bouger à un endroit, j’ai raison de faire un détour – sans savoir ce qui fait bouger l’herbe – et tort d’aller vérifier si oui ou non c’est bien un fauve qui fait bouger l’herbe. C’est un problème connu, Descartes, pourtant le champion du rationalisme au sens philosophique, faisait déjà la même réflexion: quand une brute et un intellectuel sont perdus dans une forêt, c’est la brute qui s’en sort, parce qu’elle va droit devant elle alors que l’intellectuel s’assoit et cherche la solution jusqu’à crever de faim. Si on devait parler de « biais » dans ces cas, ce serait la méthode hypothético-déductive qui serait « biaisée », car sous-optimale. J’ajoute que comme elle demande du temps et que notre temps, et notre énergie, sont des quantités finies, il y a plein d’autres cas où c’est la méthode qui demande le plus d’investissement qui est sous-optimale).
      Le fait est, par contre, que la notion de biais devient, du coup, difficile à manier, et son usage pousse à la faute (voir tous les vulgarisateurs qui expliquent que *nous* sommes biaisés à cause de notre cerveau qui pense mal); la prudence nous incite donc à plutôt conseiller de s’abstenir de son usage, qui est, de plus, une facilité (un peu comme le recours à la chasse au « sophisme », avec laquelle il partage de nombreux points communs). Pour que ce soit bien fait, et c’est parfaitement possible, il faudrait idéalement que chaque fois qu’on identifie un biais, on ne se contente pas de le nommer, et surtout, on argumente sa présence en étant très explicite sur le contexte qui induit ledit biais.
      Pour vous donner un exemple, j’avais répondu, sur la page facebook de ce site, à une objection d’une personne qui pensait que nous disions que les biais n’existaient pas. Dans ma réponse, j’ai moi-même parlé d’un biais récurrent en milieu sceptique (qui nous pousse, en tant que groupe, à imaginer que oui, « les gens pensent mal »), je vous copie cette partie de ma réponse:
      « puisqu’on parle de biais: les sceptiques raisonnent à partir de ce qu’ils savent et voient du monde, comme les autres. Et ça veut dire qu’ils raisonnent sur la manière dont on pense /en général/ à partir de ce qu’ils ont sous les yeux dans leur timeline: une litanie infinie de posts se moquant du discours délirant – faute d’un autre mot, pardon, il est assez psychophobe – de tel ou tel tenant. Bref, leur perception du monde leur fait voir plus de bêtise qu’il n’en existe. »
      Vous voyez que ce que je décris n’est pas une faute dans le raisonnement: il est logique de conclure, à partir des données disponibles, que la bêtise est plus courante qu’en réalité; le problème tient en fait aux données disponibles elles-mêmes. Nous parlons un peu, dans la partie 6, du biais de cadrage, et je crois (j’espère) que nous avons été clairs sur ce que nous en pensons: dans le biais de cadrage, ce qui crée le biais, ce n’est pas le raisonnement, mais le cadrage.

      Voilà, n’hésitez pas à répondre si ça ne vous parait pas clair (ou si vous n’êtes pas d’accord 😉 ).

  2. JeremyD Reply

    C’est extrêmement faible. Et la suite n’est pas mieux.

    Quand on voit la quantité de travail pour ne finalement rien dire d’interessant …
    Cela ressemble plus à une suite d’attaques personnelles, bien présentée pour que cela reste acceptable, qu’à une véritable réflexion sur un sujet

    Je précise qu’il s’agit ici simplement d’une expression de ressenti. Une réponse détaillée et correctement argumentée nécessiterait une quantité d’effort que cette suite de textes, à mon avis, ne mérite pas

    Après, je suppose qu’il s’agit d’un début dans l’exercice. Plus d’abstraction, plus de rigueur, une véritable tentative de comprendre les approches critiquées et une capacité à penser contre soi-même permettront d’améliorer le propos. Vu la capacité de rédaction et de travail, il est raisonnable de penser que les prochains articles soient de biens meilleures qualités

    1. Gaël Violet Post author Reply

      Bonjour.
      Merci beaucoup de nous faire part de votre ressenti – et sachez que l’ironie ne nous a pas échappé. Nous enjoindre à « penser contre nous-mêmes » est, par exemple, assez savoureux, étant donnée la thèse (mettons de côté l’argumentation, puisque vous semblez n’en avoir vu aucune) de ces articles.

      Cependant, puisque vous ne semblez pas empressé de vous confronter à nos arguments (mais à nouveau évidemment, il n’est pas clair que vous nous prêtez des arguments…), je me dois de vous poser la question de l’utilité de votre commentaire – qui lui, comme vous le constatez vous-même, ne contient pas d’arguments. Si une critique argumentée peut être utile, y compris quand elle tape à côté (ne serait-ce que parce qu’elle permet de mettre en évidence un manque de clarté ou une ambiguïté dans l’argumentation) je ne vois pas bien les leçons qu’on est supposés tirer de votre commentaire.

      Voilà, sur ce je vous remercie de vos encouragements, et je vous souhaite une bonne continuation.

  3. Bichon Reply

    Si j’étais moins athée je crierais volontiers « Alleluia » !

    Ce courant de pensée n’est pas nouveau dans la sphère sceptico-zététique, mais il est minoritaire, alors c’est un plaisir de le lire ici. La chasse aux biais est un vrai fléau dans le sens ou beaucoup de zet sont devenus d’avantage des détecteurs de biais qu’autre chose. Probablement car la logique est vite comprise et que la critique est plus aisée que la pratique. J’ajouterais qu’il est facile de devenir plus royaliste que le roi dans ce domaine.

    A mon sens, la science ne doit pas s’absoudre des biais cognitifs car il font parti de l’apprentissage et du développement de l’intuition. Il faut, en revanche, ne pas sauter d’étapes lors de l’établissement de la preuve par l’expérience, c’est cette dernière qui validera ou invalidera une idée ou une intuition (et bien entendu être prêt a accepter un résultat négatif).
    Il reste néanmoins important de connaitre ces biais, de savoir que l’on y est soumis en tant qu’humain, et accepter d’avoir tord.

    Concernant les entretiens épistémiques, cette pratique est a deux doigt d’être malsaine et j’ose espérer qu’elle disparaîtra de la sphère sceptique.

  4. Julien LM Reply

    Bonjour,

    Ravi de lire, d’apprendre, et de remettre en question aussi grâce à ces articles. Il y a déjà quelques temps que je m’interrogeais sur mes pratiques professionnelles d’animateur médiateur numérique avec les outils « biais cognitifs ». La première réduction de la pensée passait par l’explication de tout à outrance, et catégorisait les arguments dans « bien penser » et « mal penser ». Une vision binaire qui me choquait de plus en plus…

    Tout comme être un bon parent, ou un mauvais parent : un parent fait de son mieux pour être bon à mon avis ! Ne trouvant pas les mots simples, ou les explications telles que les vôtres pour y voir plus clair, j’ai donc cessé d’utiliser ces outils dans mes animations, et donc, j’ai aussi cessé de faire ce genre d’animations. Et oui, parfois l’éthique se joint à la pratique.

    Il réside peut-être un autre phénomène lié à cette « pratique » de la zététique, très subversif et malin, dont nos chers propulseurs d’informations sur internet usent et abusent à des fins mercantiles : la bulle informationnelle.

    Il m’aura fallu plus de 6 mois pour trouver votre blog et donc « leur » faire oublier que mes centres d’intérêts n’étaient plus seulement sur la zététique moderne, mais aussi sur ses limites, voire ses dérives possibles.

    Ainsi, pour les zététiciens détenteurs de LA vérité, vos propos apportent du grain à moudre à la question des arguments, de la preuve, et à la sortie de leur bulle informationnelle qui n’ira donc pas dans leur sens, pour une fois… encore faut-il argumenter sans tomber dans les biais qu’il est tant recommandé de connaître par cœur, puisqu’à lire les commentaires sur cet article, visiblement vos propos manquent déjà d’arguments 😉 !

    Et j’apprends d’ailleurs, ici même, que la zététique était vouée à l’étude du paranormal. On parle bien d’étude. Et non de prouver que cela n’existe pas. Ce qui aujourd’hui me laisse songeur au regard de la posture de fermeture d’échanges d’idées avec l’IMI par exemple. La discussion est totalement rompue, car la compréhension de l’objet de la recherche n’est pas actée. C’est la perspective de démontrer l’inexistence des phénomènes paranormaux qui est plus tentante et plus simple. L’histoire du chien qu’on veut faire piquer en faisant croire qu’il a la rage.

    Si ce changement de posture que vous tentez d’éclairer ici pouvait faire des émules, l’énergie dépensée à avoir la conclusion et de trouver les arguments ou preuves qui la confirment, pourrait servir à étudier, pour une fois, le sujet.

    Enfin, l’actualité nous le démontre, nous ne savons plus accepter le simple fait de ne pas savoir, de ne pas avoir de réponses. C’est sans doute un problème sociologique, de pauvreté de la pensée, que de ne plus accéder à ce type de postures philosophiques (les sociologues exprimeront mieux que moi pourquoi, si jamais cette réflexion est étayable).
    C’est aussi, à mon avis, très lié au numérique, à internet, et à cette espèce de « détention de vérité » accessible à tous. En tout cas c’est ce que je perçois chez mes bénéficiaires lors de mes ateliers.

    Merci en tout cas pour votre réflexion profonde sur la zététique, le magnétiseur que je suis et qui n’a pas d’explication rationnelle et scientifique sur ce sujet, accepte parfaitement d’être dans « le croire », et ne détient que sa propre vérité, qui a le droit d’exister, sans « bien penser » ou « mal penser ». Tout comme j’accepte l’avis opposé. C’est aussi nourrir la diversité de nos êtres qui enrichi nos univers et nourri nos cerveaux.

    Vous avez gagné un lecteur, et en plus vous le rendez heureux. Bonne continuation à vous.

  5. hiwen Reply

    ceci : « L’idée que les gens pensent mal conduit à ne pas réellement chercher à comprendre leurs arguments, ou les véritables raisons qui les poussent à défendre tel point de vue. Une écoute véritable nécessite de prendre le raisonnement de l’autre au sérieux , c’est-à-dire de le considérer comme cohérent par défaut, et de chercher à comprendre cette cohérence, plutôt que de chercher les incohérences  »

    lu sur un site (lignedecrete), le terme de « bulverisme » qualifie bien ce comportement. non seulement il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, mais il se pourrait bien que les biais cognitifs soit eux memes un biais cognitif.  »
    – chercher les incohérences -> pensée destructrice
    – ne pas réellement chercher à comprendre -> absence d’écoute et de réceptivité
    ce système défensif en réseau de fils barbelés ou il s’agit de rendre pérenne le soi et ses conceptions du monde en passant par la négation de l’autre (dans une ampleur d’altéricide sans précédent, un bon pti autodafé de la pensée de l’autre pour la broyer menu-menu ) fait penser à un comportement phobique. je suis bien placé pour le savoir puisque cette analyse psychologisante du biais du biais n’échappe pas à la règle, et est également soluble dans l’alcool. ce qui conclura ce rapide survol : la seule excuse de l’étude de biais, est quand il s’applique à soi meme. sinon, c trop facile, c cheater.

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